ANOUSSA CHEA, le portrait d’une photographe.

River Into Lake ©Anoussa Chea

River Into Lake ©Anoussa Chea

Nous avons posé quelques questions à Anoussa Chea, attachée de presse et photographe.

Si elle tire le portrait de musiciens, c’est notre tour, à travers quelques questions, de dresser celui d’ Anoussa Chea. A la fois attachée de presse (nous l’avons rencontré autour du travail de Reptiles, chroniqué dernièrement en ces pages) et photographe de concerts, portraitiste, son parcours et ses photographies nous ont sortis de notre torpeur. Nous n’avons pas résisté à l’idée d’une interview dont on vous laisse découvrir la teneur.

Les questions.

Litzic : Salut Anoussa, tout d’abord, question banale et rituelle : comment vas-tu ?

Anoussa Chea : Ça va plutôt bien ! Merci !

L : Tu es photographe, notamment de concerts et d’artistes. Comment as tu vécu les derniers mois, ceux qui ont vu la réouverture progressive des salles de spectacle, et ceux qui ont précédé ou justement tout était (en)fermé ?

Anoussa Chea : Les concerts m’ont évidemment beaucoup manqué ! Mais, si je regarde le verre à moitié plein, la période du confinement m’a permis d’essayer de nouvelles choses. Durant cette période, j’ai vraiment expérimenté l’exercice du portrait. Jusqu’à présent, j’en avais fait quelques uns mais de manière assez ponctuelle. Pendant le confinement, j’étais la photographe plateau des lives sessions On Stairs co-produites par Arty Magazine (webzine pour lequel je suis photographe et rédactrice) et LeStudio Club.

Pour immortaliser le passage des artistes programmés, je leur tirai le portrait à la fin de leur session. Aussi, au cours de cette période, après chaque interview d’artistes que je faisais, quelques minutes étaient consacrées pour faire quelques portraits.

« Faire des photos de concerts était un moyen de m’évader… »

L : Comment en es-tu venue à photographier des artistes ou groupes sur scène ?

Anoussa Chea : Ça fait presque 3 ans que je shoote des concerts et des artistes. Le rédac chef de La Distillerie Musicale, qui est le premier média web avec lequel j’ai collaboré, cherchait des photographes pour shooter des concerts. Il avait posté l’annonce sur Facebook. J’ai envoyé un mail avec quelques photos (qui n’étaient vraiment pas terribles, avec du recul) et le rédac chef m’a tout de suite acceptée dans l’équipe ! C’est de cette manière que j’ai commencé !

A l’époque, je travaillais dans le secteur de la finance et je détestais mon taff. Faire des photos de concerts était un moyen de m’évader en liant mes 2 passions : la musique et la photo, d’assister à des concerts et de rencontrer des artistes et des gens du milieu.

L : Avais-tu déjà un univers photographique fort avant de shooter les musiciens ?

Anoussa Chea : Oui, complètement ! La plupart des expositions que je faisais étaient des expos de photos. Quand j’étais ado, j’avais souvent avec moi un petit compact numérique. Je prenais plein de photos de mes ami.e..s au lycée, en vacances à la plage, en soirées, que je développais et que j’accrochais aux murs de ma chambre ! Aujourd’hui, toutes ces photos sont dans une boite que je garde précieusement. Ces photos doivent retracer toute mon adolescence et le début de ma vingtaine ! J’y tiens beaucoup.

« Sur une pellicule de 36 poses, je dois avouer que je ne suis satisfaite que d’une petite dizaine de photos… »

L : Avec quel type de matériel travailles-tu ? Numérique ou argentique ? Appareil photo ou smartphone ? Retouches poussées ou one-shot (avec juste des petits réglages de luminosité/contraste)?

Anoussa Chea : J’ai commencé avec un modèle hybride, un Lumix GX 80 que mes ami.e.s m’ont offert pour mes 30 ans. Après le premier confinement, j’ai investi dans un Sony A7III qui est un modèle plein format. Pour les focales, je n’utilise que des focales fixes, essentiellement un 85 mm f 1.8. Je me suis aussi achetée un petit compact argentique point & shoot, un Olympus AM 100 à 40 euros sur Le Bon Coin.

