La belle comédie de The Rodeo

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The Rodeo, Jeudi 23 mars 2023, Paris La Boule Noire

La Boule Noire 23/03/23

Jeudi 23 mars dernier, Dorothée Hannequin, chanteuse et compositrice du groupe The Rodeo, était sur la scène de la Boule noire à Paris pour présenter, avec son groupe au complet, son superbe quatrième album, « Arlequine« . Interview.

Il est 18 heure en ce jour de grève générale dans le quartier de Pigalle. Dans la petite salle très rock de la Boule noire, Dorothée Hannequin finit ses balances. Bientôt, elle nous accueille dans sa loge, dialogue rapidement avec ses musiciens puis se tient prête pour se livrer au jeu des questions-réponses. Puisque l’ambiance générale dans le pays est à la manifestation contre la réforme des retraites, on l’interpelle sur la discrétion des artistes durant ce conflit. Mauvaise pioche !

Elle vient justement signer avec environ 300 artistes, dont Philippe Katerine, Laure Calamy, Audrey Fleuriot, Abd al Malik, Bérénice Béjo ou encore Juliette Binoche, une tribune dans Libération appelant au retrait de la loi ! « Je me sens très concernée. Nous avons des vies déjà pas forcément évidente en tant que musicien ou musicienne. Dans cette lettre ouverte, il est aussi question du statut des femmes dans les métiers du spectacle, pas toujours évident passé un certain âge. Et il y a le corps qui fatigue. Cela me concerne ! »

Une Arlequine multicolore

Ceci étant dit, même si les trottoirs à proximité de la salle de concert sont encore jonchés de détritus, tout semble en ordre pour une belle soirée à venir pour écouter pour la première en live et en groupe les nouveaux morceaux de Dorothée, déclinés sous un label fort, celui d’une Arlequine. « Cette Arlequine représente des multiples de moi mais aussi des choses inventées. J’aime bien que mes chansons mélangent fiction et réalité. »

Dans son nouveau costume multicolore digne d’une belle représentation musicale de la commedia dell’arte, Dorothée se joue des apparences pour dévoiler ses nouvelles comptines. « Il s’agit d’un mélange d’histoires que j’ai entendues, de personnages et en même d’histoires personnelles. J’essaie de tromper un peu mon monde avec cette arlequine

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The Rodeo/Dorothée Hannequin Jeudi 23 mars 2023 Paris La Boule Noire

De Hopper à The Rodeo

Musicienne issue de la scène indépendante française, Dorothée a longtemps était à la tête du groupe Hopper avant de se lancer en solo sous le nom de The Rodeo, un malicieux anagramme de son prénom. Depuis quatre albums déjà, elle a pris son destin main pour livrer régulièrement des compositions inspirées. « Je commence souvent avec une mélodie à la guitare et à la voix, puis le texte vient ensuite. Ensuite, avec Matthieu et Jérôme, clavier et bassiste du groupe, on essaie d’amener le morceau à un endroit qui lui sied bien. J’ai parfois des idées assez précises de là où j’aimerais aller, parfois juste des références. Par exemple, le musicien brésilien Erasmo Carlos a inspiré le titre « Praia Vermelha« . Ce morceau parle du Brésil, j’avais envie que cela sonne un peu comme ce musicien. »

Une guitariste autodidacte

Dorothée tient sa passion pour la musique de son adolescence. Son oncle lui a 15 ans offert une guitare Ibanez des années 70. « J’étais très timide, et je le suis toujours un peu. J’étais surtout très introvertie. La musique m’a fait sortir de ma coquille. Mais j’ai toujours aimé faire le pitre, faire des spectacles, même devant trois personnes. La musique est vraiment venue au collège, à travers des rencontres avec d’autres amis musiciens.  A cet âge-là, on a envie de faire partie d’un groupe, de trouver un cercle de gens avec qui on a des passions communes.»

Toute petite, elle avait fait un peu de solfège mais elle a surtout appréhendé la musique et le chant en autodidacte en échangeant avec ses amis. « J’ai quand même pris quelques cours de chant, lorsqu’il fallait que je pose ma voix en montant dans les aigus sans me fatiguer. J’ai aussi pris quelques cours de piano. »
Aujourd’hui, elle maîtrise donc le clavier, la guitare et bien évidemment le chant.

Toujours indépendante

Malgré cette base désormais solide, Dorothée Hannequin est toujours restée du côté des musiques indépendantes. Hopper, à son époque, a acquis une belle notoriété sur la scène française. Et bien que plus accessible, The Rodeo semble toujours voué à rester du côté de la scène indé. « Je ne le revendique pas, c’est un peu malgré moi. L’indépendance cela veut surtout dire pour moi que je suis artiste productrice. C’est mon label, je gère un peu tout de A à Z, les clips, les images même s’il y a un équipe autour de moi qui m’entoure et qui fait un super travail. Finalement, même si j’ai connu la maison de disque et les managers, maintenant je m’autogère. C’est ça l’indépendance. Personne ne me dicte ce que je devrais faire.»

