MOONKIDDO, On a silver edge

moonkiddo on a silver edgepremier album disponible le 24/03

On a silver edge est un album tendre. De sa pochette aux teintes pastel évoquant un paysage côtier aux premières sonorités de Silver Edge, morceau ouvrant le disque, tout est fait pour nous bercer dans un univers folk, pop, électrisé par moments pour s’acoquiner avec un rock aérien. Moonkiddo joue donc la subtilité et la complicité. Pas étonnant car ce couple, s’étant rencontré à l’adolescence et qui doit encore y avoir des attaches tant sa musique projette autour d’elle ce halo bien particulier des premières fois, se livre avec élégance dans ce disque aux nuances arc-en-ciel.

D’un côté, il y a Véronique Lechat, qui pose sa voix, lunaire, sur des textes vaguement mélancoliques, portant en eux une lueur diffuse, comme celle émanant de la lune quand elle est pleine. De l’autre il y a Julien Omé qui, multi-instrumentiste, disperse aux quatre vents des veloutés d’arpèges, un minimalisme qui comble chaque interstice possible du monde vivant par une précision et une ampleur pleine de ferveur.

Rien ne s’avère écrasant. Pourtant, tout impacte qui écoute, par la pertinence d’une basse, d’un banjo, ou d’une ligne de chant d’une redoutable efficacité. Il serait facile de croire que ce disque a déjà été fait un millier de fois, pourtant, il garde cette saveur de la toute première (fois). Avec un début d’album qui laisserait à croire à un concept, Moonkiddo nous place dans son intimité, dans sa singularité, sans jamais nous lâcher en cours de route. Et nous dévoile un univers lumineux, par moments ténébreux, comme ce fameux caractère propre aux adolescents, perdus quelque part entre rêves enfantins et réalités adultes.

Au commencement.

Tout débute avec Silver Edge donc, pièce pop folk qui pose les bases de l’album. Sonorités en grande partie acoustique, voix féminine aérienne, art de la rythmique, tout laisse déjà présager d’un album à la fois méticuleusement préparé, joliment ouvragé, mais également intime, de cet intime qui s’avère universel puisque chaque titre dégage un sentiment de proximité qui fait mouche. Néanmoins, l’aspect ensoleillé et presque insouciant du premier titre laisse place, sur Tough man, Shimmer et Tiny Lucy à une trilogie un peu plus marqué par la mélancolie et quelque chose de plus ténébreux, voire torturé.

Reprenant certains éléments communs, ces trois titres se lient entre eux par la grâce d’instrumentations indépendantes mais pourtant similaires. Proposant un crescendo progressif qui, dans ces derniers lacets, envoie une rythmique proche de certains canons transe (quelle montée en puissance, qui ne perd en revanche jamais ce caractère intimiste), Tough man apparaît comme le titre phare de l’album. Shimmer, tout en tension électrique, et Tiny Lucy, en mode banjo/guitare/voix complète la donne et nous laisse quasiment avec un goût de terre dans la bouche.

Spaces joue lui, sur l’espace et la redondance de son thème. Le titre tournoie, berce, nous fait quitter, par son caractère presque hypnotique, nos repères. Jouant certainement un rôle d’interlude, comme pour nous faire quitter la trilogie précédente, il pourrait amener à penser à une suite plus ensoleillée. Ce n’est pas totalement le cas, notamment parce que Let Me, morceau doux et introspectif, à l’émotion contenue dans une main de velours, parvient à nous émouvoir par la tendresse qui en découle.

Des instrumentations délicates.

Avec ses choeurs, avec ses arrangements tout en nuances, ce titre, qui a tout d’une comptine, nous amène presque sur les rivages de cette pochette pastel. Ce titre, le seul composé par Véronique, joue la sobriété et ça lui convient parfaitement car il est l’un des plus beaux titres du disque. Si les éléments acoustiques prédominent, il faut tout de même dire que l’électricité est bel et bien présente, voire même l’électronique sur certaines rythmiques. Ainsi débute And Light, qui pourrait, mine de rien, tendre vers une certaine esthétique post punk/cold wave. L’effet est saisissant et prouve que le duo (formidablement accompagné par des musiciens que l’on sent totalement en phase avec le projet) ne se repose jamais sur ces acquis.

On pense, en les écoutant, à des artistes incontournables, comme Sufjan Stevens, ou Nick Drake, tout comme on pense à Syd Matters pour cette élégance jamais chichiteuse. Les compositions ramènent souvent vers une forme d’onirisme discret, qui ne manque jamais de nous séduire, autant sur le fond que sur la forme. Sans être totalement révolutionnaire, On a silver edge n’est pour autant jamais « déjà entendu », tout cela grâce à un travail sur les sonorités « cocon » et à des compositions mouvantes.

La balade Some Heros marque les esprits par sa grâce lunaire. Sans jamais négliger le rythme, qu’il soit mis en avant ou plus en retrait, laissant le groove des compositions prendre le dessus, Moonkiddo ne relâche jamais la tension (ni l’attention). L’album à aucun moment ne lasse. La variété de ces thèmes et mélodies permettant en effet de casser tout ronron, ce qui ne peut qu’être totalement bénéfique à l’écoute.

2022-05-13 Creteil Atelier Sous Reserve – Moonkiddo – Veronique Lechat – Julien Ome ©gaelic69

Une fin hors sol.

Avec Some Heros, Venus et Night is over, Moonkiddo achève son disque comme on quitte la nuit pour le réveil, dans une certaine douceur/torpeur/chaleur. La folk reprend ses droits, progressivement, nous entoure de ses bras, nous prend par la main, nous guide vers le soleil d’une nouvelle journée à affronter, reléguant derrière nous les éventuelles mauvais rêves, nous invitant également à tenter de vivre les beaux et bons. Si le spleen n’est jamais loin, c’est finalement une note optimiste qui ressort de l’écoute de l’album. De celles qui ne sont jamais exprimé mais que l’on sent au fond des choses.

L’énergie, à priori tranquille, du disque s’avère un véritable moteur. Sans en faire des tonnes, en étant sincère et se livrant avec pudeur, Moonkiddo déploie des ailes gigantesques pour mieux s’envoler vers des sommets de raffinement. En brassant folk, pop, un peu de rock, de blues, d’électro, le groupe impose sa patte et nous démontre tout leur savoir-faire, en toute discrétion et humilité. Cet album, un peu magique, s’avère un coup de cœur absolu.

Patrick Béguinel

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