Je voulais m’essayer à l’argentique de manière ludique, avec un appareil que je pouvais mettre dans mon sac et sortir à n’importe quel moment, sans faire de réglages. C’est une manière différente de faire des photos que j’aime beaucoup. C’est plus spontané, plus direct mais aussi plus aléatoire. Sur une pellicule de 36 poses, je dois avouer que je ne suis satisfaite que d’une petite dizaine de photos (rires) ! Et, tu n’es pas à l’abri de foirer une pellicule parce qu’elle s’est mal rembobinée (ça m’est arrivé il y a quelques semaines pendant un voyage à Lanzarote !)

En ce qui concerne les retouches, j’essaie de ne pas y passer trop de temps. Je dois avouer que ce n’est pas quelque chose que j’adore faire. Mais, pour les photos de concert, on peut difficilement y échapper ! En phase de retouche, je joue essentiellement sur l’exposition, les contrastes, la profondeur des noirs, les ombres. C’est assez basique. J’essaie de conserver l’atmosphère shootée initialement, de ne pas trop dénaturer l’image de base.

« Ce qui m’intéresse le plus, c’est de capter une émotion, un regard, un sourire, une attitude, quelque chose de presque indécelable. »

L : Qu’essayes-tu de capter du musicien sur scène ? Comment y parviens-tu ? Même question lorsqu’il s’agit de portrait ?

Anoussa Chea : Ce qui m’intéresse le plus, c’est de capter une émotion, un regard, un sourire, une attitude, quelque chose de presque indécelable. Pour capter ces moments, il faut avoir le sens de l’observation, être très patient, dégainer l’appareil au bon moment et avoir un peu de chance (rires). Et, ces moments surviennent, la plupart du temps, entre 2 morceaux ou lorsque l’artiste s’adresse au public. Finalement, shooter des artistes en train de faire leur show m’intéresse moins car faire une photo de quelqu’un en train de chanter, tout le monde peut plus ou moins le faire. Mais, arriver à capter une émotion, une expression, un sentiment est plus compliqué et rend la photo plus intéressante.

Le portrait est un exercice beaucoup plus compliqué. La plupart du temps, lorsque l’artiste est en promo, je n’ai pas beaucoup de temps, je dois composer avec le lieu et l’éclairage (pas toujours flatteur). Il faut réussir à créer un lien et mettre à l’aise l’artiste shooté.e en peu de temps et le/la diriger sans que cela ne soit trop formel. A mon sens, il doit y avoir une certaine forme de spontanéité et de fluidité entre le photographe et l’artiste pour que le shooting soit réussi, ce qui n’est pas toujours facile à établir quand on dispose de peu de temps.

L : Aujourd’hui, avec les moyens actuels et la démocratisation de la photo grâce notamment à l’intelligence artificielle des smartphones, tout le monde peut se dire photographe. Quel est la différence entre un photographe et un amateur de photo ? Se faire un nom doit s’avérer compliqué non ?

Anoussa Chea : Je pense que la différence se fait peut-être dans l’intention, dans la recherche d’une certain esthétique, dans le message qu’on veut exprimer et transmettre avec sa photo En effet, avec les iPhone, qui sont de plus en plus performants et qui possèdent de nombreux réglages et différents modes, tout le monde peut faire des photos nettes, avec un bokeh mais sans réelle volonté d’exprimer quoi ce que soit. La photo aura été prise sans aucune volonté d’obtenir une certaine esthétique, un certain grain ou d’exprimer un certain regard. Le seul objectif est d’avoir une image de tel paysage, de tel concert, de tel plat au restau.

« …l’univers de l’artiste reste la matière première, la base du travail du photographe. »

Me concernant, je ne cherche pas particulièrement à me faire un nom. Si mon travail plait et que certain.e.s veulent travailler avec moi ou me proposer des collaborations, c’est toujours très flatteur et c’est avec grand plaisir que je réponds à ces sollicitations mais je ne cherche pas à devenir quelqu’un dans le milieu de la photo.

L : L’image est devenue omniprésente dans la musique. Qu’apporte le musicien au photographe, et inversement ?

Anoussa Chea : Je dirai que c’est un apport mutuel et complémentaire. Mais, l’univers de l’artiste reste la matière première, la base du travail du photographe. Le photographe va essayer d’illustrer, de traduire en images l’univers et la sensibilité du musicien en proposant tel grain, telle esthétique, telle atmosphère pour les photos.

L : Tu aimes aussi les paysages, villes ou campagnes (voir sur ton site). Alors, des paysages ou des concerts, lequel à ta préférence ?

