[ RÉCIT ] THOMAS DEGRÉ, De Budapest à Paris.
Récit de Thomas Degré, De Budapest à Paris (Éditions Le Manuscrit) retrace la vie de son auteur et le combat de son père.
Il y a des vies qui méritent d’être racontées. Pour rendre justice, pour ne pas oublier. La vie de Thomas Degré, notre auteur du mois de février, a mal commencé, mais sa suite fut moins douloureuse. Il nous la raconte dans son livre De Budapest à Paris, livre touchant du début à la fin et véritable déclaration d’amour d’un fils à son père.
Les débuts.
Thomas Degré est né à Budapest (Hongrie) en 1944. Il a à peine plus de 2 mois lorsque son père, en sortant de l’appartement familial pour aller lui chercher du lait, se fait assassiner par les Croix Fléchées, une armée dévouée à la cause nazie. Juif et ne portant pas l’étoile jaune, il sera fusillé et jeté dans le Danube. Le jeune Thomas se retrouve donc orphelin de père quelques jours après sa naissance.
À la fin de la guerre, sa mère voit un cousin germain la visiter. Ce cousin est à la recherche de sa femme, de son propre père et de ses 3 enfants, Pierre, Georges et Marie, tous déportés le 4 novembre 1943 depuis Drancy jusqu’à Auschwitz où ils ont été gazés une dizaine de jours plus tard. Il repart avec Tomi et sa mère à Paris. Là, le couple se marie. La vie de Thomas Degré prend un second départ. Lorsqu’il atteint l’âge 13 ans, son père, Nicolas Degré, lui révèle la vérité sur son adoption. Il lui raconte aussi toute son histoire, de comment il a rapatrié une grande partie de sa famille de Hongrie jusqu’en France avant le début de la Seconde Guerre mondiale, comment s’est déroulée l’enlèvement de sa famille et comment un couple creusois, son Tonton et sa Tante (M et Mme Rateron) l’ont sauvé du sort funeste qu’à vécu sa famille.
L’histoire dans l’Histoire.
La vie de Thomas Degré, ou plus exactement celle de son père qui lui est intrinsèquement liée, est digne d’un roman. Seulement voilà, elle n’est ni romancée, ni imaginaire. Les faits se sont bien déroulés, malheureusement. Cette histoire s’imbrique dans l’Histoire tragique que fut celle de la Seconde Guerre mondiale et de sa folie meurtrière. En ce sens, elle est poignante et par moments, nous avons l’estomac noué en lisant De Budapest à Paris. Parce que, comme tout père, comme toute mère, la simple idée de perdre notre ou nos enfants est tout simplement inacceptable, inconcevable.
Le père de Thomas Degré a vécu ce drame. Pourtant, il avait réussi la prouesse de faire venir ses frères, sœurs, ses parents et même des oncles et tantes depuis la Hongrie, sentant le vent de l’antisémitisme transporter ses mauvaises graines dans son pays d’origine. Il les aura sauvés d’une mort certaine, et cela fait déjà de lui un homme exceptionnel. Pensant sa famille hors de danger en zone libre, il fuira la maison familiale sachant la Gestapo sur le point de venir le chercher.
Pensant que seuls les hommes forts et valides étaient susceptibles d’être envoyés en camp de travail forcé (les camps de la mort ne sont alors pas connus), il verra sa famille embarquée par les nazis. Il découvrira au sortir de la guerre, après toutes les tentatives pour tenter de les ramener au plus vite en Creuse où ils résidaient tous alors, que ses 3 enfants, sa femme et son père ont été gazé quelques jours après leur capture.
L’horreur de la guerre, l’amour d’un fils pour son père.
Dévasté, il menace de se rendre aux autorités, et un couple de Felletin, toujours en Creuse, parvient à le dissuader de faire pareille chose et le cache jusqu’à la fin de la guerre. Ce couple est celui de M et Mme Rateron. Nicolas Degré n’oubliera jamais ce geste. Ce passage est extrêmement éprouvant à lire, nous ne le cachons pas, car il démontre la bêtise de toute guerre, mais aussi, dans le cas présent, la folie liée à l’antisémitisme. Pourtant, grâce à sa plume, Thomas Degré permet d’amoindrir cette douleur que nous avons de découvrir cette histoire, car l’amour qu’il porte à son père renverse toutes les atrocités.
Thomas Degré est un excellent conteur, dont la narration est limpide, dynamique et ne joue en rien sur le pathos en gardant presque un certain détachement plein de pudeur (qui rend paradoxalement cette histoire si poignante). Il nous raconte comment son père lui a relaté les faits, comment il a tout enregistré de ses paroles pour ne pas oublier, et comment il a terminé le travail entamé par son père, celui de faire reconnaître le couple de M et Mme Rateron comme Justes Parmi Les Nations.
Indispensable !
Plus que tout, nous voyons dans ce livre une véritable déclaration d’amour d’un fils à son père. Nous y lisons l’admiration de ce jeune auteur d’aujourd’hui 75 ans pour cet homme ordinaire à la vie tristement extraordinaire qui l’a élevé, qui l’a aimé comme s’il s’agissait de son propre fils, sans jamais compenser avec lui la perte de ses enfants. La pudeur de ce père quant à son drame intime le rend d’ailleurs incroyablement humain, chose dont il était à coup sûr en lisant De Budapest à Paris.
Ce récit est donc émouvant, fort de symboles, fort de sens également, d’une humanité remarquable. Il nous a remués, bousculés, interrogés (une nouvelle fois sur les horreurs de toute guerre, mais également sur la situation actuelle face à la recrudescence des replis nationalistes un peu partout en Europe et dans le monde). Il nous semble important que ce genre de récit soit toujours lu, pour ne jamais oublier. Il s’agit d’un vaccin contre l’ignorance, d’un philtre d’amour également (et c’est ce qui rend De Budapest à Paris si indispensable à nos yeux).
Ce récit connaît un prolongement, qui le complète, sous forme de roman cette fois-ci. Il s’appelle Marie, 4 novembre 1943, et nous vous en parlerons très rapidement. Pour les mêmes raisons…
Retrouver le portrait de notre auteur du mois Thomas Degré ICI.
Retrouver l’extrait inédit Farçous, tripous et Marcillac de Thomas Degré ICI
Podcast des deux émissions B.O.L consacrées au roman et au récit de Thomas Degré et diffusés sur Radio Activ ICI et ICI
Retrouver Thomas Degré sur FB
Nanou
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A lire absolument…..
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Patrick Beguinel
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En effet, à lire absolument, pour continuer la transmission et ne jamais oublier l’horreur de cette période (et de toutes celles ayant trait aux génocides en général). Merci pour votre commentaire. Patrick
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