CHRISTOPHE SAMARSKY & CORSO

christophe samarsky et corsoEntretien croisé.

Nous avons publié il y a peu de temps la chronique d’Animals, paru chez L’Orpailleur, roman de Christophe Samarsky, se déroulant au Japon, roman labyrinthique, cryptique, un peu geek sur les bords, un peu onirique. Nous avons aussi découvert sa patte à travers son groupe, Corso, qui mêle, de façon tout aussi personnelle, les influences (rock, post punk, ambient) et les couleurs. Il nous apparaissait dès lors qu’une conversation s’imposait, pour tenter de comprendre un peu mieux l’univers de cet auteur particulier.

Quand un artiste s’exprime à travers deux arts, la littérature et la musique dans le cas présent, il paraît évident que des ponts seront bâtis entre les deux, que s’entremêleront les connexions, jusqu’à brouiller les repères qui au préalable semblaient fixés au sol et indéboulonnables. Pourtant, rien n’est moins sûr, et le langage permet de détricoter tout un système, de l’éclairer sous des angles inédits.

C’est ainsi que notre conversation nous mena de la littérature au monde des jeux vidéo, de la musique à la peinture, pour terminer par un soupçon de philosophie.

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Un univers dense.

Christophe Samarsky n’envisage pas l’écriture de livres comme celle de chansons. En effet, si aucune des deux manières d’écrire ne nécessite de plan pour lui, celle de Corso est d’un bloc, plus spontanée encore que celle de son livre. Ce dernier, en effet, demande plus de relecture, de re-travail que ses compositions. Pourtant, les mots utilisés proviennent bien du même homme, pour un propos tout aussi labyrinthique, mais plus « léger ».

Comme pour Animals, le monde musical de Christophe Samarsky possède ses propres codes, lesquels finalement dégagent des couleurs presque similaires, quelque part entre l’apocalyptique personnelle et un monde inquiétant car déroutant. Animals nous conduisait dans une ville mouvante, Corso aussi se dissout sous nos pas, nous prend à contre-pied, nous renvoie dans les cordes, en passant d’un titre presque punk à une phase plus ambient.

L’ambient d’ailleurs, tient une place particulière dans le cœur de Christophe Samarsky. Ce style est pour lui une méditation, un instant hors du temps, dans le sens premier du terme puisque, à travers ses nappes, ses évolutions, l’ambient lui permet de « décrocher ». Le réel n’a plus prise. L’état est le même quand il écrit.

Temps figé.

Y est-il question de transe ? Peut-être un peu. Détachement de soi et du monde qui l’entoure, projection de l’esprit dans un état second, l’écriture et l’ambient possèdent leurs propres repères spatio-temporel, des règles qui leur sont propres. Nous retrouvons ce sentiment dans le livre qui se balade dans un temps explosé, qui se projette dans des reflets d’éclats de verre et qui rebondit dessus, changeant de direction, d’angle, à chaque nouvel éclat.

À nous de nous y adapter, tout en gardant en tête les points d’appui. On se raccroche à cela, et on devine alors une poésie de l’inconnu, celle d’une incompréhension compréhensible, celle des images et des mots, celles des couleurs et des sons. On pourrait même croire que nous pénétrons dans la psyché de l’auteur/parolier, mais il n’en est rien puisque, avec malice, il s’esquive derrière des personnages/entités impalpables mais paradoxalement concrètes.

L’auteur ne se cache pas en-elles, il est elles, elles sont miroirs déformants formant leur propre identité. Dans le cas d’Animals, elles se projettent dans un Japon de documentation, de fantasme de gameplay, d’univers de geek hyper référencé à une culture pop saturée de couleur e de bruits. Dans Corso, elles se projettent dans une nébuleuse que nous qualifieront de rock faute de mieux puisque là aussi tout s’avère plus instable qu’il n’y paraît, empruntant à Blade runner autant qu’à Bashung (enfin un Bashung encore plus insaisissable que sa poésie peut l’être).

La passé en point de mire.

Comme dans toute perspective il y a un point de mire, celui de Christophe Samarsky se déroule vers le passé. Non pas un passé nostalgique ou fantasmé, un passé évanescent qui est un avenir, une anticipation malléable. Le temps n’est pas une ligne droite, elle est faite de retour en avant arrière, de come-back d’anticipation, de monts et vallées de l’imaginaire. La notion de linéarité ne veut rien dire, le temps est là depuis toujours et le reste indéfiniment.

Musicalement il s’inspire de souvenirs vécus ou non, reprend les structures de toujours en les ingurgitant pour les recracher dans une veine nouvelle, intime. Littérairement, tout se déroule sur un plan de pensé étirée comme un chewing gum sous la semelle d’une chaussure, avec son point d’attache et son dynamisme échevelé qu’il convient d’accepter plutôt que d’essayer de le rendre cartésien, balisé.

Avec sa plume d’auteur et de parolier, avec son amour de la philosophie dont les lectures, comme il écoute l’ambient, lui donnent des poussées d’adrénaline d’une subite compréhension terrassante, Christophe Samarsky impose un style indescriptible mais pourtant, étrangement, familier, comme si notre inconscient s’y propulsait un peu contre nous, comme s’il y puisait des codes connus de mémoires ancestrales, ce qui ne manque absolument pas de charme, même si celui-ci nous échappe.

Un peu mystique tout ça, non ?

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