OISEAUX TEMPÊTE, WHAT ON EARTH (Que Diable)

oiseaux tempête what on earth (que diable)Déjà disponible chez Sub Rosa / NAHAL Recordings

Jamais musique ne s’est faite aussi obsédante. Pourtant habitués à produire des disques qui brûlent l’épiderme, Oiseaux Tempête parvient avec son nouvel album What on earth (que diable) à hausser son propos à un niveau stratosphérique, celui qui met l’émotion à nu et terrasse tous les préjugés. Car avec son post rock teinté d’ambient crépusculaire, parfois ethnique, le groupe nous plonge une nouvelle fois là où bat le cœur du monde.

Ce monde, il peut être incroyablement vaste et beau, multitude de paysages et de lieux, multitudes de visages et de combats, ou incroyablement petit et chimique, siégeant quelque part à la croisée de la conscience et de l’inconscience, du ressenti, de la vision intime de ce qui anime chacun d’entre nous.

L’âme a nu.

Peu de paroles jaillissent pourtant de ce disque. Celles qui le font sont parfois incompréhensibles (un dialecte africain ou arabe, peut-être, sur le morceau de bravoure The crying eye – I forget, un sommet magistral du disque) ou auréolées d’une poésie mystico banale et quotidienne ( A man alone in a one man poem, sublimé par la voix toujours expressive de G.W Sok, mais toujours elles portent en elle un souffle de vie incompressible, incorruptible et incommensurable.

Derrière, la musique déroule ses charmes tentaculaires, vénéneux, sombres, progressifs ou ambient. Un bourdon donne le ton, souvent. Il impose sa charge de mélancolie, de doute, peut-être même de peur, puis se décline, évolue, mue pour mieux nous prendre par la main et porter notre cœur à la bouche.

Le pouls de la vie.

Un beat discret l’accompagne. Un beat battement de cœur, régulier, métronomique, qui n’accompagne pas une montée d’adrénaline que l’on ne peut expliquer. Oiseaux Tempête parle par-delà les mots, s’exprime directement à notre âme, à nos peurs enfantines, à celles, encore plus terrifiantes d’adultes au bord du gouffre qui se précipite devant nos yeux passifs, à notre cœur. Il paraît que la peur est une émotion saine. Ici, elle terrasse, dresse un portrait que l’on est apte à juger de terrifiant comme de magnifique. Quand la batterie s’envole, la libération guette et nous projette dans un combat épique entre l’homme et lui-même.

Des images naissent, de désastres écologiques ou sociaux, de guerres, de fuites pour la survie, mais aussi de naïveté, de croyances positives, de foi en l’humain, bref d’un semblant d’espoir. Si le disque oriente ses pensées vers une forme de terreur, sourde, grondante ou ronronnante (celle d’un tigre au repos), il laisse parfois filtrer une lumière subliminale, celle qui réchauffe les os écorchés et les âmes en perdition.

Les drones et synthés s’en donnent à cœur joie, dans un minimalisme inquiétant souvent, du genre de celui que l’on ressent parfois en regardant un film d’horreur psychologique. Car ici, tout fait résonner une part de nous, enfouie, qu’on évite bien souvent de pointer en plein soleil, une part de ténèbres intimes qui pourtant peut exprimer un peu, au-delà des mots toujours, qui nous sommes en dedans.

Une sensation d’urgence.

Les sirènes vibrent par le biais de stridences électriques de guitare, notre pouls s’accélère, le pouls des morceaux, lui, reste constant, froid et magnétique. Pervers. Car beau à se damner. Car ici, c’est avant tout la beauté sans fioritures qui s’abat sur nous, celle d’un abandon total à ce que l’humanité porte en elle. C’est un cri de vie, parfois suppléé de pleurs de saxophone ou de violons, parfois suppléé de lamentations sans âge, ni sexe, ni nationalité (donc les englobant toutes et tous).

Il est dur d’être raisonnable à l’écoute d’un tel disque car What on earth (que diable) n’a rien de rationnel, si ce n’est sa construction et la science de ses arrangements. Il est aussi réfléchi qu’instantané, autant cérébral que viscéral, autant salutaire qu’entravant. Il est simplement une façon d’imaginer la musique, de créer des mots par des notes, de créer des images par les sons, et d’émouvoir par son apparente simplicité (qui n’en est absolument pas une).

Derrière ce nom de groupe se cachent des musiciens ( Frédéric D. OberlandStéphane Pigneulet , Mondkopf , tous trois à la composition et mutli-instrumentistes, mais aussi aux voix Ben Shemie (SUUNS), G.W.Sok (The Ex) et Radwan Ghazi Moumneh (Jerusalem In My Heart), aux percussions Jean-Michel Pirès (Bruit Noir) et aux cordes électriques Jessica Moss (Thee Silver Mt. Zion)) au cœur d’un monde qu’ils comprennent sans doute mieux que beaucoup, et sans doute aussi qu’ils ne le comprennent pas du tout. Car l’humanité est ce mélange d’individus remarquables et d’actes odieux, d’un singulier touchant et d’un pluriel révoltant.

What on earth (que diable) en est, en un sens, l’expression la plus absolue qui soit. Et c’est magnifique à en pleurer.

Patrick Béguinel

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