[ALBUM] AUGENWASSER, Sleepdancer // Lo fi hypnotique
Sleepdancer, nouvel album d’Augenwasser, déjà disponible chez Bongo Joe Records.
Son album est sorti en novembre mais nous voulions nous attarder un peu dessus. Parce que Sleepdancer, d’Augenwasser, nous fait un drôle d’effet, de ceux qui, comme le crachin, imprègne nos vêtements, parfois plus qu’une violente averse passagère. Autrement dit, il faut du temps pour laisser la magie agir, même si, dès le début, nous pressentons un artiste pas comme les autres.
Il y a chez Augenwasser ce fragile équilibre entre instantanéité et cérébralité. L’un se traduit par un charme pop folk à la frontière du psychédélisme, l’autre par un parti pris visant à noyer la voix dans une production électronique douce et hypnotique. La diction du musicien s’y perd, mais produit paradoxalement un effet atrocement addictif, qui nous force à tendre l’oreille pour essayer de décrypter des paroles qui, fatalement, finissent toujours par nous échapper. Mais nous allons vite en besogne, reprenons les choses dans l’ordre.
Une entame pop.
Avec le premier titre de Sleepdancer, Augenwasser nous ferre de façon implacable. Une basse sourde, une rythmique do it yourself, une guitare dont les arpèges se répètent à l’infini et nous bercent, il n’en faut pas plus pour nous convaincre de l’efficacité de la musique du suisse (Elias Raschle de son vrai nom). C’est tellement bien fait que nous pensons à une psalmodie à la Jim Morrison, avec ce parfum charismatique qui plane, rôde, au-dessus d’une musique qui évoque pour nous un rêve sur le point de s’achever. Les brumes du sommeil, encore accrochées à nos cils, nous font voir la réalité d’une manière trouble. Et nous aimons cette sensation.
Le deuxième morceau répète cette basse sourde, presque infra, qui pourtant nous hante de façon lumineuse (sur le titre en question mais également sur l’ensemble de l’album). Un synthé tourne autour de notre tête, tandis qu’une guitare survient de très loin. Le plan est machiavélique, porté par cette voix qui nous montre une facette séduisante. Par la suite, cette voix évolue quelque peu, s’acoquine avec la synth pop du musicien pour nous conduire sur des aspects crooners pas dégueulasses du tout. On pense alors à Délage (et la référence n’est pas usurpée).
L’électro prend les devant.
Et puis, petit à petit, sans perdre de son atmosphère irréelle, presque immatérielle, Augenwasser nous place dans un état de semi-conscience. Le réveil initié sur les deux premiers titres était un faux-départ, car nous retombons dans une sorte de somnolence béate avec le bien nommé Four in the morning. Les bases répétitives, de basse, des rythmiques, des claviers oniriques nous collent à la peau, nous entraine sur un nuage duquel nous ne parvenons pas à descendre.
Notre corps, mais plus encore notre esprit, se trouve en lévitation, favorisant ainsi l’introspection, en douceur, en sécurité. Car il se dégage de Sleepdancer, qui lui aussi porte délicieusement son nom, un sentiment de plénitude, de voyage intime. Si ses côtés vaporeux pouvaient, à s’y méprendre, se mélanger à un brouillard froid et à l’humidité sur-saturée, nous pensons plus à l’effet d’un sauna, relaxant, dans lequel nous nous retrouverions face à nous même, tandis que la voix de l’artiste nous aiderait à faire tomber nos dernières barrières.
Planant.
L’album dégage un aspect tribal qui favorise la transe. Les rythmiques y jouent un rôle prépondérant, souvent sur un tempo plus élevé que celui des autres instruments, plus alanguis. La dichotomie qui se dégage donne parfois le vertige, contribue une fois encore à nous placer dans un état second. Comme des marionnettes cependant, nous nous retrouvons embarqués dans une danse lascive, presque incoercible, comme si nos mouvements étaient dictés par une entité supérieure. Preuve que Sleepdancer se révèle à nous dans un espace résidant par-delà la conscience.
Mais ce qui nous étonne dans tout cela, outre un choix d’instrumentation se dégageant du tout-venant (la présence du saxophone notamment), c’est la densité de parole. En effet, nous sentons une envie, peut-être un peu conflictuelle pour Augenwasser, de développer son côté songwriting en le débarrassant du costume parfois étriqué des codes du genre. Ainsi, il expérimente, il développe sa musicalité d’une façon inédite (pour lui, mais aussi pour nous), en faisant ressortir, de façon habile, des émotions d’ordinaire cadenassées. Nous sommes saisis par la presque féerie se dégageant de l’album, et le dernier titre de celui-ci, Dead of night/running away, nous laisse dans un état de flottement incroyable, entre réalité et rêve, en concret et imaginaire.
LE titre de Sleepdancer.
Nous allons rester sur la dernière saveur qui s’incruste sur nos papilles auditives, ce Dead of night/running away qui nous laisse dériver, loin, très loin, des frontières balisées de la pop, de l’électro, pour véritablement nous offrir un espace des possibles, onirique, hallucinatoire, toujours porteur d’un sentiment positif. Et nous adorons cela pour conclure un album.
Nous parlions d’Augenwasser dans notre sélection de groupe à ne pas manquer à l’ESNS.
Bandcamp de l’artiste
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