[ALBUM] ODESSEY & ORACLE, Crocorama pop, baroque, psychédélisme
Crocorama, troisième album d’Odessey et Oracle (disponible chez Dur et Doux/Another Record).
Pourquoi un disque comme ça tombe sous le sens ? C’est évident pardi ! Enfin non, pas tant que ça. Pas du tout même. Parce que avec Crocorama, Odessey & Oracle propose une pop baroque, loin des attentes mercantiles directes. Pourtant, il souffle ici un vent psychédélique plus que certain, qui nous rappelle les grandes heures du genre, quelque part entre The pipper at the gate of dawn des Floyd et le Green Village green preservation society des Kinks. Mais en français dans le texte. Et sans perdre en croco, euh, en chien.
Ce psychédélisme se traduit par l’usage de pop comme objet musical de destruction massif. Parce que, justement, cette pop, qui ressemble à s’y méprendre à des comptines chantonnées l’air de rien, perturbe un peu nos endocrines par un propos pas aussi naïf que supposé. Autrement dit, il y a du sens, un propos qui heurte les ritournelles obsédantes, comme pour nous mettre en porte-à-faux quant à nos attentes. Celles-ci se veulent divertissantes, mais il se trouve qu’elles sont plus ou moins conscientes, au final.
de la folk et du clavecin.
Nous sommes donc plongés dans un mélange de pop, de folk, parfois légèrement rétro futuriste (Les poupées mécaniques par exemple) quand des petits apports technologiques se font ressentir. Le côté baroque survient par l’ajout de sonorités grandiloquentes et surtout par le clavecin, les cuivres, qui donnent véritablement une dimension particulière à certains titres. Le côté psychédélique lui survient un peu en fil rouge, par l’aspect instantané des titres, par ces mélodies instrumentales collant au corps des lignes de chant, et par ses effets qui évoquent l’exubérance des années 60.
Cette pop que nous qualifierions de grandiose est loin de nous laisser indifférents, notamment parce que les arrangements sont sublimes, variés, riches (cuivres, flûte, choeurs, aspects world music en pointillé etc.). La construction des morceaux est relativement simple, permet une appréhension du disque elle aussi simple, pour ne pas dire évidente. Bien sûr, il faut être enclin à faire un petit voyage dans le temps, musicalement parlant, car la modernité semble relativement éloignée. Mais c’est un leur.
Puissance, réchauffement climatique etc.
Nous pouvons passer complètement à côté de la conscience émanant du disque si nous n’y prenons pas garde. Des thèmes concrets, ultra-modernes, ou d’actualité, y sont dévoilés au détour de lignes de chant souvent enjouées, insouciantes, qui dès lors forment un labyrinthe presque schizophrénique puissant. On tend alors l’oreille, soit pour découvrir des doubles sens pas forcément évidents de prime abord, soit pour écouter des « explicits contents » dont ne raffoleraient pas certains crocos.
Nous pouvons donc affirmer que derrière le jeu, l’effronterie de la voix, le propos est bien plus acerbe qu’il y paraît. Que l’humour, ou plutôt la bonne humeur presque exacerbée des mélodies, cache un océan de conscience presque politisée. De fait, on apprécie le paradoxe qui fonctionne ici à plein régime, avec une originalité bienvenue. Autrement dit, c’est malin, différent, bien amené, citoyen, et on en oublie.
Ah oui, et surtout, c’est terriblement bien écrit. Comment voulez-vous que nous accrochions si tout arrivait comme ça, tout cuit, dans nos gueules affamées ? Non, il faut se donner un peu de mal pour saisir toutes les nuances proposées, se donner du temps aussi, pour décortiquer cet album surprenant par bien des aspects. Et autant dire que nous allons encore l’écouter pendant un moment pour peaufiner notre analyse (mais comme on vous sait avide de nouveautés…).
LE titre de Crocorama.
Nous n’allons pas chercher bien loin, il s’agit de Crocorama. Peut-être pas le plus riche musicalement de l’album, mais le plus percutant de par ses paroles. Ici, la musique est répétitive, repose sur une base efficace au fil de laquelle s’ajoutent petit à petit divers éléments instrumentaux, comme des petites touches de couleurs éparses venant apporter une teinte en perpétuel mouvement sur le morceau.
Mais ce qui nous plaît fondamentalement, c’est cette petite diatribe anti-capitaliste. Le propos est joliment déroulé, déclamé, le tout de façon à la fois évidente et complexe. Car en articulant ce morceau autour des crocos, aux dents longues, Odessey & Oracle ne choisit pas forcément la facilité. Au contraire, loin du caractère frontal du punk, le groupe ici se fait plus poétique, ce qui ne manque pas de faire réagir. Nous ne pouvons pas passer à côté du propos et c’est tant mieux, parce que ce titre évoque quand même des vérités qu’il serait bon que tout le monde comprenne enfin.
On pense à Karine Daviet
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