Anoussa Chea : C’est impossible de choisir. C’est une question à laquelle je ne peux pas répondre. Les 2 m’apportent beaucoup.

A travers les paysages, ce sont surtout les voyages que j’aime et qui représentent ma troisième passion. Les voyages sont essentiels pour mon équilibre. Ils me permettent de me ressourcer, de me retrouver quand je me sens un peu perdue. C’est une vraie bouffée d’oxygène qui me procurent un grand sentiment de liberté. A travers mon regard, mes photos de voyages me permettent de retranscrire ce qui m’a touchée, ce que j’ai trouvé de poétique au cours de mes voyages. Cela peut passer par un paysage, la banalité d’une scène de rue, par l’immensité de la nature ou par l’ambiance frénétique d’une ville.

Faire des photos de concerts m’a permis et de rencontrer des artistes talentueux (musiciens ou photographes) dont j’admire le travail. Mais, surtout ça m’a permis de réaliser un de mes rêves, celui de travailler dans la musique (en tant qu’attachée de presse).

L : Est-ce que tu as des projets d’éditer un beau livre ou peut-être une exposition ?

Anoussa Chea : J’ai exposé, en janvier 2019, les photos de concerts que j’avais prises au Pop Up du Label, qui est la salle où j’ai commencé à faire des photos de concerts. Le Pop-Up possède une galerie qui est attenante à la salle. Je trouvais que ça avait du sens d’exposer ces photos pour mettre en avant les artistes issus de la scène émergeante et de mettre en avant le Pop-Up qui n’hésite pas proposer une programmation éclectique. J’y ai découvert plein de supers projets, rencontré plein de gens passionnants et passé quelques soirées assez mémorables (rires) !

Cette première exposition m’a donné envie d’en faire une autre ! J’ai été très émue de faire cette première exposition. Je me souviens avoir eu les larmes aux yeux au moment de décrocher mes photos. C’est un projet que je garde quelque part dans un petit coin de ma tête. J’attends de trouver une idée, un thème qui mériterait vraiment de faire une expo. Editer un livre serait vraiment le graal mais ce n’est vraiment pas pour demain (rires) !

« J’adorerais faire le portrait de Damon Albarn en Islande ! »

L : Avec les concerts qui reprennent, tu dois être débordée ? Peut-être un fantasme de photographe sinon à nous dévoiler ? (Une ville qui te fait rêver, un lieu mythique, une star internationale?)

Anoussa Chea : Il y a quelques semaines, j’ai eu l’opportunité de shooter, pour la première fois, les backstages du concert de Victor Solf (qui est un artiste que j’adore), à la Cigale (qui est l’une de mes salles préférées). Quand j’ai commencé les photos des concerts, j’avais ce rêve de shooter des artistes en backstages, quelques minutes avant de monter sur scène. J’ai pu réaliser ce rêve grâce à Victor. Et j’ai adoré ! C’était vraiment génial d’être la témoin de ces moments, d’être dans cette intimité.

Dans ce cadre-là, tu peux vraiment saisir des sourires, des regards, des émotions qui peuvent se lire sur les visages. Tu peux capter des instants, des moments qui semblent anodins mais qui, en réalité, sont hyper chargés émotionnellement. L’envers du décor m’a toujours beaucoup plus intéressée que le show en lui même. C’est un exercice que j’aimerais beaucoup continuer à faire et pourquoi pas partir en tournée avec un artiste (rires).

Dans ce registre, j’aime particulièrement les photos de tournée d’Alexander D’Hiet qui accompagne le groupe Balthazar et celles de Goledzinowski qui a photographié Julien Doré pendant la tournée des albums « Løve » et « & ».

L : Quels sont les artistes que tu aimerais shooter, sur scène ou en dehors ?

Anoussa Chea : J’adorerais faire le portrait de Damon Albarn en Islande !

L : Que peut-on te souhaiter de beau dans les semaines ou mois à venir ?

Anoussa Chea : De continuer à collaborer avec des artistes que j’aime et dont j’admire le travail, que cela soit à travers la photo ou mon travail d’attachée de presse.

soutenir litzic

Pour faire en sorte que litzic reste gratuit et puisse continuer à soutenir la culture

 

Nous retrouver sur FB, instagram, twitter

Ajoutez un commentaire