[ ROMAN ] CLAIRE JULLIARD, Little Louis, Armstrong intime.

Little Louis, de Claire Julliard, aux Éditions Le mot et le reste.

Retracer les premières années de vie d’un géant comme Louis Armstrong reste un exercice sacrément périlleux, notamment parce que ce dernier ne se livrait pas tant que ça sur le sujet. Little Louis, de Claire Julliard, est une sorte de roman biographique, construit à partir des témoignages de Satchmo. Avec Claire Julliard, nous plongeons dans les entrailles de la Nouvelle Orléans pour une plongée en apnée dans l’intimité d’un Grand du jazz.

Une jeunesse joyeuse.

Il est noté ceci en fin de roman, dans les sources bibliographiques : « Tout est vrai dans ce roman ». L’autrice s’appuie sur de nombreux ouvrages, autobiographiques ou biographique, pour nous remettre dans l’ambiance de Perdido, de Storyville et du quartier des Lanternes rouges, brefs, des bas-fonds de la Nouvelle-Orléans. Le petit Louis y a vécu toute son enfance, avant de s’envoler vers Chicago et le succès que nous lui connaissons. Mais de ces jeunes années, entre galères pour se nourrir, le travail (il livrait du charbon), les clubs douteux, et bien entendu le racisme « ordinaire » qui régnait en ce début de siècle, nous ne connaissions pas grand-chose d’Armstrong. Il est donc plutôt original de le découvrir sous cette forme romancée qui s’avère plutôt rigolote dans sa forme.

Attention, nous utilisons rigolote, ce qui ne veut pas dire que Claire Julliard n’y est pas sérieuse. Au contraire ! Non, ce qui est rigolo c’est que le narrateur n’est autre que Louis Armstrong, aux alentours des années 60, qui se confie, a priori, à un journaliste blanc. Claire Julliard y va de son interprétation quant au parlé de Satchmo, dans un langage à la fois familier et noble (la noblesse réside dans ce que nous percevons de l’éducation de Louis Armstrong).

Malgré des conditions difficiles, un foyer éclaté, le jeune Louis Armstrong nous restitue l’atmosphère de la Nouvelle-Orléans, le travail qu’il a dû commencer tôt pour aider sa mère à nourrir la famille, les bouges dans lesquels il tentait de percer, ses femmes, avec une bonhomie entraînante, et avec une nostalgie joyeuse sur ses premiers pas dans la vie. Il y revient aussi avec une certaine sincérité, même si nous sentons poindre un peu, voire beaucoup, d’ironie, ou plus exactement de taquinerie.

Prison, cornet etc…

Dans Little Louis, nous apprenons que Louis Armstrong a fait de la prison. Par trois reprises. Dont une plus grave que les deux autres. Cette fois-ci, au réveillon du nouvel an, il tire des coups de feu en l’air (et avec des balles à blanc). À onze ans (ou douze, il joue sur sa date de naissance, l’arrondissant à l’année 1900 alors qu’il est né en 1901), il se retrouve en maison de redressement. Mais comme il le dit dans ce roman, de chaque galère il apprend à en tirer le meilleur. Ici, sa place de soliste au sein de la fanfare de l’établissement, au cornet, sera un des éléments fondateurs de son histoire de musicien. Attention, Louis jouait déjà de la musique, mais il gagnera, pendant son incarcération, de l’assurance, et de la reconnaissance.

Cette reconnaissance, elle vient à la fois de ses pairs et du public. Si ses pairs décèlent très tôt en lui l’étoffe d’un grand, le public se régale de son jeu endiablé. Nous suivons les étapes de sa construction en tant que musicien, mais également en tant qu’homme. Cette dernière ne se passe pas sans accrocs, puisque ses relations avec les femmes s’avèrent relativement calamiteuses. La plume de Claire Julliard s’avère légère, drôle, parfois plus sombre, toujours rythmée par ce que nous fantasmons être l’esprit de la Nouvelle-Orléans, à savoir un mélange de misère et de fête. Cette délicatesse nous permet d’entrer dans l’intimité de Louis Armstrong comme si nous faisions partie de sa famille. L’auteure, qui plus est, rend son histoire vibrante, vivante, en la ponctuant d’aller-retour dans les souvenirs du musicien, d’anecodtes insolites qui font du « récit » de Little Louis un simulacre de conversation des plus réussis.

Source de découvertes.

Alors bien entendu, nous le reprécisons, Little Louis est un roman, et non d’une biographie. Néanmoins, nous qui ne sommes pas des connaisseurs de la vie du trompettiste et chanteur, nous y apprenons qu’il avait un fils (un garçon qu’il avait adopté, de sa cousine morte peu de temps après avoir accouché), que lui-même ne pouvait avoir d’enfant, qu’il a eu pas mal de chance dans ses relations humaines (à l’exception d’avec sa femme Daisy Parker,) qu’il a pas mal œuvré contre la ségrégation, même s’il n’en faisait pas forcément étalage. Il nous est également dit qu’il n’avait pas fait de grandes études mais que, malgré tout, il était malin et débrouillard, qu’il était un véritable acharné du travail, qu’il était relativement humble, si ce que nous montre le livre est juste) et reconnaissant envers ceux qui l’avait aidé à grandir, à savoir sa grand-mère Joséphine, sa mère Mayann, sa famille juive, ses amis musiciens. Ce qui en dit long sur un homme, toute légende soit il.

Ce portrait original dans sa forme nous donne autant à voir l’éclosion d’une légende que l’atmosphère d’une époque, où les débuts du jazz résonnaient dans chaque tripot de la ville de Louisiane. Nous y voyons aussi un homme convaincu que sa vie passerait par la musique, un homme amoureux de celle-ci, et de la vie. Un homme attaché à ses racines, à sa ville (qui n’oublie pas d’où il vient en somme). Si nous exceptons (c’est le seul défaut de ce roman) pas mal d’oublis de mots qui rendent la lecture parfois un peu pénible, ce roman s’avère une véritable bouffée d’oxygène qui replace la musique là où elle doit être, à savoir dans le coeur de chaque homme.

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