GMBT LIFE, 10 minutes
Le meilleur des mondes.
Complètement hors mode tout en évoquant le meilleur de la pop, de la folk et, plus surprenant, du rap ou des musiques électroniques (quoique dans une moindre mesure), GmBt Life, avec 10 minutes, nous propose un premier album magistral !
Premier album donc pour ce trio dont nous avions déjà évoqué le travail par le passé. Il faut dire qu’à l’heure du formatage tous azimuts de l’industrie musicale, aux propositions artistiques rimant avec pompe à fric (ce qui revient à dire que l’artistique est aux abonnés absents), ce groupe se démarque haut la main de la masse par une approche hypersensible de leur musique. Ici, tout se fait sur le fil ténu de l’émotion, de son ressenti, de son acceptation et de sa restitution. Forcément ça remue, forcément ça bouscule, mais, aussi, forcément, ça touche en plein cœur.
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Douceur.
Dès No abstract thought le ton est donné. D’aucuns auraient joué LE morceau qui en impose d’emblée, qui voulant prouver un savoir-faire, qui voulant mettre la pression, qui voulant simplement démarrer en fanfare quitte à nous laisser mourant, agonisant, après les 3 minutes 30 du premier titre faute à une proposition qui tienne la route sur la distance. GmBt Life a lui choisit la sobriété, l’intimité dévoilée et nous propose une ballade introspective au rythme très lent, pas forcément compliquée techniquement, mais qui nous pose dans une ambiance particulière, propre à la confidence.
Immédiatement, l’auditeur se sent proche du groupe. Ce sentiment d’osmose, de partage ne nous quitte pas tout au long de l’album. Les instrumentations y sont pour beaucoup, le chant aussi. Même le mix semble fait pour nous entourer de ses bras, de manière protectrice, comme pour nous rassurer de nos chagrins et autres vagues à l’âme, alors que GmBt Life semble lui-même nous dévoiler à cœur ouvert tout ce qui le tracasse, le blesse au fond de lui. Ce disque est comme une manière de dire « ne t’en fais pas, je te comprends », omettant pour l’occasion de se protéger lui-même des ravages potentiels que pourrait générer un surplus d’émotions négatives.
Se dévoiler.
Dans 10 Minutes, GmBt Life se met à nu, il se dévoile intégralement, avec une sincérité confondante, faite de tact et de délicatesse. Il nous évoque, ainsi, les grandes heures de Sparklhorse avec cette capacité à s’exposer de façon totalement pudique, sans pour autant chercher à amoindrir une âme tourmentée, sans pour autant se montrer lourd, plombant. L’équilibre pourrait être particulièrement casse-gueule, mais le trio s’en titre sans dommage, sans doute secondé, comme Maradona en son temps, par la main de Dieu.
Car nous avons le sentiment que quelque chose de grand se joue dans cet album. Quelque chose qui nous dépasse de la tête et des épaules. Quelque chose qui pourrait ressembler à un phare dans les ténèbres, un guide mais qui, loin de nous dévoiler le chemin ne nous montrerait qu’une infime partie de celui-ci, nous indiquant simplement où poser le premier pas. Avec sa musique, GmBt Life nous propose simplement de le suivre et de lui faire confiance. Sans crainte, nous le suivons dans ce voyage à fleur de peau.
Étrange comme les références s’imposent à nous.
No abstract thought sonne comme le meilleur de Air. Mélancolique et assumé, le thème est lent, repose sur une combinaison voix chuchotée / nappe de clavier. Sur celle-ci se greffe une rythmique minimaliste, sonnant un peu comme une frappe de balais sur la peau d’un tom de batterie, et quelques arpèges, de la dentelle, de guitare (électrique et acoustique, légèrement hispanisante). Five hundred slaves entérine la donne première, avec une voix semblant surgir des tréfonds de la conscience humaine. Piano, guitare, et cette même rythmique métronomique nous retournent le ventre et l’âme. Touchante de justesse, ses paroles nous frappent au plexus, nous laissent dans un état alternatif de tristesse et de colère. On pense à Les marquises et son album La battue dans cette dramaturgie qui amène à se poser et réfléchir sur qui nous sommes et ce que nous faisons.
Ten minutes change un peu la donne, en approchant un rap plein de groove. Le featuring de Mike Ladd n’est pas étranger à la chose. Pourtant, ce spoken word, à l’opposé de ce qui nous est proposé depuis le début d’album ne détruit pas la cohérence de celui-ci. Au contraire, il l’articule de manière pertinente. Les choeurs, légèrement trafiqués, les thèmes mineurs concourent à prolonger la gravité du disque tout en y apportant néanmoins une lueur, épique, d’espoir, comme si l’heure du combat pour changer les paradigmes avait enfin sonné.
