[INTERVIEW] MARIE LIEBART, jeune éditrice
Question à Marie Liebart, éditrice.
Après son interview autrice, voici l’interview éditrice de Marie LIebart. En effet, elle a créer, en juillet dernier, sa maison d’éditions, MVO éditions avec Marc Vandamme. Mais elle nous explique tout cela très bien dans ce qui suit.
Les questions.
Litzic : Le premier des auteurs à publier chez MVO est David Le Golvan que je connais bien puisqu’il a été auteur du mois sur Litzic en début d’année. Tu as publié L’Agrestie, son premier roman (chronologiquement parlant mais qui est sont 4éme publié). Peux-tu nous en dire deux mots et qu’est-ce qui t’a motivé à le publier ?
Maire Liebart : Le manuscrit de David fait partie des 10 premiers romans reçus par notre toute jeune maison d’édition et je dois dire que je ne m’attendais pas, en ouvrant boutique, à tomber aussi rapidement sur un texte de cette qualité. Nous avons, Marc et moi-même, été littéralement captés par l’atmosphère lourde du récit, par le talent de restitution de l’ennui, de la vie linéaire des campagnes où tout le monde connaît tout le monde, cette gangrène morne où chaque nouvel arrivant réveille les curiosités, les envies et les suspicions. Au-delà de l’intrigue en 3 actes que nous propose l’auteur, il y a une réflexion sur l’origine des mythes et légendes qui hantent nos provinces et se transmettent de génération en génération.
Je pourrais également te parler longtemps de la qualité de sa plume qui pour moi est comme une locomotive qui gagne en qualité et en puissance au fur et à mesure que se déroulent les pages. Bref, nous avons adoré cet ouvrage et sommes vraiment heureux que David ait accepté l’aventure avec nous.
L : Depuis peu (juillet 2020), tu es donc éditrice. Ce travail est-il, selon toi, une suite logique de ton travail d’autrice ou bien résulte-t-il d’une envie plus lointaine, ou peut-être d’une frustration à ne pas parvenir à te faire éditer aisément ?
Maire Liebart : Pour être tout à fait sincère, je ne l’aurais spontanément jamais envisagé pour la bonne raison que je ne m’en pensais pas capable. Devenir éditrice me semblait beaucoup trop présomptueux pour mes compétences.
Le début de l’histoire a commencé donc un beau jour de début juillet par un coup de fil de mon ami Marc qui, sans détour, m’a proposé de nous associer pour fonder notre propre boîte d’édition. Il en avait plus qu’assez des difficultés et embûches rencontrées sur son parcours d’auteur.Sur le coup, je suis restée estomaquée et puis très vite, il a su me convaincre et nous sommes entrés au paddock en piaffant, galvanisés et très, très motivés.
L : Vous êtes deux à la tête de MVO. Peux-tu présenter ton acolyte, Marc Vandamme ?
Maire Liebart : Ce sont les livres qui m’ont fait faire la connaissance de Marc !!! Ça devait être écrit . C’est une personne très active, très sportive aussi, il pratique la course d’endurance et a participé à de nombreux marathons. C’est un dévoreur de livres et un auteur qui a déjà plusieurs romans à son actif. Ancien chef d’entreprise à la retraite, il garde toujours une énorme envie d’entreprendre. Bref, un très sympathique gars du nord avec un humour fidèle au poste quotidiennement, un type très fréquentable que je vous conseille sincèrement.
« Je pourrais également te parler longtemps de la qualité de sa plume qui pour moi est comme une locomotive qui gagne en qualité et en puissance au fur et à mesure que se déroulent les pages. «
L : Quelle est la ligne éditoriale de MVO éditions ? En créant cette maison d’édition, voulais-tu mettre en avant une littérature particulière, sortant des sentiers battues ? Ou juste défendre des auteurs « différents » ?
Maire Liebart : Nous acceptons toutes sortes de romans et de nouvelles à condition qu’ils n’aient pas été précédemment édités. En revanche , nous ne publions pas de B.D, de recueils de poésies et de romances érotiques.
Notre objectif est d’accompagner au mieux, d’une manière proche, les auteurs qui ont su nous embarquer et nous séduire, afin de leur permettre de réaliser leur projet en respectant leurs choix et leurs idées.
Nous n’avons pas de ligne éditoriale particulière, il faut juste que le manuscrit nous harponne et éveille en nous l’envie de le dévorer jusqu’au bout.
L : Comment se passe, en quelques mots, la journée type d’une éditrice ?
