HARMO DRAÜS/BEBLY/CUCAMARAS

Harmo DraüsHARMO DRAÜS, Misfits

Tout est histoire d’ambiance. Et celle imposée dès le premier titre de Misfits, nouvel EP d’Harmo Draüs, s’impose avec une force peu commune. Pour la faire simple, nous dirons que Harmos Draüs se la joue dreampop, shoegaze, ou dreamgaze pour condenser les deux termes, avec un soupçon d’électro (rythmiques, travail sur les nappes, certains arrangements). Pas de quoi casser trois pattes à un canard nous direz-vous, mais tout est histoire d’ambiance, on vous l’a dit. Et celle de ce disque s’avère captivante, rassurante à sa façon, pas forcément toujours optimiste ou rose, mais toujours est-il qu’elle nous scotche l’oreille et ne nous relâche jamais jusqu’à la fin du dernier titre.

Tout est ici nuances de graves, de basse, de son capitonnés, de ceux qu’on entend parfois juste avant de sombrer dans le sommeil. Ils nous bercent mais nous mettent aussi, paradoxalement, sur nos gardes. Car ici, le travail est d’orfèvre, loin de tous les groupes copié/collés que l’on ramasse à la pelle dans le genre. Ici, un vrai pari artistique est pris, celui de coller au plus près d’une émotion à fleur de peau. Comme pour se cacher d’elle-même, Harmo Draüs joue le maquillage sur sa voix, opte pour l’anglais (majoritairement) pour nous perdre davantage, mais jamais elle ne nous fait fuir ou ne nous abandonne.

Lent, méditatif ou contemplatif, son disque nous force en une transe délicate, en pur battement de cœur, en nappes multiples se contorsionnant sous les désirs de leur génitrice. Pour autant, les compositions ne sont pas toutes expérimentales, seules certaines d’entre elles possèdent ce grain de folie indescriptible qui montre une envie d’aller au fond des choses. Les autres compositions, plus « linéaires» (en principe, mais elles ne le sont pas totalement) permettent d’entrer dans Misfits en confiance. Cette confiance, Harmo Draüs ne la dévoie jamais et nous propose une vision à part de la musique et d’une expression de son moi intérieur inédite. Tout pour nous plaire en somme.

BeblyBEBLY, Coriace

Voici un titre d’EP qui porte à la fois bien et mal son nom. La définition de Coriace est la suivante : dont on peut difficilement vaincre la résistance. En effet, ce nouvel EP de Bebly impose une certaine résistance, notamment en ne proposant aucune véritable rythmique, autre que celle d’une guitare et d’une voix. Épuré, le disque dégage néanmoins ses charmes toxiques en déroulant des mélodies addictives et des textes à l’os. Si Bebly est Coriace, il en vient lui-même à terrasser ses propres résistances en se livrant à cœur ouvert sur ses textes.

Rien d’exhibitionniste ici, mais une mise au point sur les sentiments qui l’habitent. En français dans le texte, il n’y va pas par quatre chemins et délivre une poésie directe, sincère, désarmante. La musicalité des mots recouvre parfois celle de la guitare et des divers arrangements qui l’auréolent, nous plongeant en dedans de nous-mêmes pour y puiser un peu de soleil, mais infime. Pourtant, Coriace ne s’avère en aucune manière déprimant car il règne sur les cinq titres une idée combative, celle de ne pas se laisser submerger, de continuer à avancer coûte que coûte, peu importe comment. En tout cas, ne jamais rester immobile et évoluer (à la fois artistiquement et en tant que personne).

En forme de paradoxe, Coriace s’avère à la fois relativement rugueux mais aussi terriblement doux. Le message séduira ceux qui aiment être bousculés, les musiques un peu rocailleuses et désertiques, mais surtout tous ceux qui désirent rencontrer des artistes à part, ayant choisi une voie escarpée pour aller au plus près de leur âme. Et de la partager avec honnêteté et talent. Bebly fait partie de ses songwriter qui méritent d’être plus largement connus qu’ils ne le sont.

Cucamaras Buck Rogers timeCUCAMARAS, Buck Rogers Time

Le groupe anglais nous revient de sa perfide Albion pour nous propulser dans son post punk et sa véhémence première. Le chant, majoritairement scandé, ou au pire bien tranché, contraste avec la basse, ronde et puissante, épaulée par une batterie que l’on ne peut jamais prendre en défaut. Le tout dégage un groove sexy que les guitares, affûtées, viennent perturber par leur énergie incandescente. Elles relancent la mécanique à chaque moment de répit, mais n’enlèvent rien à la tension de certains moments plus calmes.

En cinq titres, Cucamaras ne fait que renforcer tout le bien que l’on pense d’eux, notamment parce que leur musique évolue, s’imprègne de couleurs plus pop que sur leur précédent opus, délaissant le pur post punk (voire punk tout court, du moins dans l’esprit) au profit d’une musique plus métissée, mais toujours très rock dans ses contours. Mais ici, nous nous surprenons à ressentir un petit courant d’air romantique, notamment sur Coton Wool.

Pour le reste, le groupe alterne douceur et fureur avec un art bien pesé de la mélodie qui fait mouche. On pense parfois à Squid, notamment dans la manière de chanter de Joshua Hart, mais la comparaison s’arrête là tant les deux formations jouent sur des tableaux différents. En optant pour une certaine sobriété, Cucamaras évite les stéréotypes et délivre un EP qui nous fait espérer un album complet dans des délais raisonnables, parce qu’un tel talent se doit d’être présenté en format long (il est frustrant, en effet, de s’arrêter à 5 titres tant l’on s’immerge dans Buck Rogers Times. Encore un peu de patience donc…

Patrick Béguinel

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