UTO, Touch the lock (InFiné/Pain Surprise)

UTO Touch The Lock1er album magistral (disponible le 26 août)

UTO nous avait percuté il y a plusieurs mois de cela avec un de leurs premiers morceaux (Black, en janvier 2019, titre issu de l’EP The night is due, paru quelques semaines plus tard, en avril)). Le verbe percuter n’est pas choisi par hasard tant la musique du duo composé de Neysa May Barnett et Émile Larroche possède une aura bien à elle, différente de ce que l’on peut retrouver dans une concurrence pourtant souvent inventive et maline. Mais UTO, avec son premier album Touch The Lock semble les surpasser d’une tête.

Il faut avouer que ce disque, nous l’écoutons en boucle depuis un moment. Et à chaque écoute, nous sommes stupéfaits par ce qui fait leur force, un mélange d’expérimentations électroniques et de mélodies pop, un condensé de sons synthétiques et d’aspects analogiques terriblement humains. Enfin, et ce n’est pas la moindre de leur qualité, leur musique flirte avec un côté accessible, qui pourrait être grand public si le niveau d’exigence des compositions se la jouait « flemmard ». En ce sens, on pense à un album comme Black Cherry de Goldfrapp.

Il n’y a pourtant aucune trace de flemme ici tant les structures sont complexes, jouent à la fois sur les rythmes, les ambiances et les tessitures étranges. Le charme dégagé s’avère enjôleur, magnétique, même si, aux premières écoutes, nous nous posons la question de savoir comment nous parviendrons à trouver la sortie du labyrinthe qu’est Touch The Lock.

Narration accidentée.

Il faut dire que la narration, ici, n’est jamais linéaire. En effet, chaque titre se démarque de son précédent et de son suivant, mais nous leur trouvons néanmoins une certaine continuité. Par exemple, Souvent Parfois, morceau incroyablement dense par ces parties vocales s’enchainant les unes aux autres, donnant par la même occasion une impression de polyphonie (une des spécialités du groupe sur l’album), se situant en troisième position sur le disque, trouve une sorte de cousin avec This New phase, se trouvant lui en neuvième position, mais qui reprend presque le même fonctionnement vocal.

Entre ces deux morceaux, des ambiances totalement différentes, parfois extrêmement dansantes (À la nage, titre le plus pop et léger de l’album), parfois d’une noirceur profonde(Steps the Dark, Take It All), voire romantiques (Behind Windows) et cinématographiques (Heavy Metal). On retrouve, également, par touches, ces éléments dans des univers plus urbains , avant des plongées vers une forme d’ambient inspirée (les deux derniers titres du disque s’en rapprochent d’une certaine manière).

Notre oreille se trouve donc propulsée dans un flipper sonore, rebondissant sur différents obstacles (changements de rythme, pauses, accélérations…), changeant brusquement de direction mais finissant toujours par retomber au bon endroit au final. Les émotions dévoilées sont contrastées, mais évitent les excès. Ainsi, si une mélancolie semble sur le point de nous sauter au visage, elle s’amoindrit par un aspect nostalgique bienvenu. Idem pour la joie, qui n’est jamais béante, simplement esquissée. Comme si, par pudeur, le duo suggère les choses plus qu’il ne les impose.

Jeu de serrures, de portes.

Ainsi, il convient, pour pénétrer dans l’univers du groupe, de posséder les bonnes clés. Forcément, UTO ne nous les donne pas, c’est à nous d’aller les chercher. Quelques écoutes sont donc nécessaires afin de se familiariser avec le disque, le temps que la surprise générée par chaque nouvelle plage retombe. Ces écoutes répétées ne sont en aucune façon rébarbatives, car dès Délaisse, qui ouvre l’album, nous sentons une force qui indique clairement que ce disque n’est pas n’importe lequel.

Osant les passages parfois minimalistes avec un jeu mélodique ou harmonique des plus stimulants, modifiant nos perceptions tout en nous guidant sur ce chemin inconnu, UTO impose son style avec une force et une maturité rare. Rien n’est laissé au hasard, et même si les titres ne se ressemblent pas, il apparaît que le disque est d’une grande homogénéité et cohérence.

En deux parties (la première, plus légère, la seconde plus oppressante), le disque ne se perd jamais en chemin. Comme parsemé de petits cailloux nous permettant de rentrer à la maison sans nous égarer dans la forêt de leurs idées, Touch The Lock, malgré son ébourrifante inventivité, reste étrangement accessible.

Sans doute parce que le duo possède un son bien à lui, probablement parce qu’il synthétise une somme d’émotions humaines qui, forcément, parle à chacun d’entre nous. Ce disque n’est pas une révélation (les premiers titres que nous avions entendus d’UTO laissaient déjà présager de cette personnalité complètement à part) mais bel et bien une confirmation du génie de ce duo. Un véritable bijou qu’il faut absolument écouter et adorer.

LE titre de l’album.

Il est difficile de nommer, par ses qualités intrinsèques, un morceau en particulier. Ainsi, nous laisseront simplement parler notre émotion. Pour nous, le morceau le plus enivrant serait Behind Windows. Peut-être parce que c’est sur ce titre que la voix d’Émile, souvent en appui de celle de Neysa, dans les choeurs ou légèrement en retrait sur pas mal de titres, trouve une place un peu plus centrale. Mais plus probablement parce que ce titre est le plus romantique et ressemble à une déclaration d’amour ne ressemblant pas à une déclaration d’amour (comprenez ce que vous voulez, mais nous, on kiffe le titre).

Éthéré et minimaliste, il semble en suspension là où son prédécesseur (Heavy Metal) et son suiveur (Steps Ine The Dark) sont plus lourds (et on kiffe beaucoup ce petit côté « orgue de barbarie » sur la partie chantée par Émile). Mais on adore aussi À la nage et Full Presence, ou Délaisse, voire Raw Paddle. De toute manière, objectivement, chaque morceau de l’album possède sa personnalité, qui s’accorde à nos humeurs. Bref, un très grand album !

NOTA : UTO Sera sur la scène de Rock En Seine ce jeudi, 19h55 scène Île-de-France. À ne manquer sous aucun prétexte !

Patrick Béguinel

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