RÉFLEXIONS, en vrac, après un message posté sur un réseau social
Nous avons vu passer sur les réseaux un message du groupe Dampa qui nous a conduits à ces réflexions. Ce message a depuis été allégé d’un élément qui nous paraît pourtant crucial. en effet, le groupe, par pudeur, et c’est tout à son honneur, à décidé d’occulter que le peu élevé nombre d’écoutes de leur travail les a conduit à annuler un de leur show et à remettre en perspective l’existence de leur formation. Dans un secteur engoncé dans les sorties hebdomadaires, cela nous amène à nous interroger sur le modèle actuel de l’industrie musicale.
Trouver sa place.
Dampa, comme tant d’autres, se débrouille par ses propres moyens pour faire parler de lui, démarcher des dates, obtenir des papiers dans des revues, webzines etc. Comme beaucoup d’autres, il met du cœur à l’ouvrage, des moyens financiers, de la passion, de l’énergie. Comme beaucoup d’autres enfin, il en vient à s’essouffler, à perdre la motivation (nous n’allons pas les blâmer, nous sommes dans le même cas de figure).
Malgré tout, une question se pose, assez large, sur le fonctionnement de l’industrie musicale et son lot de « recalés ». Des groupes, il en arrive tous les jours régulièrement sur le marché. La production, en tout cas en France, est énorme, souvent qualitative, parfois moins, mais dans tous les cas, elle a le mérite d’exister. Or, de notre point de vue de rédacteur et de mélomane, nous posons quelques constats : certains genres musicaux sont ultra concurrentiels, et dénicher l’artiste ou le groupe différent revient à chercher une aiguille dans une botte de foin. Pendant ce temps, d’autres disques arrivent qui nous font crouler sous une demande à laquelle nous ne pouvons plus répondre. Alors, nous ne cherchons plus la perle rare.
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Dénicher THE groupe !
Comment dénicher celle-ci et comment notifier aux autres groupes, ceux que nous choisissons de ne pas être en avant dans litzic, que nous n’allons justement pas parler d’eux ? Une perle rare s’impose, c’est comme ça. Soit parce que sa démarche artistique saute littéralement aux oreilles, soit parce qu’une voix nous touche au cœur, soit parce qu’un texte est d’une telle fulgurance qu’il nous laisse K.O, soit parce que l’ensemble texte/voix/musique est d’une telle évidence, subjective, toujours, qu’on ne peut tout simplement pas passer outre.
Mais les autres groupes ? Prenons le cas de la pop, à tendance vaguement électro. On écoute une cinquantaine de groupes ou d’artistes de ce genre par semaine, et très peu ont une place sur litzic. Pourquoi ? Parce que, même si c’est bien fait, même si c’est sympa, il manque ce truc qui peut nous faire chavirer. Éconduire ces artistes (presque des artisans de la musique) est une chose délicate et très souvent désagréable, qui parfois nous peine tant nous sommes conscients de la difficulté pour ceux-ci de simplement exister. On essaye d’être sympa, de les encourager, mais comment le prennent-elles, toutes ces personnes qui se sont données du mal pour mettre au jour leur projet ?
Aucune réponse à vous donner sur ce point. Néanmoins, on pointe certains responsables de ce trop-plein de « consommables », en première ligne desquels figurent internet, les réseaux sociaux, et la surconsommation de musique. Ce n’est un secret pour personne, elle est devenue un objet de consommation de masse, phagocytée par des mastodontes ayant remplacé les majors en faisant pareille qu’elles, c’est-à-dire en tirant profit du travail artistique d’autrui pour s’engrosser comme des porcs (salut Spotify !). Arrive donc une surproduction dans certains genres (électropop, rap, pop tout court), un embouteillage monstre d’où personne ne ressort au final vainqueur.
Qui aurait déniché les Beatles aujourd’hui ?
Aujourd’hui, les Beatles ne seraient qu’à peine visibles au milieu de la production actuelle de musique. Comment un tel groupe pourrait-il générer une folle passion, identique à celle des sixties, à l’heure actuelle ? Soit il se ramasserait, comme bien d’autres, ou alors, parce qu’il est « au-dessus » de la mêlée, il aurait droit à un succès critique et populaire (plus ou moins relatif). Mais les autres ? À ramasser à la petite cuillère. Et c’est bien dommage.
Avouons-le quand même, les propos artistiques sont quand même devenus ultra-normalisés, ultra-calibrés, et très peu présentent une vision autre de la musique. Les démarches artistiques, dans certains genres, nous laissent plus que dubitatifs : même son, même production, mêmes textes au rabais, mêmes lignes de chant (nous allions dire tics de chant), la masse n’offre hélas que peu de chances aux « vrais » artistes de s’en extirper. Parce que, avouons-le et faisons en même temps notre mea culpa, on ne les écoute même plus vraiment, préférant l’évidence du coup de coeur au bout de 30 secondes d’écoutes, sinon quoi on zappe vers la proposition suivante.
Productivité, visibilité : tous perdants ?
Alors, le cas de Dampa nous amène à nous poser deux minutes sur notre rôle. Devons-nous, nous autres passionnés et mélomanes qui prenons le clavier pour donner nos avis, sans que personne ne nous ait rien demandé, et sans que grand monde au final ne s’y intéresse, aller dans cette surenchère et continuer à débiter des articles comme d’autres abattent la forêt amazonienne ?
En quatre ans d’existence, Litzic a publié plus de 2000 articles. Si on enlève les chroniques littéraires et autres « auteur du mois », on doit être, sur l’aspect musical, à environ 1400-1500 articles. Et que retenons-nous de cela ? Peut-être 20 ou 30 propositions vraiment différentes, novatrices, excitantes. Pour le reste, on participe à l’embouteillage, ce qui ne bénéficie au final à personne.
Dans la course à la visibilité sur les réseaux (quelle saloperie), on oublie les fondamentaux. Prendre le temps d’écouter vraiment un disque, d’essayer d’en parler bien, de dire à quel point sa musique nous touche. Forcément, plein de groupes ou d’artistes seront déçus que nous ne parlions pas d’eux. C’est le jeu, hélas. Mais sachez qu’ils ne sont pas moins bons que d’autres, que l’art reste très subjectif on le répète et que le succès n’est pas toujours synonyme de qualité (très loin de là ! On ne citera pas d’exemple hein Clara Luciani ?).
Que vous soyez auto-produits, avec ou sans attaché.e de presse, signés sur un label ou dans une maison de disques d’envergure internationale, vous avez des choses à dire. Faites-le avec le maximum de sincérité, avec personnalité, et sans doute cela vous sourira-t-il. Quant aux copieurs, on les remarque vite. Ne vous attendez pas à nos bonnes grâces. Quant à Dampa dont nous avions parlé jadis dans nos colonnes, on est de tout coeur avec vous.