Maire Liebart : Nous nous sommes répartis les différentes tâches selon nos compétences et nos préférences personnelles. Marc s’occupe majoritairement de l’aspect commercial et administratif, pour ma part, je prends en charge la partie artistique et les corrections mais nous restons interchangeables à tous les niveaux.
La journée commence par l’inspection et la mise à jour de la boite mail. Ensuite je m’attèle aux différentes étapes du processus éditorial des manuscrits sélectionnés : corrections, couverture, synopsis, bande-annonce, présentation auteur sur nos différents sites, chroniques, contact avec les blogueurs, coups de fil aux auteurs pour faire le point, échanger des suggestions… En fin d’après-midi, je me réserve un créneau consacré à la lecture et à la sélection des nouveaux manuscrits.
Voilà, tout cela émaillé d’échanges téléphoniques avec Marc, nous avons le professionnalisme joyeux.
L : Quels critères sont ceux de MVO pour être édité ?
Maire Liebart : Comme je l’ai dit précédemment, il est impératif de ne pas avoir été antérieurement édité et cela même en auto-édition.
Ensuite les critères rédhibitoires sont une orthographe et une grammaire déficientes ainsi qu’une mauvaise maîtrise des temps de la narration.
Pour le reste, nous sommes ouverts à tous les sujets, il faut juste que le manuscrit fasse naître en nous de l’émotion, qu’il sache nous toucher et combler notre plaisir de lire.
L : Pourquoi ce nom MVO ?
Maire Liebart : Lorsque Marc m’a sollicitée pour créer la maison d’édition, il m’a exprimé le souhait de lui donner le même nom que celui porté par son ancienne entreprise, à savoir MVO. Il s’agissait pour lui d’une continuité. J’ai validé sa requête sans problème. MVO signifie Marc Vandamme Organisation.
« Nous ne sommes que tous les deux à lire et sélectionner les manuscrits. »
L : Aujourd’hui, beaucoup de personnes écrivent et désirent être éditées. J’imagine que faire le tri n’est pas aisé ? Fonctionnes-tu (ou fonctionnez-vous avec Marc) au coup de coeur ? Avez-vous recours à un comité de lecture pour faire vos choix ?
Maire Liebart : Nous ne sommes que tous les deux à lire et sélectionner les manuscrits.
Au départ, nous avions convenu d’un accord commun pour valider un ouvrage à la publication. Avec l’expérience, nous nous sommes rendus compte que ce mode opératoire entraînait des discordes et des désaccords. Nous avons 2 univers totalement différents et ce qui plaît à l’un ne convient pas forcément à l’autre. Nous avons donc opté pour une autre méthode. Nous avons dorénavant chacun notre libre choix éditorial. Il n’y a qu’en cas de doute que l’autre influe sur la décision finale de publier ou pas. Cet équilibre fonctionne très bien, chaque difficulté nous permet d’évoluer, nous n’en sommes qu’aux balbutiements de notre projet.
Nous fonctionnons à l’émotion et à l’alchimie qui font que le livre devient une parenthèse délicieuse et indispensable.
L : La période que nous traversons doit faire arriver pas mal d’écrits faisant référence au(x) confinement(s) j’imagine ?
Maire Liebart : Il est vrai que beaucoup de propositions sont centrées sur la pandémie qui nous affecte actuellement et sur ses multiples répercussions sur nos modes de vie. L’angoisse qu’elle fait lever quant à l’évolution de nos sociétés est un puissant moteur pour le fantasmé et l’imaginaire. Cependant, j’avoue que nous n’avons pour l’instant choisi aucun ouvrage abordant ce sujet. Peut-être avons-nous besoin de penser à autre chose, le manque de recul sur ce cataclysme le rend difficile à traiter.
L : En tant, qu’éditrice mais également d’autrice, penses-tu que l’écriture soit un refuge en temps de crise ?
Maire Liebart : Je ne sais pas si le nombre de personnes qui se livrent à l’écriture est augmenté en tant de crise. Je ne considère pas, avec ou sans crise, le fait d’écrire comme un refuge, une source de réconfort, de protection ou d’évasion, mais je ne peux parler qu’en mon nom, chacun à ses raisons personnelles d’écrire. En ce qui me concerne, je ressens l’écriture comme une solitude qui cherche à agripper l’autre, écrire est un appel d’air, un hurlement, une grande marée, un débordement. C’est un moteur qui vient de loin, il n’a pas de rapport direct avec les événements actuels. Mais encore une fois, cela ne concerne que moi, je ne veux surtout pas en faire une généralité.
