BIPOLAR CLUB, Vertigo
Deuxième EP disponible le 03 mars
Faut-il être bipolaire pour être un artiste accompli ? Eminem, Kanye West (et bien d’autres) le sont, paraît-il, avec la carrière que tout le monde leur connait. Mais quid des membres de Bipolar Club dont le nom de groupe fait penser à ce trouble de la personnalité ? Aucune idée. Toujours est-il qu’avec Vertigo, leur deuxième EP, ils creusent un peu plus avant la folie, bien carénée, de leur musique.
Celle-ci ne manque pas de douceur. D’ailleurs, elle désarçonne d’emblée avec le morceau qui donne son nom à l’EP. Au point que l’interrogation affleure : est-ce toujours le même groupe que celui qui avait pondu un premier EP revêche et totalement bicéphale ? Fort heureusement, la rugosité du rock de Bipolar Club ne tarde pas à ressortir les crocs après une première partie de morceau presque atmosphérique, rassurant immédiatement les attentes. Ils ont toujours cette hargne bien particulière qui avait fait mouche sur leur premier exercice.
Ici, les mélodies sont peut-être plus abouties, plus clairement dessinées. Mais qu’à cela ne tienne, les distorsions ne sont jamais bien loin, tout comme ce regain de tension, mélange de fureur et de colère qui, immanquablement, cloue au plancher (cela se ressent notamment sur la lourdeur des coups de baguettes sur les fûts). Du rock, le groupe garde les ingrédients principaux (guitare basse batterie chant) mais y incorpore un soupçon de tendresse. Celle-ci se ressent un peu plus dans la production, laquelle met les petits plats dans les gros.
En résulte un soupçon d’énergie à la Black Rebel Motorcycle Club, un chouïa de psychédélisme hyper discret néanmoins palpable, ainsi qu’un tout nouveau groove, plus sensuel que sur l’exercice précédent.
Des titres efficaces.
Les 5 titres de l’opus sont hyper efficaces, gagnent en cohérence à la fois au cours du disque mais également par rapport au précédent opus, quand bien même Bipolar club jongle allègrement entre français et anglais. Dans les deux cas, la langue est belle, l’anglais ne servant aucunement de cache misère aux textes en français. Et si la langue est belle, elle reste musicale, de bout en bout. Le groupe évolue également en ce sens, pour un maximum de plaisir à l’écoute.
Les structures évolutives et immersives permettent de se fondre corps et âme dans l’univers de Vertigo. Très dur de rester immobile et insensible face à l’intensité qui se dégage des compositions. Le corps est mis à contribution, non seulement par l’implication des musiciens qui donnent l’impression d’un disque enregistré live, mais également par ce que l’électricité, parfois contenue, délivre de décharges sur l’organisme.
Une réussite
Quelques pointes « punk » apparaissent ici ou là, de la poésie également (sur Océan notamment), voire les deux en même temps. Le « no future » n’est jamais loin, mais toujours de façon équilibrée, jamais caricaturale, ce qui ne manque jamais d’émouvoir. Pourtant, l’ensemble reste purement rock, nuancé dans les rythmiques et les relances, capable d’accalmies romantiques (dans le sens sombre et post punk/cold wave du terme) et de déferlements de rage froide (aux antipodes d’une production parfois rugueuse mais toujours relativement chaude).
Ce deuxième opus s’avère donc une évolution dans le prolongement et nous prouve que Bipolar club en a encore sous la semelle. L’album semble être la prochaine étape pour ce groupe qui nous étourdit par sa mainmise technique et mélodique. Une belle promesse d’avenir qui ne demande qu’à se concrétiser de façon pérenne.
Patrick Béguinel