His voice is sweet se trouve au parfait confluent d’un rythm and blues à la Rolling Stones (plutôt acoustique donc) et avec cette presque timidité indie propre à Mark Linkous (Sparklehorse). La folk proposée s’avère donc fragile, vulnérable, mais cache malgré tout sa force dans son interprétation. Twelve days (the « we’ll be allrgiht » song) se retourne pour sa part vers le côté sacrée de la musique. Avec son orgue, sa voix parlée s’adresse à nous directement, sans filtre. Derrière, des choeurs élégiaques, et une rythmique, une nouvelle fois discrète, mixée en arrière, mais imposant un rythme en décalage avec le côté aérien des fameux choeurs et de l’orgue, dévoilent un titre presque expérimental. Un aspect épique ressort lors d’envolées puissantes, mais qui savent rester dans le giron de cette intimité dévoilée. Équilibre pas évident à trouver, entre ce côté expérimental et une pop plus calibrée (on pense notamment aux morceaux de Pink Floyd sur Atom heart Mother, côté grandiloquent mis de côté), pourtant GmBt Life s’en tire haut la main.
Un esprit indépendant farouche.
Alaska morning sky nous entraine du côté d’un Bon Iver qui ne serait pas ou plus la caricature qu’il est devenu (à cause de multiples copieurs sans âme). Ballade solaire, elle évoque également et étrangement, malgré qu’elle soit chantée, le post rock de Mogwai. Trusted titille l’électro sur son introduction, après un brusque revirement funky, puis rock. Une nouvelle fois, le titre s’avère expérimental, mais toujours avec cet élément très personnel, dans le son, dans la façon d’exprimer une idée, une envie. Conçu comme un interlude, nous le voyons comme un moment expiatoire, ou défouloir, comme une échappée belle.
Trying replonge le groupe dans un univers poignant, intense émotionnellement parlant, sans être, comme à son habitude, démonstratif, et ce malgré une fin de titre plus électrique et rythmée. Toujours à sa pudeur, le trio dégage pourtant un sentiment d’universalité quant aux ressentis de l’être. Dur de rester de marbre, une fois encore, et notre palpitant oscille entre une mélancolie profonde et une envie de célébrer la vie, comme pour mener un combat conduisant à améliorer notre condition à tous.
Race with the police s‘avère un chouia plus folk dans son entame, avant de laisser parler une forme de fureur. Mais jamais ostentatoire, toujours contenue dans cette démarche navigant entre expression directe, sans fard, et ressenti profond et intime. Une nouvelle fois la démarche s’avère criante d’honnêteté, sans compromis d’aucune sorte. Le groupe fait simplement une musique qui lui ressemble, en s’en foutant pas mal des références diluées au fil des titres. Ce n’est pas le morceau final (Please) come closer qui viendra contredire la chose. Pop avec ajout d’instruments classiques (un violoncelle notamment qui apporte sa complainte somptueuse, piano voix une nouvelle fois émouvant à la folie), le titre clôt l’album sur une touche une nouvelle fois mélancolique, relativement sombre, mais donne, instantanément, envie de remettre le disque en lecture.
Âme sœur.
C’est toujours un peu con à dire, mais c’est comme si nous avions trouvé en GmBt Life un reflet de ce que nous ressentons sans jamais être capables de l’exprimer, ou alors de façon totalement maladroite (et du coup pas pertinente). En quelque sorte, 10 minutes est notre âme sœur, celle qui oserait parler et expulser ses maux. Alors, bien qu’il soit mélancolique, cet album s’avère au final totalement positif. Il nous montre combien nous ne sommes pas seuls.
Et puis, par-delà cet aspect un peu « en dedans », il permet aussi et surtout de libérer une charge de notre corps, un poids pesant qui reste fiché en nous sans jamais pouvoir en être extrait. En quelque sorte, il parle pour nous, comme s’il était le porte-parole de notre âme fragilisée par les différentes crises traversées ces dernières années. Il s’avère en tout point salutaire et important, et acquiert ainsi une place toute particulière dans notre discographie, là où trônent quelques disques majeurs et incontournables. Assurément dans notre top 10 de tous les temps.
LE titre de 10 minutes.
Simplement mettre un titre en avant serait détruire sa cohésion. Nous pouvons juste dire qu’il n’y a pas de morceaux faibles. C’est déjà pas mal, non ?
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