L : Une fois un manuscrit (enfin un tapuscrit) validé, quel travail t’attend jusqu’au moment de la publication ?
Maire Liebart : La première étape, c’est l’acceptation de l’auteur. Ce n’est pas parce que l’on a dit « oui » que l’auteur fait de même. Il faut parfois convaincre et donner l’envie de faire route à nos côtés.
Ensuite, il y a tout le travail de corrections, de relectures minutieuses pour tendre le plus possible vers un ouvrage « parfait ». C’est un travail qui prend du temps et il faut prendre le temps. Bien sûr, il y a le choix de la couverture et de la 4ème avec son synopsis ainsi que leur réalisation. Nous privilégions les choix de l’auteur autant que possible. Notre rôle est de conseiller, de suggérer et d’accompagner, certainement pas d’imposer. C’est un point qui est cher au coeur des auteurs, il est primordial d’en tenir compte. Il y a le contenu et il y a le contenant, le livre se doit d’être un objet soigné pour la tête mais aussi pour les yeux.
Avant la finalisation, il y a les échanges de BAT, bons à tirer, concernant la mise en page et la maquette de couverture afin d’éliminer les dernières petites imperfections et quand tout ça est opérationnel, nous lançons l’impression et nous fixons une date de publication. L’oiseau peut alors s’envoler du nid.
» La première étape, c’est l’acceptation de l’auteur. Ce n’est pas parce que l’on a dit « oui » que l’auteur fait de même. »
L : Peux-tu nous parler un peu des auteurs et autrices que tu couves ?
Maire Liebart : Nous travaillons principalement en ce moment avec 2 auteurs. Tout d’abord avec Armelle Le Golvan, toute aussi talentueuse que son frère David, et qui, de plus, est une géniale illustratrice qui a réalisé la couverture de notre dernière publication et qui sera également à l’honneur pour les 2 suivantes.
Et ensuite avec Christian Peron-Debarbieri, auteur à la plume littéraire qui nous dépeint amoureusement ses terres méditerranéennes.
Ces 2 auteurs ont déjà publié chacun 2 romans.
L : Être éditeur en ce moment, ça ne doit pas être simple question visibilité/ventes ?
Maire Liebart : Là, on touche à la partie la plus âpre de la fonction. Se faire connaître, rendre nos auteurs et leurs ouvrages visibles et accessibles demande de la ténacité, de la patience et de la constance. C’est un travail de fourmi, d’abord sur les différents supports que nous propose le Net et ensuite auprès de la presse, des radios et bien entendu des librairies. Il faut rencontrer les gens, argumenter, convaincre, c’est difficile, le marché est sursaturé et le contexte économique actuel représente un frein énorme. Nous sommes en attente de la réouverture des librairies et de la reprise des salons littéraires qui se sont vus annuler les uns après les autres.
L : Quels sont les obstacles que rencontrent un éditeur franchement installé, dont tu n’avais peut-être pas conscience avant ?
Maire Liebart : Il y a à chaque étape, ses grains de sable qui nous compliquent le travail mais on apprend chaque jour et on progresse. Pour l’instant, on avance, nous ferons un premier bilan dans quelques mois.
La partie la plus ingrate concerne bien évidemment la communication et la diffusion. Certaines sphères sont impénétrables, ce sont des chasses gardées mais cela, on le savait bien avant de se lancer dans cette entreprise.
L : Quels sont les prochains ouvrages à sortir chez MVO ?
Maire Liebart : Le prochain ouvrage sortira début décembre. Il s’agit du roman d’Armelle Le Golvan « La ventriloque vaginale » qui sous des aspects un peu farfelus et burlesques traite de la condition des femmes dans nos sociétés. C’est une réussite totale, un texte abrupt, drôle, révolté et extrêmement touchant.
Il sera suivi à la fin de l’année par celui de Christian Peron-Debarbieri « Un goût de cendre » qui est un tableau historique situé en sortie de 1ère guerre mondiale dans la région toulonnaise. L’auteur nous embarque dans une intrigue dont la trame repose sur un fait réel fort peu connu et nous régale de ses descriptions sublimes et de ses anecdotes pays de sa plume poétique.
Entre ces 2 parutions viendra se glisser mon 4ème roman « Point final » dont je t’ai dit quelques mots lors de notre dernier entretien.
L : Merci d’avoir répondu à cette deuxième interview !
Maire Liebart : C’est moi qui te remercie, Patrick. Ce fut un plaisir.
Relire la chronique du roman Loin
Relire la première partie de l’interview (consacrée à l’autrice)