REPTILES, My sworn enemy (debut EP)

reptiles my sworn enemyUn exercice sur le fil.

Reptiles porte un nom qui pourrait en faire frémir plus d’un. On craint certaines de ces bestioles, souvent rampantes, parfois munies de crocs venimeux. Mais ce nom de scène est porté à bon escient par un musicien ayant trainé ses guêtres un peu partout, en revient avec une voix cabossée et un nouveau projet, mis sous forme d’EP aux 4 titres sombres, blues et post punk, rock jusqu’au bout du médiator. My sworn enemy nous ramène à l’élan vital d’un homme pour qui la musique est un catalyseur.

Ce musicien, c’est Sylvain Arnaux, personnage connu des adeptes de la musique underground pour sa voix caverneuse, semblant être revenue de tout, non pas sans y avoir laissé quelques plumes. Nous le retrouvions notamment aux commandes de Clan Edison ou Hummingbird, mais il est ici associé au producteur et réalisateur Baptiste Homo (Omoh, Tiste cool, Julien Doré). Le moins que nous puissions dire est que cette collaboration nous marque au fer rouge.

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Venin bleu.

Tout commence par un blues aride. Les reptiles évoluent souvent dans le désert, l’image qui nous assaillent ici est celle d’une étendue de sable, de roche, à perte de vue. Tel un poor lonesone cowboy, la voix de Sylvain Arnaux habille l’espace d’une présence fantomatique, déguindée, voire déglinguée, mais d’une présence magnétique. Reposant sur un arpège, quelques éclairs d’électricité, et la voix d’outre-tombe d’un Mark Lanegan à la Française (excusez du peu, respect absolu), le titre réveille un cafard monstrueux, tapie là, dans nos entrailles.

Tout le titre tombe sous le joug d’une tension incandescente, d’une foi inébranlable en la noirceur qui viendrait trouver un exutoire dans une soudaine poussée d’adrénaline (symbolisée ici par une envolée rythmique qui nous cloue à notre siège, autant par surprise que par sa velléité à casser les codes ci-dessus énoncés). Alors nous en venons à cracher notre venin bleu (du sang royal de ceux qui ont toujours combattu les diktats), venin gorgé d’une sombre mélancolie, d’un désespoir aussi féroce qu ‘une rage de vivre incontrôlable, comme pour ne vivre que pour et par la musique.

My sworn enemy.

Le morceau qui tombe donne son nom à l’EP. Il repart sur la base rythmique de la fin du morceau qui le précède, mais transcende le blues en lui conférant des accents post punk. Fini le blues apocalyptique ? Pas vraiment, les deux sont liés, il s’exprime juste un peu différemment, ce blues, ce vague à l’âme. My sworn enemy est une nouvel fois servi par une empreinte vocale terrassante, portant l’émotion (celle d’une tristesse abyssale) à son paroxysme, aidé en cela par quelques touches de piano qui en renforcent la dramaturgie. L’apport d’une voix secondaire, un peu en retrait, féminine, comme sur Venin Bleu, renforce elle aussi cette tension implacable.

Nous sentons aussi une ferveur incroyable, un amour pour ce qui fait du bien dans ce qui fait du mal.

Now et Tooth for tooth.

Now suit de prés, délaissant le caractère trépidant du post punk pour un titre plus low tempo, dégageant un romantisme brut sous une couverture un peu plus « pop », même si dark, parfois plombée, toujours par ce poids qui semble provenir de la carcasse du musicien qui effectue néanmoins une mue intéressante sur ce titre. La lumière, noire, irradie sur la composition, conte de la pleine lune où nos démons intérieurs, ceux qui nous ravagent l’âme, trouvent un exutoire dans un espoir fébrile.

Tooth for tooth, comme œil pour œil, une histoire de revanche, sur soi, sur ce qui nous hante, nous terrifie, comme porter un regard lucide sur nos errances. Crépusculaire, le titre s’extirpe de la fange par la puissance de la voix, qui, telle une main tendue qui viendrait nous secourir, nous empêche de sombrer dans la dépression. Car tout cet EP joue sur ce fil tendu entre désespoir intime et espoir absolu en demain. Sans jamais perdre l’équilibre, Reptiles nous offre un premier exercice périlleux dont il a su éviter tous les pièges, et cela nous ravit.

 

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