CARRE D’AS #1

Chaque semaine, une sélection de (vrai) underground

Cette nouvelle rubrique, le carré d’as, proposée par Ben met en avant une sélection de disques issus de l’underground, le vrai, c’est-à-dire celui qui ne bénéficie (presque) jamais de la lumière des projecteurs (comprendre de la presse). Première mouture avec Real Trvth, Grosso Gadgetto, CEMËNTERI et Ratel Furax !

Carré d'as real trvthReal Trvth – 333 (Two Tears Records)

Synthétiseurs tonitruants et rythmiques electro-dance, le Bruxellois Chris Genn autrement connu sous le nom Real Trvth fait, avec ce premier véritable album, une entrée fracassante dans le monde de l’hyper pop. Rencontre de Human League, MGMT et Animal Collective, « 333 » est un album concept construit autour d’un parasite extraterrestre ayant pris le contrôle d’un être humain, exposant la manière dont les deux organismes évoluent de concert. Compositions soignées, textures synthétiques riches, phrasé à l’élégante distance(qui rappelle un certain Ian Curtis), tout concorde à la construction d’un univers singulier et cohérent. De l’introductif  » Astral Plain » aux réminiscences nineties au final épique « Rules of Attraction » étiré sur huit minutes, Real Trvth nous propose une pop sensible et futuriste qui réussit la parfaite synthèse de ses multiples influences.

« Spineapple » accroche par sa mélodie saturée d’informations tandis que « Mauve » séduit par son minimalisme. Parmi les titres de « 333« , on retiendra particulièrement un bijou : l’up tempo « Told Me So » dont les vagues émotionnelles bouleversantes submergent auditeurs ou auditrices. Dans un monde idéal, ce titre passerait en rotation lourde à la radio.
On ne peut donc que recommander cet album à la mélancolie dansante.

Disponible en digital ou sous la forme d’un objet collector imprimé en 3D et contenant des bonus exclusifs (remix, ringtones, morceaux exclusifs)
https://orealtruth.bandcamp.com/album/333

Grosso Gadgetto – Come With Me (Mahorka)

Après de nombreuses (et fructueuses) collaborations, Grosso Gadgetto nous revient cet hiver en solo avec ce « Come With Me » à l’abstraction inquiétante. Christian Gonzalez entraîne auditeurs et auditrices à travers cinq paysages sonores polaires peuplés de drones glacés et de lugubres lamentations au diapason de l’artwork sublimement évocateur signé Max Guy-Jospeh. Basse omniprésente et groove pachydermique, « High Tension » et « Under The Ice » avancent, dans leur seconde partie, en terrain connu. Mais le mage lyonnais n’est pas homme à se répéter et il a l’expérimentation chevillée au corps.

Il le démontre parfaitement avec le sépulcral « Forbidden Territory » ou la pièce maîtresse de l’album, le terrifiant « Logical Myth » qui s’étire sur un peu plus de treize minutes. Quelque part entre le « Stalker » de Tarkovski et la bande originale d’un film d’horreur coécrite par Nadja et Philip Glass, ce morceau étouffant braque les projecteurs sur les contrées inhospitalières d’un avenir post atomique plus si hypothétique que cela. Et si l’album s’achève sur un « Come With Me » plus accessible que les deux morceaux précédents, la tonalité d’ensemble n’en reste pas moins aussi profondément sombre qu’un film de science fiction dystopique. On aime beaucoup Christian Gonzalez et on répond volontiers à l’invitation à le suivre du titre de cet LP. Mais avec une escorte, alors.