Chanteuse productrice

Désormais responsable de tout ce qui concerne sa carrière, Dorothée est accompagnée pour la sortie d' »Arlequine » par le distributeur Modulor, un tourneur et par un attaché de presse. Elle est aussi celle qui finance le projet. « C’est comme un escalier. Chaque album, ou tournée, finance ce qui va suivre. Cela me prend beaucoup de temps mais c’est un super, lorsque tu es artiste, de prendre cette casquette-là même si cela demande beaucoup d’investissement de faire tout l’administratif.

Mais maintenant, il faut être multi-casquettes. C’est très prenant et cela peut malheureusement prendre le pas sur la musique. Aujourd’hui, nous sommes dans un monde où il faut tout le temps être force de proposition, être présent à l’image, sur les réseaux, dans l’actualité. Tu ne peux pas trop disparaître pendant 5 ans et revenir car on t’a déjà oublié. C’est assez impitoyable, les carrières sont devenues de plus en plus éphémères. Cela m’attriste un peu car c’est beaucoup d’engagement comme artiste et ensuite la durabilité est compliquée. Après, certains ont de la chance …»

The Rodeo Dorothée Hannequin Jeudi 23 mars 2023
Paris La Boule Noire

Un projet à plein temps

Le projet The Rodeo occupe quasiment 100% de son temps Dorothée. Elle est depuis plus de dix ans intermittente du spectacle. « J’ai connu des hauts et des bas … Il m’arrive de faire de temps en temps d’autres choses pour faire mes heures mais toujours dans le spectacle. »

Parisienne dans l’âme, Dorothée a choisi de s’expatrier à Lyon pour mener à bien sa barque. Un choix étonnant pour cette musicienne reconnue comme un élément clé de la scène parisienne… « Paris, cela a toujours été pour moi attraction/répulsion. C’est ma ville de cœur, mais post-Covid, j’y trouve la vie de plus en plus dure. Tout est cher et les gens ont désormais une dureté en eux qui fait que cela me fatigue beaucoup. Les gens sont moins sympas, peut-être moi aussi d’ailleurs. Moi, j’ai toujours eu un look boyish, comme on dit en anglais, un peu garçon manqué, passe-partout.

Paris m’a poussé à m’habiller comme cela car je ne me sentais jamais à l’aise en étant habillée autrement. Pour moi, il faut toujours s’habiller pratique, pas trop voyant, un peu passe-partout. La ville te façonne, même si ici à Paris les gens sont plutôt à l’aise pour s’habiller comme ils veulent. Mais les rapports sont très durs entre les gens. La scène musicale par contre est minuscule par rapport à d’autres villes dans le monde. Ça c’est génial, de tous se retrouver dans trois ou quatre bars et à partager les mêmes scènes mais là j’ai eu besoin de prendre de l’air, du recul. Cela m’a fait beaucoup de bien mais je viens quand même très souvent ici. C’est juste une parenthèse. »

Un chant en français

Prendre le large, une manière d’appréhender sereinement la sortie de son 4éme album solo, le second en français après l’excellentissime « Th​é​rianthropie Paradis » sorti en 2018, avant la crise du Covid. « J’ai été un peu poussée à chanter en français puis je me suis dis pourquoi pas. J’ai sorti un premier morceau,  » Le Fantôme De Tes pas« .
https://www.youtube.com/watch?v=3RYQ69-v3GU

 Il n’est sur aucun disque mais je le joue toujours parfois en concert. J’ai trouvé que cela sonnait bien, que cela pouvait marcher. Et puis, je voyais aussi des artistes que j’aimais bien chanter en français. Cela donnait des trucs super. Je pense par exemple à Mehdi Zannad, connu sous le nom de Fugu. Cela a fait un petit déclic car j’ai trouvé que cela marchait vraiment de faire de la musique actuelle, et je dis bien actuelle, en français, avec des vraies mélodies. Cela reste de la pop, mais qui sonne bien et en français

The Rodeo Dorothée Hannequin Jeudi 23 mars 2023 Paris La Boule Noire

Un changement de tonalité

A ce propos, force est de reconnaître une véritable évolution des mentalités. Ce qui il y a 20 ans apparaissait encore comme un sacrilège, à savoir chanter en français sur des mélodies musicales d’obédience anglo-saxonne, semble en train de s’imposer. Mieux cela offre à ceux qui osent une véritable singularité tout en évitant, à l’heure de la mondialisation à tout crin, d’être noyé dans le foisonnant toujours plus important des groupes chantant en anglais. « L’époque où l’on disait que cela sonne mieux en anglais est finie. Moi qui ai un peu tourné à travers le monde, j’ai pu remarquer que les gens s’en foutent un peu de la langue dans laquelle tu chantes. Ils sont pris par la musique en fait.»

