[ALBUM] THE JACQUES, The four five three // fièvreux
Debut album de The Jacques (déjà disponible chez Modern Sky).
Nous commençons cette chronique par un énorme Mea culpa. Ce disque, The four five three, nous le trimballons depuis un moment déjà mais, par étourderie, nous ne voyons pas d’autres explications, nous avions cru qu’il sortait en ce début d’année (déjà bien entamée), alors qu’il est paru en novembre. Mieux vaut tard que jamais néanmoins, surtout pour évoquer un disque qui ne cesse de nous retourner la tête et les entrailles depuis tout ce temps. Ce debut album de The Jacques est tout simplement une merveille.
Faute avouée à moitié pardonnée, paraît-il. Nous allons désormais essayer de combler l’autre moitié à pardonner en vous parlant de ce disque qui mélange un peu, comme ça, Blur avec Eels avec Nirvana avec Pavement et avec d’autres groupes aussi, pour en faire un album entre pop, rock, post punk dégageant une émotion que nous avons parfois du mal à contenir. Il faut dire que l’histoire de The Jacques repose en partie sur une tragédie, celle de la mort du bassiste Will J Hicks.
Un groupe qui s’est longtemps cherché.
Aujourd’hui quatuor, composé de Finn O’Brien (voix et guitare), Elliot O’Brien (batterie), Harry Thomas (clavier) et James Lay (basse), le groupe a longtemps cherché son line-up final. La mort de leur bassiste n’a forcément pas aidé à la chose puisque cette disparition à durement touchée les membres du groupe. Néanmoins, quand le feu ardent de la musique vous habite, il est impossible de ne pas répondre à ses appels. Ainsi, comme un phénix, The Jacques a surmonté cette douloureuse épreuve pour accoucher d’un album d’une force fragile où le génie rôde à chaque nouvelle plage.
Il nous est difficile d’expliquer en quoi consiste la musique du groupe. The Four five three porte en lui tout un pan de la musique des 30 dernières années, à la fois pop (Do me for a fool), post punk (Swift Martin, Kiss the pharaoh) et simplement rock (Count on me par exemple). The Jacques arrive parfois à entremêler les différents styles en un seul titre, ce qui nous fait monter au ciel en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Les sonorités sont travaillées à la perfection, dégagent, comme sur les trois premiers titres, trois pépites absolues, une atmosphère poisseuse, lourde, sombre, oppressante. Mais lorsque le groupe fait sonner sa musique de la façon la plus pop soit elle, c’est un véritable rayon de soleil qui vient transpercer cette fameuse obscurité.
Intimiste.
Si les premiers titres semblent relativement détachés de la personnalité profonde des membres, et sonnent donc de façon plutôt universelle, plus nous avançons dans l’album, plus nous sentons que tous les membres se mettent à poil, petit à petit. Si les guitares restent électriques, abrasives, les tempos s’alanguissent, ralentissent, laissent parler l’introspection, comme si The Jacques s’adressait directement à nous pour trouver la sortie de ce labyrinthe que l’on nomme vie. La bascule s’opère progressivement, parfois stoppée dans cette avancée par des titres post rock/punk (voire shoegaze) saisissants, à la mélancolie aussi épaisse qu’un brouillard Londonien.
Un sentiment de danger rôde aux abords de chaque morceau. Un sentiment de danger ou bien ce sentiment d’y avoir échappé et d’être, en ce sens, un survivant ? Forcément, la question reste entière. Nous ne possédons pas toutes les clés pour vous apporter les réponses, le mieux est que vous vous penchiez vous aussi sur l’album.
Des points forts.
Comme toute petite merveille se respectant, The Four five three possède de nombreuses qualités. Les synthés sont monstrueux (on pense à Kiss the pharaoh, notamment lors du passage presque reggae, mais aussi la grande majorité des titres où il pose des nappes parfois lyriques, parfois épiques), les guitares sont nerveuses, presque sourdes par moments, et disperse un affreux bourdon qui nous maintient dans sa nasse, sans que nous puissions fuir. Les arrangements sont subtils, malgré des abords qui peuvent parfois paraître très escarpés, bruts. L’autre qualité du groupe est d’être une entité forte, comme si les épreuves passées avait soudé tout ce petit monde en une seule masse à plusieurs têtes. Le titre Swift Martin est en ce sens saisissant, avec ce jeu de voix mélangées, qui se coupent mutuellement la parole.
Mais l’élément déclencheur de passions, parfois potentiellement contradictoires, est cette voix, celle de Finn O’Brien. Elle est terriblement sexuelle, rauque, parfois trainante, ne se presse jamais, mais pose chaque mot là où il faut (même au fond du temps). Parfois, nous en venons à nous demander quand est-ce qu’il reprend son souffle. Il y a un truc hyper coulé, fluide, expressif à force d’essayer de ne pas l’être. Cette voix assène des lignes de chant extraterrestres, séductrices, sans filtre, aiguisant une sensualité folle. Bref, en combinant ce timbre de voix, ce côté rocailleux et ses lignes de chant, O’Brien nous déclenche des guilis dans le ventre. Effet garanti !
Une puissance inégalable.
Et c’est assez étonnant, parce que cet album, sans fulgurances flagrantes (tout l’album paraît ramassé sur lui-même, ce qui est contradictoire avec l’impression d’ouverture qu’il nous révèle), nous domine de toute sa puissance. Celle-ci est discrète, tendue, légèrement rehaussée par un mix qui placerait soudain les distorsions de gratte au premier plan. Malgré tout, tout reste presque d’un bloc, sans pic. L’effet est assez surprenant, déclenche chez nous une envie combative, une envie de nous lever et d’aller de l’avant, de saisir la vie par le col et lui dire que désormais nous ne la subirons plus.
Il y a, en plus de cela, des pépites brutes dans ce disque dont l’agencement est des plus pertinents, malins. The four five three nous raconte véritablement une histoire, de celle de ceux qui sont restés et qui comptent bien nous prouver que leur présence ici-bas a de l’importance (et elle en a évidemment). Ce groupe, nous mettons notre main à couper, fera partie des grands de demain.
LE titre de The four five three.
Et voilà un moment redouté, celui de dire notre morceau de référence pour cet album qui contient presque autant de diamants qu’il possède de titres. Les 3 premiers morceaux sont sublimes, The Ugliest look nous terrasse avec son refrain, Count on me (pt.1 ou pt.2) revient sans cesse dans notre tête, Tiny fuzzy parasiste revisite le slow de façon déconcertante… Et que dire de Cradle, Hendrik ou God’s luck ? Alors trouver un morceau qui réunirait chacun des points forts de l’ensemble s’avère un véritable casse-tête.
Alors nous allons déjouer tous les pronostics en vous citant Holly mamacita, pour sa ligne de chant, pour sa douceur, pour sa mélodie, pour cette voix qui fait des ravages, pour une certaine tendresse aussi, mais également par ce qu’il dégage d’humanité. Parce que nous sentons que le groupe en a gros sur le cœur, sur ce titre, et qu’il l’exprime de façon tout sauf plombante. Au contraire, le morceau est aérien, dégage un parfum presque optimiste, malgré tout, et nous transporte dans une bulle salvatrice rassérénante. Mais cela reste très subjectif et, honnêtement, les ¾ des morceaux ici présents sont de très très belle facture
Nous retrouver sur FB, instagram, twitter
On pense à Squid