Disponible en digital et cassette chez Mahorka
https://mahorka.bandcamp.com/album/come-with-me

cementery Asma, Corte, Afonia, PisotonCEMËNTERI – Asma, Corte, Afonia, Pisoton (autoproduit)

Alicante, sa côte, son port, ses groupes de post hardcore. Car c’est bien de ce lieu que nous vient CEMËNTERI et il n’y a rien d’ensoleillé dans la musique abrasive du quatuor espagnol. En témoigne leur album « Asma, Corte, Afonia, Pisoton« . Portées par un superbe artwork, les dix compositions poing levé, mâchoire serrée, à l’énergie rageuse, dépassent rarement les trois minutes et emportent tout sur leur passage. Il y a du Fugazi et du Frodus dans cet album furieusement créatif chanté dans la langue de Cervantès (l’auteur ou le personnage de Soul Calibur, chacun ses références). Dans « Asma, Corte, Afonia, Pisoton » la section rythmique se taille la part du lion (ce son de basse !), sans pour autant négliger l’écriture et les compositions.

La face A est parfaite de bout en bout (l’objet est encore disponible en cassettes) et la face B, quoique plus apaisée, n’a rien à lui envier. L’album se clôt d’ailleurs magnifiquement par un « Sukubare mon amour » de très haute volée qui rappellera le dernier album en date de The (International) Noise Conspiracy. Si l’on ajoute à cela que cette dynamite en barre a été enregistrée en deux jours dans le local de répétition du groupe, chacuns et chacunes comprendront que l’on tient là d’éminents représentants du (vrai) underground.

https://cementeri.bandcamp.com/album/asma-corte-afon-a-pisot-n

Ratel Furax call the paramedics
Ratel Furax – Call The Paramedics (Musique Moléculaire)

Au rythme effréné où Yannick St-Onge alias Ratel Furax sort ses albums, on se dit que l’homme à de l’inspiration à revendre. Sorti le 16 novembre dernier (trois autres sont sortis depuis), « Call The Paramedics » fait partie des grands crus de l’artiste. En dix titres, Ratel Furax assène presque autant de mandales dans les tympans de celles et ceux qui voudront bien se laisser embarquer dans cette virée bruyante dans le Montréal nocturne et interlope. Car si « Flashback » plante le décor en douceur, St-Onge enchaîne ensuite pas moins de sept morceaux furieux aux rythmiques frappadingues, ramassés en deux minutes chacuns et articulés autour d’une basse métallique qui frappe directement dans le plexus.

Les titres ne laissent planer aucune ambiguité sur la teneur du propos : « Savage« , « Antisocial« , « Brutal And Noisy« , « Drinking A Forty Onces Under The Rain« , « Call The Paramedics » raconte la rue, la vraie, sans fards. Sombre, brutale, la musique de Ratel Furax évoque une jam entre les Swans et Trujillo (période Suicidal Tendencies) sur fond de bagarre entre keupons dans un squat de Montréal. Et lorsque Yannick St-Onge ralentit la cadence, c’est pour convier I, Eternal et Skutiger à un sabbat bruitiste rythmé par des expérimentations free noise sur l’impressionnant « Du Sang Pour 100 Vampires ». L’album s’achève sur le morceau éponyme qui laisse auditeurs et auditrices essorés par la dureté de l’expérience. On n’envie pas ces « Paramedics » visiblement appelés à intervenir sur une quasi zone de guerre, mais on suit leurs aventures avec beaucoup d’intérêt.

https://musiquemoleculaire.bandcamp.com/album/call-the-paramedics
https://ratelfurax.bandcamp.com/album/call-the-paramedics

BenBEN

Frontman de Wolf City, impliqué dans des projets aussi divers que The Truth Revealed ou La Vérité Avant-Dernière, Ben a grandi dans le culte d’Elvis Presley, des Kinks et du psychédélisme sixties. Par ailleurs grand amateur de littérature, il voit sa vie bouleversée par l’écoute d’ « A Thousand Leaves » de Sonic Youth qui lui ouvre les portes des musiques avant-gardistes et expérimentales pour lesquelles il se passionne. Ancien rédacteur au sein du webzine montréalais Mes Enceintes Font Défaut, il intègre l’équipe de Litzic en janvier 2022.

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