PAULINE BRÉHAT, Obscure Claire

obscure claire pauline bréhatQuand tout fout le camp.

Claire et Éric, la trentaine, forment un couple qui pourrait ressembler à tout les autres. Seulement, une chute de cheval a rendu Claire hémiplégique. Si l’accident a rendu compliquée la vie des deux jeunes gens, ils ont su résister à la douleur et continuer leur vie de couple presque normalement. Mais un jour, en rentrant, Éric retrouve sa femme inanimée dans la salle de bain. La jeune femme s’est suicidée à l’aide de médicaments. Le choc est rude pour Éric. Mais ce n’est qu’un début. À travers l’accident de vie et le suicide, Pauline Bréhat nous invite à pénétrer dans la tête d’Éric, à découvrir ses pensées, les différents chocs qu’il a vécus, ses égarements également. Obscure Claire (Pauline Bréhat éditions) nous pousse aussi à nous interroger sur le fait de surmonter une épreuve de vie et sur la communication.

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Rester en couple.

Suite à l’accident, le couple ne se sépare pas, s’adapte, tant bien que mal. En effet, la paralysie et son annonce rendent les choses compliquées. D’une part, on le comprend, Claire souffre profondément, passe par toutes les étapes émotionnelles imaginables, de l’espoir fou de pouvoir remarcher un jour au désespoir le plus sombre et l’envie d’en finir. D’autre part, on découvre Éric qui tente de faire face, qui reste profondément lié à sa femme, mais qui évoque les problèmes intimes, et notamment sexuel. Pour tout dire, il a trompé sa femme, pour retrouver une « vie » d’homme.

Pourtant, le couple reste ensemble, vit des moments presque joyeux, réussit à surmonter des obstacles qui paraissent pourtant insurmontables. Éric cesse même de fréquenter sa maitresse. Le suicide de Claire est donc un choc, qui trouve une réponse très peu de temps après la découverte d’un courrier qui change tout. Mais ce n’est que plusieurs mois plus tard que l’enfer commence, quand la belle-sœur d’Éric se met à l’accuser des pires actes envers sa femme. Et qu’Éric, de son côté, découvre en faisant du rangement, le cahier intime de sa défunte épouse.

Dans la tête….

Tout est exprimé depuis le point de vue de l’homme. Nous lisons en lui comme dans un carnet intime ouvert en grand. Dans une sorte de mea culpa post mortem, il avoue à sa femme la tromperie, il avoue ne pas avoir su comment réagir suite à l’accident, avec une honnêteté sincère. On comprend mieux ce par quoi le couple a dû passer, ses douleurs, ses envies aussi, de rester ensemble, de faire face.

Il nous déballe toute sa vie, avec des descriptions courtes laissant la place à l’imagination et surtout aux émotions de prendre la place qui est la leur. Le rythme est enlevé, rien ne vient perturber le fil des révélations qui tombent avec une régularité bienvenue, faisant que jamais le roman ne s’enlise. Malgré le sujet, aucun pathos ne vient nous assaillir, tout est fait avec suffisamment de distance pour nous laisser vivre les choses à notre manière.

La progressivité de l’intrigue permet à l’attention de ne jamais redescendre. Quand celle-ci s’accélère, comme Éric le vit, nous subissons les attaques qui remettent son témoignage en question. Serait-il finalement un monstre qui cache bien son jeu ? Comment, si tel est le cas, réagira-t-il aux attaques qui sont dirigées contre lui ?

Communication.

Le roman nous interroge surtout sur la communication, sur les efforts qu’il faut faire pour qu’un couple reste soudé. Durant tout le roman, celle-ci nous apparaît pourtant très présente, mais un an après, son fonctionnement est remis en question et forcément ça nous chamboule. Croyant ses écarts inconnus de sa femme, Éric réalise le contraire. S’il s’est tu pour la préserver, il se rend compte que l’effet inverse s’est produit, déclenchant la colère muette de Claire qui mettra un stratagème en place pour se venger.

La communication est aussi brisée entre l’homme et sa belle-soeur qui sombre dans une spirale de folie. Une fois encore, quand le message ne passe pas, il entraîne tout le monde dans une forme de déni sans fond, sans fin, qui conduit aux pires actes. Seule la fin, avec une espèce d’humour noir très fin nous ramène à quelque chose de plus léger, même si dramatique finalement.Le tout nous donne donc un livre relativement bref, qui se dévore littéralement tant on souhaite découvrir le fin mot de l’histoire.

Le talent de conteuse de Pauline Bréhat ne fait aucun doute. Son style personnel fait mouche, mélange de réalisme sans fard et de plongée en apnée dans la psyché de ses personnages tout aussi fidèle à une réalité. L’ensemble fait donc un gros effet, qui nous procure de très belles sensations de lecture.

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