TH DA FREAK, Coyote

coyote Th Da FreakUn cran au dessus.

Le nouvel album de Th Da Freak, paru il y a quelques semaines sur le label Flippin’ freaks tape dans le très haut de gamme. Au programme, mélodies chargées en émotion, pop songs redoutables d’efficacité, un caractère totalement attachant, addictif. Coyote ressemble à s’y méprendre à la grande œuvre d’un groupe mature.

Tout commence par un titre qui fleure bon un certain esprit américain type campus/indé. Petite ritournelle à la guitare, de celle qui s’incruste, tenace, dans un coin de votre cerveau et ne veut plus jamais en sortir. Les voix, douces (celle de Thoineau Palis, le leader, mais également celles de ses acolytes aux choeurs), ne manque pas de véhiculer un spleen nostalgique lumineux et tendre. Killing bleach rompt littéralement avec le côté slaker du groupe, celui-là même exprimé dans les précédents opus, eux aussi géniaux, du groupe.

Magaly should run enfonce le clou. Chanson post-adolescente dans ses atours, marquant peut-être ce passage à l’âge adulte tant redouté/critiqué/mal vécu par tant d’entre nous, la chanson marque par son caractère mélancolique plein d’un romantisme touchant. Gros travail sur le chant et les harmonies et arrangements vocaux. La mélodie y est, une nouvelle fois, un modèle du chant.

Virage pop somptueux.

Ce que l’on pressentait sur le premier titre se confirme. Le groupe a bossé et façonné le son de cet album comme un personnage à part entière. Il nous entoure de ses bras accueillants, confortables, mais quelques éléments pleins d ‘inventivité évitent de sombrer dans un cliché mille fois entendu. Le groupe, déjà, survole la concurrence.

Come rescue me in the forest dégage toujours ce petit côté nostalgique, mais sur un tempo plus rapide, renouant, presque, avec le côté rock indé 90’s des précédentes productions du groupe. Mais une fois encore, il se réinvente par la façon dont la composition déroule son motif. Nous y sentons toujours un soupçon de mélancolie, un autre de romantisme, une mise à nu pleine de pudeur qui fait que, sensibles ou pas, nous nous projetons facilement dans cet univers. Pretty cool nous marque par l’ajout de cordes, marquant une évolution stylistique surprenante de ce groupe jusqu’à présent à guitares qui s’acoquine désormais à une pop somptueuse sans avoir à rougir d’aucune comparaison.

Avec Pretty cool nous aurions pu croire au rock garage retrouvé du groupe, mais le contrepied, vraiment « pretty » cool, nous embarque sans forcer dans une pop song raffinée, adulte, à la production élégante. Cet album, décidément, nous surprend et nous charme au-delà de toute attente.

Retour au rock d’antan.

Notorious man renoue en revanche avec le côté slaker du groupe. Se bousculent au portillon Nirvana et Eels, pourtant c’est bel et bien Th Da Freak qui œuvre. A la mi-album, les freaks pivotent légèrement coté rock, mais toujours avec ce soucis du détail qui fait mouche. La production, plus axée garage, ne tranche pourtant pas littéralement avec l’esthétique jusque-là mise en place. La cohérence est au rendez-vous. Cependant, Notorious man, qu’on pressentait explosif, reste bloqué dans ses starting blocks, déjouant avec malice les pronostics et toute idée préconçue. Le groupe ne sera jamais là où nous l’attendons et donne à Coyote ses lettres de noblesses.

Ballade guitare folk voix, sur laquelle se pose bientôt un violon inspiré, Please don’t cry in my arm est à fendre le cœur. La voix, plus nue que sur la première partie du disque, est criante d’une vérité universelle. Nous y sentons l’émotion, une sincérité sans fard et pleine de retenue qui ne peut que nous toucher au plus profond du cœur.

Un moment dégarement ?

Grosse surprise avec No future. Là où le titre aurait pu laisser entendre des attaques keupons, c’est plus vers Blur et Daft Punk que se tourne Th Da Freak. Surprenant autant que réjouissant, le groupe se projette dans un univers à mille lieux de ce que nous lui connaissions. Néanmoins, ce titre tranche littéralement avec l’esthétique générale du disque, marquant pour ainsi dire une transition entre le début du disque et la fin de celui-ci. Comme une récréation, ce no future montre que le groupe possède dans sa besace des éléments susceptibles de préfigurer un autre album détonant.

Retour à une certaine normalité avec My queen. Pop jusqu’au bout des ongles, le titre marque par son chant relativement haut perché. Même sentiment enveloppant, peut-être légèrement brumeux, ce titre nous embarque sur un fleuve moins paisible qu’il y paraît. Avec son passage presque bruitiste, il retourne la barque de nos certitudes et relance la machine pour les trois derniers morceaux du LP, toujours avec cette flamme romantique qui sera bel et bien le fil conducteur de cet album de la maturité, aux arrangements terriblement sexy et aux compos redoutablement roublardes, même si relativement classiques dans la forme (preuve qu’on peut surprendre avec une base globalement couplet refrain pont).

Un finish de grande classe.

Coyote, chanson titre, déboule avec une grâce absolue. La voix de Thoineau Palis y est, une fois encore, nue, touchante, admirable de sincérité. Elle nous porte les larmes aux yeux en se posant comme une plume sur le moelleux des instrumentations. La production, une fois encore, est somptueuse, et le titre, comme une confidence soufflée dans le creux de l’oreille, nous place au plus près de ce songwriter plein de nuances. C’est simplement superbe et ce titre s’impose comme étant le meilleur de l’album. Judicieusement placé en fin d’un album tout sauf monotone, il impose sa majesté sans ostentation et montre que Th Da Freak a tout d’un (très) grand groupe !

La fin d’album se compose de deux titres où l’ombre d’un certain Syd Barrett se place sous les projecteurs. En effet, si jusque-là elle restait gentiment en retrait, presque invisible, l’entame de The call la projette en pleine lumière. Comme une évidence que nous n’avions pas nommée, c’est bien celle du leader de la première mouture du Floyd qui semble être l’inspiration (consciente ou inconsciente) du disque, simplement par cette capacité à proposer une pop définitive, instantanée, enivrante, d’une simplicité/efficacité confondante. Car simplicité ne rime, sur Coyote, jamais avec simplisme. Et cette fin d’album, et tout ce disque, le prouve de façon magistrale.

Thoineau Palis parvient en effet à accrocher l’oreille dès le premier titre jusqu’à ce Sail away sans que nous ayons l’envie de zapper le LP pour un autre. L’évidence est là, toutes les chansons du disque sont d’une beauté inédite et démontrent un certain génie dans l’art d’écrire des chansons qui font mouche instantanément. Mieux, chaque morceau de ce disque possède le potentiel d’un single en puissance, sans jamais, pour autant, être racoleur ou chercher à sonner tendance (au contraire, rien ici n’est dans l’air du temps, sans pour autant sembler anachronique). Décidément, Th Da Freak n’a pas fini de nous surprendre et impose Coyote comme le disque de cette deuxième moitié d’année. Un must have !

Patrick Béguinel

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