Séléction musicale 22-10, de Tako Tsubo à Félix
Nouvelle sélection du vendredi 25 mars.
Il ne faut pas se leurrer. Derrière la légèreté se cache souvent un fond plus lourd. C’est ce que nous prouve une partie de cette sélection 22-10, en posant simplement des questions ou des constats sur ce qu’est l’Homme, on fond. Bien sûr, tout n’est pas noir, bien au contraire, mais force et d’admettre que pour bien faire passer un message, jouer les antagonismes, joie/mélancolie par exemple, fonctionne toujours bien, plus parfois que de s’enliser dans une joie creuse et dans une mélancolie dépressive.
TAKO TSUBO
Premier extrait de leur EP à sortir prochainement, Smile et sa vidéo hypnotique nous entraînent aux frontières floues entre pop et rêverie. Rythmique organique, cardiaque, nappes éthérées ouvrent le bal, avant que la voix ne survienne, nous ramenant à une forme de réalité. Petit à petit, l’aspect onirique de la musique se saisit de nous, nous ramenant sans cesse sur un équilibre entre monde concret et monde des songes.
Sommes-nous dans cette période un peu trouble qui précède le sommeil, ou bien sommes-nous simplement en train de rêvasser en contemplant un paysage qui défile derrière les vitres d’un train ? Impossible à dire, pourtant le voyage se fait, intérieur ou extérieur, ouvre notre regard sur des perceptions mouvantes, fortes et intimes. Et notre cœur de s’emballer pour ce duo qui nous promet de belles réalisations futures.
L’EP de Tako Tsubo, Ghost Town, sortira le 7 mai. On peut déjà vous dire qu’il est très bon et que la chronique vous attend très bientôt !
F O S S E
Une live session qui nous électrise. Car différente, parce que le groupe lui-même est différent. F O S S E en effet propose une musique à la croisée de l’électro et de la chanson. Le résultat est ombrageux, par l’aspect rugueux de la musique, et romantique par le biais du chant sans apparat. Le contraste est saisissant, décalé, mais contre toute attente fonctionne de manière très convaincante. F O S S E, c’est un peu faire sonner LCD Soundsystem avec Dominique A. Le groupe propose donc un univers bien particulier, rien qu’à lui, et si tout le monde n’aime pas, ou si tout le monde aime, enfin bref personne ne restera insensible à la musique des Normands.
JASON BAJADA
Voici exactement le type de folk song dont on raffole. Une voix qui possède une personnalité propre, des arpèges lumineux de guitare, et des parties orchestrales qui apportent véritablement une consistance harmonique et mélodique au morceau (et non mis là pour faire simplement jolies). Avec Snake, Jason Bajada, un artiste canadien reconnu en son pays, mais trop peu chez nous, nous raconte une histoire d’amour poison, mise en scène dans un clip intimiste, pas démonstratif (donc pas là pour faire le buzz). On sent, dans l’interprétation, dans les mots, une sincérité criante, un art posé de la mélodie qui porte un propos, et une certaine évolution du titre qui oscille ainsi comme une vague, avec ses crêtes et ses creux.
Ce titre annonce l’album de Jason Bajada qui devrait sortir à la rentrée de septembre. Dire que l’attente va être rude est un euphémisme.
WORLD GOVERNMENT
Entre organique et électronique, World Government nous propose un titre en apesanteur, à la tension émotionnelle palpable comme une goutte d’eau s’abattant sur une fenêtre un jour de pluie. L’ambiance, très cinématographique, dégage une mélancolie poignante, qui ne va jamais jusqu’au point de non-retour mais qui impose un sentiment intime à qui écoute le titre.
On y ressent une peine concrète, mais aussi un vague sentiment d’espoir, presque épique, qui survient sur la fin. Ce titre en effet ne se repose pas sur cette unique expression mélancolique car il parvient à restituer une énergie proche du mouvement. Universel et intime, Rain, drops nous fait forte impression.
DEHD
Chicago est plus connu pour son blues que pour cette pop très british dans l’âme, pourtant c’est bien de cette ville dont sont originaires les membres de Dehd, groupe qui monte qui monte. On le comprend aisément avec ce très bon Stars qui nous met instantanément sur les rails pour affronter cette dernière journée de la semaine.
Pourtant, si la musique est plutôt sautillante et enjouée, le sujet du titre l’est en revanche beaucoup moins. En effet, selon Emily Kempf, il s’agit de « dépasser les limites de la compréhension de notre confort personnel » . Ainsi, le guitariste du groupe (Jason Balla) confirme « Quand je suis trop accablé et que j’ai l’impression que mon cœur va se briser à cause de toute la tristesse de ce monde, je vais faire une promenade. Les rues familières de la maison me ramènent sur terre« .
Une attitude terre à terre pour un morceau qui s’avère au contraire léger comme ces bulles de savon soufflées par des enfants. Ou comment garder son âme d’enfant malgré notre compréhension du monde et ce qui peut nous entraver au quotidien.
Ce deuxième single annonçant la sortie de l’album Blue Skies (sortie le 27 mai chez Fat Possum records) nous met dans d’excellentes dispositions pour découvrir l’univers du groupe.
COURCHEVAL
Morceau intrigant que ce Danse Courcheval Danse ! À la fois pop et hip-hop, il nous parle de ce que c’est d’être un homme. Il y est une question d’affirmation, d’émancipation. Il est une question d’humanité même. À la fois violent et doux, ce titre nous chamboule, tant ce cri intime, sous cette musique entraînante et divertissante (dans le bon sens du terme, car s’il fait danser, Danse Courcheval Danse ! reste ambitieux dans sa construction). Pour le reste, le mieux est de vous laisser découvrir la vidéo.
Hasard du calendrier, ce titre nous renvoie également vers le livre de Marc Meganck qui nous avait tant touchés. Tu seras un homme mon fils… Mais à quel prix ? Et selon quelles règles ?
FÉLIX
Après c’est quoi être un homme aux yeux de son père vient la question encore plus vaste de c’est quoi L’homme idéal. Avec pas mal de dérision, avec un texte un peu déconneur, le fond lui renvoie pas mal aux injonctions et à cette notion de perfection qui est aujourd’hui de rigueur sous peine d’être pendu haut et court. Et avec pas mal de talent, avec une pop joyeuse et enlevée, avec de petites incursions spoken word, Félix nous raconte sa rupture avec légèreté (et on le répète, avec bien plus d’intelligence qu’il n’y paraît). Forcément, nous on adore ! Et c’est parfait pour entamer le week-end. Que demander de plus ?