Reste un chose quand même : la changement de tonalité en les deux langues est flagrant et passer de l’une à l’autre n’a finalement rien de naturel. « J’ai commencé avec Hopper à chanter avec une voix grave, sur les deux premiers albums de The Rodeo aussi. Et puis finalement, j’ai pris comme un challenge d’aller dans des tonalités qui n’étaient pas les miennes. D’aller dans les très très aigus. Je suis une grande fan de Kazu de Blonde Redhead, elle monte très très aigus. Or, ce n’est pas du tout ma tonalité. Ce n’est pas évident. Et puis c’est bien de ne reproduire la même chose à chaque fois … »

En toute intimité

De fait, depuis la fin des années 2010, Dorothée explore de nouvelles sonorités avec sa voix. Elle s’est même attachée à reprendre la très belle chanson « Porque te vas » avec des paroles en français. Un paris osé. https://www.youtube.com/watch?v=GPN4yPWkQ7Y
« Je trouve cette chanson exceptionnelle même si les paroles, passées en français, sont un peu cul-cul. J’ai trouvé la traduction sur internet. »

Revenons à Arlequine. Ce nouvel album est une vraie réussite, avec des mélodies variées et accrocheuses portées donc par des textes en français. Plus question désormais se cacher derrière des textes en anglais souvent également dénués de sens, Dorothée se livre désormais en toute intimité et aborde, cela parait, la thématique de l’amour, et plus spécialement le thème de la rupture. « Il y a dans cet album un petit fantôme de rupture amoureuse mais je trouve qu’il y a surtout un peu de joie. Je sors la tête de l’eau et  il y a de la lumière au bout du tunnel. Pour moi, c’est un album de renaissance et de puissance d’une femme. C’est un truc que m’a inculqué ma mère, avoir cette capacité de rebondir. Ce disque, c’est quand même quelque chose de positif. Il y a beaucoup de mélancolie mais une fois que l’on touché le fond, on remonte. »

The Rodeo Dorothée Hannequin Jeudi 23 mars 2023 Paris La Boule Noire

Des chansons de renaissance

Elle confie finalement sans faux semblants : cela parle beaucoup d’amour … et sa propre expérience même si tout cela est souvent caché par de belles métaphores et teinté de mélancolie. « « Courir, courir, courir » est un morceau sur le fait que l’on aime bien parfois tendre le bâton pour se faire battre. On a parfois envie d’être dans cet instant mélancolique négatif pour se faire remarquer et exister. Finalement, comme le train passe très très vite, il faut quand même sortir la tête de l’eau et essayer de revenir à la vie. »
Autre titre fort singulier et réussi de ce brillant album, le titre « L’hymne à la mou« , https://www.youtube.com/watch?v=I1025yJbfSk,
une chanson écrite et composée par Jean-Philippe Verdin et Jill Caplan.

« C’est la seule chanson de toute ma carrière que je n’ai jamais écrite. Jean-Philippe Verdin est un musicien qui a beaucoup œuvré dans les musiques de film. Je l’ai rencontré à l’occasion d’un titre que j’ai chanté pour le film « Tout ce qui brille ». Cela a été un coup de cœur entre nous. Il avait ce vieux morceaux qui trainait depuis 6 ou 7 ans. Il voulait le proposer à quelqu’un mais ne l’a jamais fait. J’ai repensé à ce titre en écrivant l’album, je trouvais cela dingue que ce morceau ne soit jamais sorti. Il a été d’accord et comme je connais Jill aussi, cela m’a fait très plaisir de chanter ses mots aussi. »

A la manière de PJ Harvey

La musique de The Rodeo semble aujourd’hui de plus variée. Dorothée jongle avec les mots comme avec les couleurs musicales pour livrer au final un ensemble extrêmement compact avec un rendu de plus en plus coloré et sucré tout en gardant, selon les partitions, des racines plus écorchées. « Je suis partagé entre des morceaux très pop et solaire mais aussi à l’inverse des titres très durs, mélancoliques, un peu à la manière de PJ Harvey sur ses premiers albums. J’aime bien mélanger les genres, avec à la fois des morceaux très durs sur des mélodies joyeuses et vice et versa. »

