PASCALE PAYET, Ne jamais abandonner (libres mots, récit de vie)

pascale payet ne jamais abandonnerTémoignage basé sur des entretiens avec Pauline Bréhat.

C’est un petit livre de témoignage qui nous fait nous sentir un peu beaucoup bizarre en dedans. Il relate l’histoire de Pascale Payet, femme née à la Réunion et adoptée en France. Elle fait partie de ce qui est nommé « Les enfants de la Creuse », ces enfants qui furent adoptés par des couples français, vivant dans des zones plutôt rurales, après avoir été enlevés de leur terre natale. Tout ceci aurait pu ne pas être si tragique si cet « enlèvement » (mais les guillemets sont-elles bien utiles?) avait été fait dans les règles de l’art, mais tel ne fut pas le cas. Ce témoignage, ce récit de vie extrêmement poignant, baptisé Ne jamais abandonner, plein de force et de résilience, dépeint la vie de Pascale Payet, l’une de ses « déracinés ».

Tout commence avec sa mère., alors petite fille mise à la porte de chez elle à l’âge de 11 ans. Fruit, a priori d’une relation adultère, son père la chasse sans autre forme de procès. Elle est recueillie par un homme qui ne tarde pas à la prostituer. Devenue adulte, elle aura trois enfants mais, vivant dans la misère la plus totale, ne peut s’occuper de Pascale qu’elle place en garde auprès des services sociaux, sur l’île. Mais bientôt, elle signe des papiers, elle qui était illettrée, et son enfant part pour la France en vue d’une adoption.

Enlevée.

Rien n’est clair dans cette histoire puisque Pascale n’est pas née sous X mais son dossier est rédigé comme si tel était le cas. Les institutions ont profité de certaines lacunes pour enlever des enfants à leur famille, en ne leur expliquant pas clairement les principes de garde, ni de la teneur de ce que refermaient les fameux papiers officiels qu’ils ne parvenaient pas à déchiffrer faute à une instruction fortement défaillante. Profitant de la détresse et de la misère, l’état en a profité pour tenter de repeupler des zones en voie de désertification, dont la Creuse.

La vie de Pascale est une succession de mauvaise passe, de violence, de misère elle aussi. Comme il lui manque des repères, malgré une famille d’adoption bienveillante et aimante, elle vit de manière incomplète, reproduisant des comportements hérités du déracinement, hérités aussi de ces racines qu’elle n’a jamais eues. Comme un arbre sans racines, elle tombe au premier coup de vent, se relève, pour retomber et ainsi de suite.

Sa vie n’est pas marrante. Nous restons sidérés en lisant ses mots et ses maux. Pourtant, elle reste combative, essayant de s’en sortir jusqu’au jour ou sa fille tombe sur un reportage, à la télé portant sur les enfants dits de la Creuse. Sa vie opère alors un changement de cap et des réponses se profilent.

Fort.

Ce témoignage bouleverse car il est fort, qu’il montre une désespérance dont Pascale Payet ne connaît pas la cause mais qui l’habite chaque jour. Ce qui nous touche également, c’est cette force de vie qui la guide, qui l’empêche de recevoir le coup de trop de la part d’un mari ou d’un petit ami violent. Si la misère sur l’île de la réunion est bien réelle, elle l’est autant en métropole où elle subit de nombreuses agressions alors même qu’elle ne cherche qu’une issue : s’en sortir par son travail, pour et par l’amour qu’elle porte à ses filles.

Il n’y a pas de pathos même si certaines évocations nous tordent le cœur. Nous ressentons de la peine, une forme de pitié, de la colère aussi, beaucoup, énormément, envers un état dont l’immoralité et l’inhumanité éclate (encore) au grand jour. Nous ressentons aussi une forme d’admiration, à la fois pour Pascale Payet, mais aussi pour l’organisation qui s’est battue pour que ces enfants retrouvent des traces de leurs parents restés « au pays ».

Puissant et affligeant.

L’écriture est simple, directe, à l’image de Pascale Payet. Il n’y a pas de fioritures, pas d’effets de style, juste une vérité crue, factuelle prouvée et mise au jour par le travail de quelques associations donc, mais aussi de journalistes. Ce récit s’avère donc puissant dans ces évocations d’une misère endémique que l’état laisse perdurer (c’est bien de coloniser des terres, ça serait encore mieux de les considérer comme faisant partie intégrante du pays. Ce n’est pas la Guadeloupe qui nous démentira sur ce point).

Affligeant car on y lit un état minable profitant de la faiblesse d’une ultra minorité de personnes, là où son devoir était (ou est) logiquement de les protéger, de les instruire, de les aider à s’élever. Alors que la période électorale avance à grands pas, et voyant le vide intersidéral des discours politiques, nous nous disons que véritablement, les mentalités n’évoluent pas bien vite, et que le travail de l’état ne se fait plus de façon égale ou fraternelle. Belle devise sur les documents officiels et sur le fronton des mairies, qu’en est-il en vrai lorsque nous découvrons de tels comportements ?

Ce livre n’est pas anecdotique même s’il reste un grain de sable sur une plage. Tant d’histoires comme celle-ci existent, avec des drames similaires. Hélas, tout le monde n’a pas la force de Pascale Payet qui déclare avoir écrit ce livre pour montrer qu’il ne faut jamais baisser les bras. Grand bien lui en a pris puisqu’elle sait aujourd’hui d’où elle vient et qu’ainsi se répare une page d’injustice.

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