[ ROMAN ] CHRISTOPHE SIÉBERT, Métaphysique de la viande

Métaphysique de la viande, recueil de deux romans de Christophe Siébert, paru aux Éditions Au diable vauvert.

Il y a des livres comme ça qui n’appartiennent à aucune catégorie distincte. Métaphysique de la viande de Christophe Siébert en fait parti. Parce qu’il dynamite les frontières avec une plume magistrale qui s’intègre dans des histoires sombres, violentes, aux limites de la raison.

Nuit noire.

Le premier roman de ce recueil en contenant deux s’appelle Nuit noire. Nous y suivons la vie du narrateur à travers le journal qu’il tient. Dans celui-ci est consigné toute une partie de sa vie, du moins celle qu’il a voulu que nous retenions de lui. Au programme de ce bazar de l’épouvante : inceste, meurtre, possession démoniaque, traque et viol. De quoi rebuter ceux qui considèrent que la littérature, c’est Guillaume Musso et consorts.

Le narrateur est un être dénué de morale, ou plus exactement dont la morale n’est pas la nôtre. Témoin du suicide de son père, il semble étrangement dénué de sentiments par rapport à celui-ci. Sociopathe ? Sans doute un peu, oui. Sa mère, plongé dans le marasme suite à cette pendaison perd à moitié la boule, entre alcool et cachetons, puis se rabat sur son fils concernant toutes ses affaires sexuelles. Il n’a que 9 ans mais commence déjà à coucher avec sa mère, à l’aide d’un gode ceinture. Il sent bien que quelque chose n’est pas normal, mais laisse faire, jusqu’à sa première naissance, celle où il assassine sa mère, où il la décapite (il violera cette tête plusieurs fois), puis dont il mange certaines parties du corps. Cela n’arrive pas par hasard. Il prenait déjà soin de tuer des animaux errants dont les cadavres jonchaient le sol de son sanctuaire, établi en forêt. Suite à cet acte, il est confié à sa grand-mère, dont il violera le cadavre (et mangera également certaines parties du corps).

Ces deux actes l’entraîneront à en commettre d’autres, pour se venger de camarades de classes peu sympathiques, puis des meurtres d’inconnues qui finiront eux aussi dans un sanctuaire, celui résidant dans la maison familiale. Il écrit ses mémoires, en quelque sorte, avant de mourir de la syphilis.

Paranoïa.

Ce roman noir est le second de Métaphysique de la viande. Nous y suivons le parcours de plusieurs personnages, voués à une existence chaotique. Certains depuis leur plus tendre enfance, d’autres sur le tard. La trame de l’histoire est que les êtres humains sont vidés de leur corps pour être remplacés par des robots. Le tout sous forme d’enquête policière virant à l’obsession… et à la paranoïa. Preuve que le nom de ce deuxième roman n’est pas usurpé.

Au programme ici aussi, viol, accouplement avec un crapaud géant, visions d’enfer, implantation d’intelligence artificielle, meurtre, mais le tout sous forme d’enquête policière désespérée. Sans vouloir entrer dans le détail de cette histoire hallucinée, nous dirons juste que nous sentons dans la trame de ce roman une sorte d’affiliation au roman de Burroughs Le Festin nu, tant la succession de saynètes, au début du livre, nous donne cette impression kaléidoscopique à laquelle nous ne comprenons pas forcément grand-chose. Les pièces du puzzle finissent pourtant, comme par magie, à s’assembler et à délivrer le fin mot de ce conte fantastique plongé dans une marmite d’horrifique.

Les questions que pose Métaphysique de la viande.

Ces deux ouvrages nous interrogent sur plusieurs éléments. Dans le premier, nous voyons comme une sorte de démonstration des mécanismes psychologiques à même de faire basculer un être dans le meurtre. La psychogénéalogie y est évoquée de façon plus ou moins évoqué, notamment dans une partie du roman venant expliquer l’histoire familiale sur plus d’un siècle. La psychogénéalogie, pour ceux qui ignoreraient ce dont il s’agit, est l’analyse transgénérationnelle s’appuyant sur l’étude de l’arbre généalogique de l’individu pour mieux expliquer et apaiser ses angoisses (définition trouvée dans un article de L’express ). Autrement dit, toute cette violence serait innée chez le narrateur de par le passé tumultueux de ses aînés.

Pourtant, ce personnage possède une logique qui lui est propre, erronée du début à la fin, mais qui suit une ligne droite qui semble tracée d’avance. Il nous explique ces crimes et son appartenance à Anteros, un démon auquel il voue allégeance et qu’il veut rejoindre dans sa mort.

Les rouages de la paranoïa.

Dans Paranoïa, il est également question de psychogénéalogie, de façon beaucoup moins appuyée, mais surtout de transfère d’identité dans des corps devenus machines. Ce thème rejoint celui de la science-fiction d’une certaine manière, même si ici il est traité d’un point de vue paranoïaque. Les rouages de cette maladie sont démontrés subtilement au fur et à mesure de la mise en place de toutes les pièces du puzzle. Le caractère inéluctable de cette histoire, correspondant à l’annihilation de l’espèce humaine par des machines, ne fait aucun doute, mais le crescendo lui est bel et bien là, avec force démonstrations mathématiques.

Le héros rédige lui aussi son journal pour tout y consigner, démontrer qu’il n’est pas fou, même si au final, paranoïa oblige, nous finissons par douter que ce narrateur est bien ce qu’il prétend être, qu’il n’a pas simplement un pet au casque quoi. Dans cette histoire comme dans Nuit noire, la plume de Christophe Siébert ne laisse aucune place à l’approximation. Elle est aussi légère que peuvent être lourd les sentiments ou les actes des protagonistes des deux romans. Ce décalage entre la pureté de la plume et le caractère impure de ce qu’elle décrit joue un rôle important dans l’ascenseur émotionnel que nous ressentons.

Autrement dit, notre cœur, et nos boyaux, font des bons, tant les émotions contractées peuvent être aux antipodes. Colère, malaise, abattement, résignation, dégoût, compréhension également, toutes ces sensations nous saisissent à la gorge et nous interrogent en creux sur nous-même, et à plus vaste échelle sur nos sociétés dont nous pouvons voir en filigrane certains excès. Métaphysique est donc un bouquin à déguster saignant, il va sans dire.

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On pense forcément à Luna Beretta en lisant Christophe Siébert.

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