SANDY LAVALLART, Tutoyer les sommets (portrait)
Un portrait/interview à haute altitude.
Nous avons contacté Sandy Lavallart, l’homme derrière Kwoon, suite à sa dernière vidéo, filmée live à l’aiguille du Triolet, à 3900 mètres d’altitude. Nous lui avons posé quelques questions par écrit, il a répondu en audio, du coup on vous fait un petit portrait augmenté d’extrait de l’enregistrement de ce musicien épris de liberté, des rêves pleins la tête, et un gros glaçon dans ses Stan Smith.
Si nous devions situer l’envie de Sandy Lavallart de se filmer dans des endroits de folie (époustouflants de beauté), nous la placerions aux alentours de 1972, avec le Live at Pompéi des « papas » Pink Floyd. Pour qui n’a pas vu ce live, il avait lieu dans l’arène de la ville dévastée par une éruption volcanique ayant ravagé les lieux et tué une grosse partie de la population. Ce live a probablement donné envie au musicien de se frotter à des lieux uniques, tant par leur cadre (volcans, l’aiguille du Triolet) que par l’histoire habitant les lieux (Le phare de Tévénec). Ainsi, il propose des vidéos, qu’il réalise seul, nimbée d’ambient et d’images à couper le souffle.
L’aiguille du Triolet.
La dernière en date s’est déroulée sur l’aiguille du Triolet. 3900M d’altitude. Les neiges éternelles. Seuls sur son tabouret, avec ses 25 kg de matériel dans son sac à dos, il s’est placé sur une falaise abrupte. Le résultat est saisissant, mais nous ne pouvions nous empêcher de penser « mais comment est-il arrivé là-haut ? ». On va casser le mythe du musicien alpiniste chevronné (même s’il a pratiqué un peu cette discipline), il a été déposé au sommet par hélicoptère. Forcément, les écolos bas du front rétorqueront, à la vue d’images sublimes invitant à contempler la nature sauvage sous ses plus beaux atours, que c’est un crime de lèse-majesté. Bon, c’est vrai, un hélico, c’est peu écolo, mais nous lui passons ce défaut haut la main, pour plusieurs raisons.
La première, c’est que pour monter là-haut, il faut être grimpeur chevronné, costaud pour se trimballer le matériel pour sa prestations live et celui d’alpinisme pur. Le propos n’était pas de montrer une quelconque capacité physique extraordinaire, mais bel et bien de faire un show dans un lieu sensationnel. La deuxième raison est qu’en se filmant tout là-haut, Sady Lavallart fait rêver les gens. Il montre la nature dans ce qu’elle a de plus âpre, de plus pur également. Pour le bonheur qu’il disperse de ses hauteurs, le sacrifice de l’hélico vaut bien le coup. Car, à travers cette vidéo, outre le fait qu’il se fasse et nous fasse plaisir, c’est bien l’idée de liberté, celle, également, d’aller au bout de ses rêves qu’il véhicule.
La force des rêves
Comme un pied de nez à la connerie ambiante, il s’évade de toutes notions de confinement, nous offre une bouffée d’un oxygène à -16°c (ressenti aux alentours des -20 -25°c avec le vent). Les montagnards et les puristes des ascensions extrêmes le chambrent d’ailleurs gentiment, le voyant jouer avec ses Stan Smith, tout là-haut. Il faut savoir que, vu les températures, il avait évidemment prévu des chaussures dédiées aux conditions extrêmes. Mais impossible pour lui de déclencher ses pédales correctement. Il a joué un premier live mais le résultat était tellement désastreux qu’il a troqué ses godasses rembourrées pour ses baskets. Si la prise de son et la manipulation des pédales d’effets s’est effectuée sans encombre, il a eu le pied gelé (un gros glaçon s’est formé dans la chaussure).
Le froid a été un inconfort certain pour cette prise vidéo. Mains gelées, pieds gelés, caprice des drones, tout cela a nécessité une volonté de fer pour aller au bout du rêve. Sans parler de la peur évidente de glisser et de se fracasser contre les roches des dizaines de mètres plus bas. Sandy Lavallart le dit d’ailleurs avec sincérité : ce live fut le plus inconfortable et dangereux qu’il ait tourné. Le plus fou aussi ? Certainement.
Vivre avec la nature.
Loin de se cantonner à vouloir se filmer dans des lieux touristiques, il veut se retrouver dans des endroits isolés, sauvages, chargés en histoire, ce qui donne à sa musique une âme totalement particulière. Pour les besoins de ce live, il avait prévu une base plutôt solide pour ne pas se lancer, vu les conditions particulières, dans un live en improvisation qui n’aurait rien donné de bon. Ainsi, il avait préparé ses samples, gardant une légère marge d’improvisation pour ses seuls solos. Et puis, comme il était là-haut sans équipe technique (c’est lui seul qui gère à la fois l’image, avec Go pro, téléphone et deux drones autonomes et musique), il ne pouvait se permettre des approximations couteuses (en temps, en énergie, d’où aussi, ce fameux hélicoptère).
Pour le reste, ce live, comme ceux qui l’ont précédé, et ceux qui le suivront, ont pour but de montrer que les rêves les plus fous ne sont pas irréalisables. Il cite Mike Horn en disant : « si tu as un rêve, planifie-le et fais-le. » Plus que de montrer ses rêves, il veut dire à ceux qui le remercient pour le frisson qu’il leur procure qu’eux aussi peuvent réaliser les leurs, qu’ils sont à portée de main, bien plus qu’ils ne croient. De la même façon, son propos n’est pas écologiste, même si pour lui cette dimension est primordiale. Se recentrer sur soi face à la nature, vivre au contact de celle-ci, la respecter, faire preuve de bon sens, sont pour lui des valeurs qui font l’humanité. Alors le confinement, les restrictions le poussent plutôt à s’en émanciper, à aller voir si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. Et de nous faire rêver, simplement.
Revoir le live
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