[Album] MODESTY BLAISE ,The Modesty Blaise // Le sens de la fête
album éponyme disponible chez From LoFi to disco
“Tout vient à point à qui sait attendre”, voilà comment nous voulons démarrer cette nouvelle chronique. Ce troisième album éponyme sort près de vingt ans après la sortie du précédent Melancholia (2001). Les anglais de Bristol avaient marqué les années 90 avec leur Hit Christina Terrace sorti sur leur premier album Modern Guitars With Amplification (1997). Le groupe tire son nom du comic strip britannique créé en 1963 dans lequel nous pouvons suivre les aventures trépidantes de l’héroïne Modesty Blaise, femme fatale au passé compliqué et douteux. Après avoir fait fortune à la tête de l’organisation criminelle nommée “Le Réseau”, elle se retire des affaires et aspire à une vie plus paisible et oisive jusqu’à la rencontre de Sir Gerald Tarrant, fonctionnaire des Services Secrets Britanniques. C’est à ce moment que démarre la nouvelle vie de Modesty Blaise.
La nausée de Jean-Paul Sartre
Le comic strip aura marqué toute une génération au point que le personnage entrera dans la culture populaire. Les aventures de Modesty auront inspiré de nombreux artistes, de Dalida au groupe pop rock des frères Mael, les biens nommés Sparks, ou encore Quentin Tarantino avec Pulp Fiction (attention spoiler) où la dernière lecture, avant de mourir idiotement, de Vincent Vega (John Travolta) est Modesty Blaise. C’est par amour pour les années 60 et certainement pour la femme que représente Modesty, que la bande à Jonny Collins, leader du groupe, décide de s’emparer de ce nom. Les principales influences de nos anglais sont les groupes pop-rock des sixties tels que les Beatles, les Beach Boys ou encore les Birds et les Kinks. Avec leur dernier album, nous pouvons assurer que la musique sixties n’est pas la seule fascination du groupe pour cette période du Baby Boom, à l’image de la pochette de l’album.
Bon, malgré le fait que nous soyons nés près de vingt ans après cette époque charnière de toutes les révolutions (sexuelles, morales, artistiques,…), nous avons pu déceler sur cette photo légèrement jaunie par le temps, une référence inéluctable Aux Cahiers du Cinéma dont l’un des fondateurs, André Bazin, a plébiscité les réalisateurs de La Nouvelle Vague. Ce même Bazin a aussi écrit un essai sur Orson Welles, réalisateur du film Citizen Kane, affiche que nous pouvons également apercevoir sur la pochette. L’art sous toutes ses formes est présent. Comme le huitième art, avec le cliché de Che Guevara pris par le photographe cubain Alberto Korda. Il y a la littérature avec La Nausée de Jean-Paul Sartre qui jonche le sol à côté de ce verre de Dubonnet, le même dont Anna Karina et Jean-Paul Belmondo se délectent dans le film Une femme est une femme de Jean-Luc Godart. Et ce ne sont pas les seuls clins d’œil apparents. Il y a aussi les Demoiselles de Rochefort… Le décor est planté et nous pensons que vous avez largement compris de quoi retourne ce dernier album des Modesty Blaise.
Brexit oblige !
The Modesty Blaise est composé de onze titres pop aux accents et à l’humour So British. Majoritairement, il est question d’amour comme sur le titre I Love you, qui ouvre l’album. Jonny Collins clame son amour pour son public, comme pour dire “vous m’avez manqué toutes ces années, je vous aime”. Come lie beside me, au rythme lent et lascif, respire l’étreinte amoureuse et la tendresse. Le temps s’arrête dans les bras des amants. L’amour toujours mais un amour complaisant, avec Natalie Vendredi, où le narrateur fait la cour à une charmante française afin d’obtenir un visa pour la France. Brexit oblige! Sad Songs, un brin narquois, ironise sur ces personnes pour qui il est plus facile de vivre dans la grisaille que sous un soleil radieux. Modesty Blaise tire également à boulet rouge, avec son titre Catwalk Queens, sur ces stars plus éphémères encore qu’une étoile filante, dont nous entendons parler sur toutes les radios, qui passent partout sur nos écrans plats et tactiles, et qui sont remplacés du jour au lendemain au pied levé, par un ou une autre comète.
En parlant de comète, Pink Champagne On Mars (Return Of The Uranium Girl) nous satellise et nous nous imaginons dansant la Samba sur une plage brésilienne, un verre de Pink Champagne à la main et les vagues venant nous caresser les pieds. Le rêve! La fête continue avec Rollerdisco, qui nous entraîne au Studio 54, discothèque mythique de New-York où la musique disco a vécu son apogée. Andy Warhol disait de ce lieu “Une démocratie sur le dancefloor mais une dictature à l’entrée” tant la tenue correcte exigée n’était pas un mythe. Les gars venaient pour draguer alors que les filles y étaient juste pour danser. C’est ce que résume très clairement le titre Girls Just Wanna Dance. Les gars, laissez votre bagout à la maison ou au vestiaire. Out tonight fait clairement le lien entre l’envie de fête et d’amour, sauf qu’ici, il s’agit de romance alcoolique avec Mary Rose (Gin), élément incontournable et nécessaire pour certains pour passer une bonne soirée. Alors que Oh! Redmond nous rappelle qu’une vie d’excès n’est jamais sans conséquence.
Déclarer l’heure du décès
L’album se termine avec And The Lights Went Out All Over Town, quelque peu dystopique, avec une ambiance sonore qui ne saurait nous rappeler les allemands de Kraftwerk. Le pouls de la ville fatigue. Il ne reste plus qu’à déclarer l’heure du décès. Poussé aux extrêmes, la ville pourrait très bien être notre planète qui n’en peut plus de la façon dont nous la traitons ou bien simplement nous ou ce vieux Redmond dont les excès de la vie, ont conduit à la fin de la fête.
Modesty Blaise assure un retour gagnant. Nous devinons qu’il n’est pas aisé de revenir après tant d’années, néanmoins le charme et la magie opèrent. Même si certains sujets abordés ne sont pas forcément heureux, Modesty Blaise arrive à conserver une certaine allégresse et un enthousiasme permanent. L’album est à mettre entre toutes les mains, et surtout entre celles de ceux qui n’écoutent que des chansons tristes. A écouter sans modération !!!
LGH
(Le Gosse hélicoptère) j’adore découvrir de nouveaux artistes encore inconnus du grand public
et chercher ceux qui dans le passé ont fait ce qu’est la musique aujourd’hui.
La musique m’accompagne en permanence et tient une place primordiale dans ma vie.
Mon maître-mot est l’éclectisme même si mon cœur balance pour le rock sous toutes
ces formes. J’affectionne également la littérature et plus particulièrement la littérature
anglo-américaine (Bret Easton Ellis, Don Delillo, Jonathan Franzen,…).
Relire la chronique de Quaisoir
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