GRANDMA’S ASHES, This too shall pass

grandma's ashes this too shall passPremier album disponible

Un groupe de nanas qui fait du rock à tendances lourdes, il n’en faut pas plus pour certains pour capitaliser sur ce seul fait. Fort heureusement, les Grandma’s ashes ont la tête froide et capitalisent plus intelligemment sur la qualité de leur composition que sur le simple fait d’être des femmes oeuvrant dans un milieu plus que majoritairement masculin, à savoir celui d’un rock burné, à mi-chemin entre stoner et heavy rock psychédélique. This too shall pass, leur premier album, se révèle être une très belle surprise à la testostérone savamment dosée.

Oui, dit comme ça, la féminité ne saute pas aux yeux. Pourtant, tout commence par un chant presque tribal, un A capela qui donne le ton, légèrement chamanique, plein de sororité. Cette intro, baptisée A mon seul désir, dégage quelque chose de magnétique, une sorcellerie délicate qui nous plonge par la suite dans un album à la férocité contenue, aux mélodies soignées, et surtout à la lourdeur érigée en œuvre d’art.

Brute et doux.

Ainsi, la paire rythmique batterie basse joue la présence écrasante, presque pachydermique, comme sur le terrassant Borderlands où non seulement les sonorités graves emplissent l’espace, mais qu’en plus le ralentissement progressif du tempo nous cloue littéralement au bitume de cette route que l’on nomme autoroute vers l’enfer. La maitrise instrumentale est donc bien présente et montre, s’il le fallait encore, que les femmes ne doivent jamais être reléguées au second plan dans un groupe de rock. Ici, elles sont au chant, à la guitare, à la basse et à la batterie et font admirablement le taf.

Nous pénétrons dans un univers rock, stoner, très mélodique, dégageant un je-ne-sais-quoi d’américain (dans la production mais aussi dans le fait que Grandma’s ashes use majoritairement de l’anglais sur l’album). Les trois dames nous ouvrent donc grandes les portes d’un univers qui aurait tout pour être vaste mais qu’elle contiennent dans un poing fermé, prés à castagner quiconque viendrait le provoquer. Pour autant, il n’y a pas que de la colère (rentrée ou pas) dans ce disque. Il va plus loin que son simple univers sonore laisse à penser. On sent un romantisme fiévreux, une foi dans la musique, une sincérité parfois désarmante (Cruel Nature), une envie aussi de montrer à tous que les femmes savent faire aussi bien, sinon mieux, que les hommes, et ce sur leur propre terrain.

Captivant.

Là où certains diront que les voix manquent de ce grain si particulier aux bonshommes, nous répliquerons que la douceur des voix leads et des choeurs est ici toute relative tant elle est expressive et porte une émotion à fleur de peau. Les lignes de chants sont ultra précises, apportent véritablement leur touche à l’univers sonore du groupe, sans lorgner un rock FM de mauvais aloi. Nous restons, toujours, dans une dimension à la fois apaisante et provocante. Apaisante car les mélodies vocales, chant de sirène, ont tout pour nous séduire. Provocante car, à la manière des mêmes sirènes mythologiques, nous sentons le danger rôder à chaque seconde de gagnées sur le disque.

Ainsi, mélodies instrumentales et vocales s’harmonisent à merveille, le talent de composition ne se dément jamais et l’efficacité du rock ici pratiqué est indéniable. Si l’on sent un côté plus intimiste que sur la plupart des disques de leurs homologues masculins, celui-ci n’empêche pas la force d’en irradier. Nous nous retrouvons ainsi parfois acculés, ne sachant pas exactement par quel mystère ces trois drôles de dames ont pu nous toucher en plein cœur. L’ensemble dégage un charme toxique, celui qui contourne les diktats pour nous amener sur des pentes non explorées. Une poigne de velours dans une main de fer, tel pourrait être la caractéristique de ce disque qui ne manque jamais de nous surprendre.

Efficace et inédit.

Niveaux influences, on pourrait citer, étrangement, un groupe comme Muse (sans le côté irritant du chant), avec cet art de trousser des chansons immédiatement accessibles, comme s’il était facile de pondre des tubes en puissance, sans forcer. On pense aussi à des formations plus « hard » tant les relances nous scotchent dans notre fauteuil. Si les formules semblent digérées depuis des décennies, elles retrouvent avec Grandma’ashes une forme de « naïveté ». Mais celle-ci, jamais dupe, apporte de l’eau au moulin au lieu d’assécher le cours de son inspiration.

Contre toute attente, ce disque déferle dans nos tympans avec une force magnétique, un art de la composition ne laissant rien au hasard, et si l’on peut se retrouver dans une forme de composition classique (couplet refrain pont), ce groupe parvient à la rendre excitante. Aors, loin de capitaliser sur le fait que This too shall pass soit le fait de trois femmes, celles-ci capitalisent sur une véritable écriture, pointue, ne se contentant jamais de la moindre facilité (pas forcément le cas de certains bourrins). Autrement dit, la carrière de ce groupe s’avère lancée sur une trajectoire qui, nous l’espérons, leur apportera une reconnaissance méritée uniquement pour leur indéniable talent de composition.

Patrick Béguinel

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