Parfois comparée à France Gall ou Françoise Hardy, Dorothée reste, à raison, dubitative à ce sujet. Elle est loin d’être un produit formatée et n’a guère de référence de ce côté de la variété française. Ce dit étant dit, elle préfère dès lors prendre ces comparaisons comme autant de compliments. « Il s’agit de super chanteuse, loin de moi l’idée de les renier mais je connais très peu et j’écoute très peu de chansons françaises même si dernièrement, j’ai beaucoup aimé les trésors d’Henri Salvador. Un disque sorti chez Bad born. Il s’appelle « Homme Studio -1970​/​1975 ». Il s’agit de deux albums phénoménaux, je trouve cela génial, avec des belles mélodies et des trouvailles. Alors France Gall, Françoise Hardy, je ne connais pas vraiment mais je prends quand même. »

The Rodeo Dorothée Hannequin Jeudi 23 mars 2023 Paris La Boule Noire

Imposer sa musique au plus grand nombre

Dorothée Hannequin semble avoir toutes les cartes en mains pour imposer sa musique au plus grand nombre, sans pour autant tomber dans le mainstream. « Il y a de très bon retour sur ce disque, je m’attendais à cela. J’ai été, il faut bien le dire, un peu déçue par l’accueil réservé à mon précédent disque. Là, les gens sont extrêmement enthousiastes, et aussi en Allemagne, en Suisse, au Canada … Avoir autant de retour positif, cela fait du bien. Cela fait longtemps que je fais de la musique, si je peux avoir un écho plus favorable, c’est plaisant. »

Cet écho plus favorable, The Rodeo va s’en rendre compte à l’occasion de ses prochains concerts. Quelques belles dates sont déjà programmées, comme cette prestation attendue ce jeudi 23 mars à Paris, une salle très rock. « J’ai déjà fait beaucoup de salles à Paris, notamment le Café de la danse ou l’Européen mais cette date est particulièrement importante car c’est pour moi le plaisir de retrouver la scène après la période du Covid. Nous avons récemment joué à Petit Bain pour la sortie d’une compilation du label Finalistes mais ce n’est pareil que de jouer son album et d’inviter les gens qu’on aime. Là, c’est une release party, c’est un peu la fête ! »

Un trésor encore trop bien caché

Pour cette date très personnelle, Dorothée joue, chose rare, accompagnée par son groupe au complet, quatre musiciens qui la suivent depuis ses débuts en solo. « Des fois, nous sommes à deux, à trois, à quatre … Cela varie en fonction des budgets. Les temps sont durs, c’est comme cela, cela coûte cher. Tourner à quatre ou à cinq est devenu un grand luxe, car cela coûte cher. C’est dommage mais c’est comme ça. »

Une raison de plus pour ne pas bouder son plaisir. Dans une Boule noire bien garnie malgré la grève, la jeune femme, guitare en bandoulière, a su faire irradier ses nouveaux titres. Soutenus par un son impeccable, Dorothée et son groupe (Jérôme Laperruque à la basse, Antoine Kerninon à la batterie, Mathieu Geghre aux claviers et Laurent Blot à la guitare et donc Dorothée à la guitare et au chant) ont livré une prestation de haute tenue faisant la part belle aux nouveaux titres sans oublier les fleurons de « Th​é​rianthropie Paradis » et quelques raretés.

Particulièrement soudée, la formation a accueilli plusieurs invités. Le guitariste de Melody’s Echo Chamber Jérôme Pichon est intervenu à la guitare, White Velvet et Blaubird ont accompagné Dorothée à la voix dans une bonne humeur communicative. Le set s’est terminé par un impressionnant rappel durant lequel, sous les lumières blanches cadencées par une explosion sonique, deux titres très inspirés, l’excellent « On the radio » issu du album premier album solo, en anglais, « Music Maelström » et pour finir le très bon « Les orgues », du dernier opus, ont été joués dans un déluge électrique.

Porté par une cohérence exceptionnelle, ce concert fut à la hauteur des espérances et annonce des lendemains qui chantent pour The Rodeo, ce trésor encore trop bien caché de la musique hexagonale.

The Rodeo Dorothée Hannequin, White Velvet, Blaubird Jeudi 23 mars 2023 Paris La Boule Noire

The Rodeo – « Arlequine » (Claro Oscuro – Modulor)
A écouter : https://therodeo.bandcamp.com/album/arlequine
Facebook : https://www.facebook.com/therodeo/?locale=fr_FR

 

Texte et photos : Patrick Auffret (avec Lysianne Roche)

Il a rejoint l’équipe début 2022 et son corps de métier se tourne vers la scène où il photographie les musiciens en même temps qu’il s’imprègne de leur musique, qu’il restitue son forme de live report hyper pointus.

Ancien rédacteur en chef à Publihebdos, Pat Auffret a également collaboré durant 20 ans avec le magazine Longueur d’Ondes et Rock & Folk. Il travaille régulièrement avec l’agence photo Dalle et ses clichés ont été publiées dans divers journaux nationaux (Le Monde, Les Inrockuptibles, Rock&Folk, …) et internationaux.
Il est aujourd’hui président de l’association dédié au spectacle vivant Out of time.

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