[ ROMAN ] THIERRY GIRANDON, Le petit sauvagneux.

Nouveau roman de Thierry Girandon, Le Petit Sauvagneux (Utopia éditions).

Revoilà l’ami Thierry Girandon en une de Litzic ! Après un mois lui étant dédié dans la rubrique l’auteur du mois (en septembre dernier), nous vous parlons de son dernier-né, Le Petit Sauvagneux, un roman nostalgique consacré aux tourments et petits bonheurs de l’enfance.

Courts chapitres.

Ce qui nous saute aux yeux d’emblée, c’est que Le Petit Sauvagneux est une succession de courts chapitres, liés entre eux par le personnage principal du livre, à savoir Jean (un prénom récurrent dans l’oeuvre de Thierry Girandon), un gamin d’une dizaine d’années. L’âge de ce personnage n’est pas clairement évoqué, mais il n’est pas encore entré dans l’adolescence puisqu’il est encore à l’école (et qu’il « fantasme » sur les grandes, ces filles du collège).

Donc nous suivons divers épisodes de sa vie, de sa famille, de ses amitiés, de ces balbutiements amoureux ou plus exactement érotiques. Le ton y est doux, nostalgique, pas sépia mais aux couleurs défraîchies de ces vieilles photographies trouvées au fond d’un carton, dans un grenier sentant la poussière et une vague odeur de moisissure. Ce Petit Sauvagneux n’est-il pas Thierry Girandon, lui-même, enfant ? Ou une transcription de son enfance dans ce personnage imaginaire plutôt attachant ? Sans doute un peu des deux, car nous n’imaginons pas une fiction pure et dure, notamment par ce choix délibéré d’y placer des éléments propres à cette époque, c’est-à-dire les années 70-80, époque à laquelle l’auteur devait avoir approximativement l’âge de son héros.

Nostalgique, touchant, universel.

Ce bouquin est donc une plongée dans un passé pas si lointain, nuancé par le lustre des souvenirs, diffus, de cet âge de tous les possibles, de ces journées passées à jouer aux billes, à s’imaginer des revolvers et des morts lors de duels fratricides. Tout y est magique, mais également un peu déroutant. Magique parce que cela éveille forcément chez nous nos propres histoires d’antan, de ces jeux innocents qui nous faisaient vibrer des après-midi entiers, de ces bêtises sans conséquence puisque enfantines. Déroutant parce que l’écriture de Thierry Girandon, toujours habitée par une poésie lumineuse, semble extraite, justement, de ce regard enfantin extatique. Un peu comme si la joie s’était volatilisé dans les flammes de l’incendie d’une maison abandonnée.

Pourtant, ce livre nous touche. Parce que Le Petit Sauvagneux n’est pas un auto-apitoiement sur le temps qui passe et qui parsème nos cheveux, nos barbes (et même nos poils pubiens) de gris. Non, il dégage plutôt chez nous ce sentiment que Thierry Girandon a photographié ces souvenirs, et en a retransmis, telle quelle, l’image, à travers des mots judicieusement choisis, mais avec la vie captive à l’intérieur de ce Polaroïd. Il ne nous reste dès lors qu’à imaginer l’ensemble en mouvement, changer Gilles en Sébastien (par exemple, un ami d’enfance quoi), de transposer les lieux et de se remémorer nos propres vies d’avant.

Le Petit Sauvagneux, c’est un peu de nous, simplement.

Dès lors, nous ne pouvons que nous retrouver dans le personnage de Jean. Parce que l’enfance reste ce moment où nos seules préoccupations étaient de dormir, de manger, d’attendre les grandes vacances et de jeter un coup d’oeil timide sous les jupes des filles. Nous ne pouvons que nous rappeler ces guerres épiques, avec nos épées en carton ou faite de simples branches de chêne tombées à terre après la tempête, de ces découvertes simples mais tellement évidentes qu’elles semblent aujourd’hui totalement tombées en désuétude face à la toute-puissance des écrans.

Alors finalement, ce petit pincement au cœur que nous ressentons en lisant Le Petit Sauvagneux, n’est-il pas simplement dû au fait que tout cela est derrière nous et que nos enfants, gavés de jeux vidéo, de youtubeurs (et autres réseaux sociaux) et de ce genre de conneries, ne vivront jamais aussi intensément que nous les moments joyeux de l’enfance ? Parce que, à nos âges, il est difficile de ne pas s’être entendu dire, un jour, que c’était mieux avant ?

En tout cas, avec ce nouvel exercice littéraire, nous ne pouvons que constater que Thierry Girandon, c’est toujours aussi mieux qu’avant.
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