[ALBUM] GHERN, Tout a été inventé pour toi // pour vous…
Nouvel album déjà disponible.
Dans l’univers de la chanson française, il est des chanteurs auteurs compositeurs qui nous émeuvent particulièrement. Ceux-ci s’extirpent justement du simple carcan chanson pour s’acoquiner à la pop, voire au rock. Ghern fait partie de cette génération qui place la qualité des textes au centre d’une musique qui n’oublie jamais d’être riche, inventive, ou tout simplement porteuse d’émotions, de sensations plus ou moins diffuses, plus ou moins définissables et surtout ne jouant jamais les faire-valoirs « pauvres » du texte (ce qui malheureusement est trop souvent le cas, et nous ne parlons même pas de la variét’). Sur Tout a été inventé pour toi, le musicien nous prouve tout cela avec tact et sensibilité.
Faisant disparaître la frontière entre les styles, Ghern nous implique dans son univers. En effet, si nous restions passifs, nous passerions à côté de la finesse se dégageant des textes, des musiques, des lignes de chant et de la simple voix de l’artiste. C’est donc l’écoute active qui est recommandée dans le cas de ce premier album un peu magique.
Douceur.
Dès le premier titre, nous pénétrons dans un univers de douceur. Attention, ne pas croire qu’il soit question d’une quelconque mièvrerie, mais véritablement de douceur, celle de la peau, celle du coton, celle d’un souvenir. Les teintes peuplant cet univers sont pastel, pas vives et aveuglantes, mais rassurantes, accueillantes, chaudes, mais jamais à l’excès. La voix pose des paroles romantiques, pleine de pudeur, légèrement surréalistes sur certains morceaux. L’auteur y parle du sentiment amoureux, sans parler d’amour, se livre sans ostentation sur ces observations du monde qui l’entoure.
Pour se faire, il se rattache à des petits éléments presque invisibles, des sensations, des observations pleines d’intimité de cette fille à la moto (par exemple). Dire les choses sans les nommer est un art dans lequel le musicien excelle. Ainsi, il laisse place à l’interprétation que fera notre sensibilité quant à ses textes. Forcément, ça laissera certains mélomanes indifférents, ou peu emballés, tandis que certains y verront une marque de talent indiscutable. Quand il est plus question de sensibilité que d’interprétation pure et dure, nous entrons dans une nouvelle dimension, dépassant le simple cadre de la compréhension. Il est question de proximité, d’atomes crochus, de ce genre de choses que n’expliquent pas les mots, mais que la chimie interne déclenche et propage dans tout un organisme.
Acoustique.
Pour enrober cette sensibilité, il faut un écrin acoustique. En optant pour des guitares folks, du piano, des arrangements de cordes, relativement discrets, feutrés, Ghern trouve l’outil idéal pour que ses musiques se développent de la plus belle des manières. Cela n’exclut pas l’électricité d’être présente, apportant une forme de tension qui rehausse subtilement les contrastes, émotionnels eux aussi. Une légère dramaturgie se met alors en place sur certains titres (comme sur La chaise d’émeraude). Il y a un peu de mélancolie, beaucoup de tendresse, un peu d’amertume parfois, beaucoup d’amour.
Nous sentons, tout au long de Tout a été inventé pour toi une constante, légèrement emprunte de nostalgie, plutôt joyeuse. Sur Il ne faut rien raconter par exemple, le chanteur évoque la jeunesse du narrateur (lui-même ? Un autre ? Peu importe, le propos est universel), moment plutôt joyeux durant lequel il ne se fait pas remarquer, comme par pudeur, pour ne pas penser à ceux qui viennent à nous manquer. Cette mise à nu, simple, avec un vocabulaire finement choisi, pourrait synthétiser l’essence de Ghern, à savoir celle d’une exigence du mot juste sur l’orchestration juste. L’ensemble s’avère délicat, jamais chichiteux, ça fonctionne à merveille.
Entraîner.
Nous nous laissons entraîner dans cet univers aux contours bien délimités, qui justement laissent un espace incroyable pour que nos pensées l’habitent. C’est ainsi qu’un titre peut défiler sans que nous y prêtions attention, puisque nos pensées s’accordent sur les mots utilisés par le chanteur. Nous nous fondons dans son environnement, le faisons notre, laissant nos rêves peupler ses lignes de chants.
Ces dernières sont d’ailleurs l’un des points fort de l’album. Nous avouons apprécier le timbre de voix de Ghern, mais cela n’a rien à voir. Les lignes de chant sont nuancées, semblent couler de source, semblent également basiques, mais il n’en est rien. Des subtilités, souvent minimes, leur donnent du relief, du corps, surprennent sans que nous le constations de prime abord. La magie opère donc à tout niveau sur ce disque montrant une force évidente, celle de ceux qui voient dans le monde de la beauté et non pas des laideurs au kilomètre. Optimiste mais pas naïve, la musique de Ghern réchauffe l’âme.
LE titre de Tout a été inventé pour toi.
Nous aimons beaucoup La chaise d’émeuraude, pour son côté légèrement surréaliste, et sa poésie. Mais comme tous les titres possèdent cette poésie, et comme nous vous avons déjà parlé de La chaise d’émeuraude, nous allons dédier la place tant convoité de titre de l’album à Beau futur. Pourquoi ? Parce que c’est un morceau dont le rythme (et c’est souvent le cas sur Tout a été inventé pour toi, le rythme n’est pas marqué, pas surjoué, mais il est ultra présent, et très efficace) nous entraîne loin, vers les Indes pourquoi pas, mais surtout parce qu’il est d’un optimisme discret. Il s’agit en effet d’un morceau qui fait du bien, qui donne envie de sourire. L’entame du refrain, oh futur mon beau futur, nous fait quand même croire que tout ce que nous traversons aujourd’hui n’est que provisoire et que demain portera de nouvelles graines, même si, tout se passe en même temps.
Nota : petite mention spéciale pour Météo France, titre légèrement plus expérimental, mais d’une poésie dingue !
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