DON CARPENTER, Un dernier verre au bar sans nom

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Poche paru aux éditions 10-18

Un dernier verre au bar sans nom, livre posthume de Don Carpenter, nous plonge dans les années 50-60, entre Portland, San Fransisco et Los Angeles, au sein d’une bande d’amis, écrivains ou rêvant de l’être. Romantique, ce roman est une ode à la littérature qui n’en gomme pas les aspects déplaisants.

Tiré de l’oubli grâce au dévouement de Jonathan Lethem (qui signe une postface essentielle), fan de l’auteur, Un dernier verre au bar sans nom s’avère d’une justesse incroyable. L’auteur y démontre à la fois son amour de la littérature et de sa faune, mais aussi ses incertitudes, ses cruautés, ses errances. Nous y suivons un couple « mythique », celui de Charlie et Jaime, autour duquel gravite une galerie de personnages à la fois attachants et répulsif.

Charlie, ancien de la guerre de Corée, rencontre Jaime sur les bancs de l’école. L’amour entre eux est immédiat, l’une étant attiré par cet homme charismatique, naturellement doué pour l’écriture, l’autre tombant sous le charme de cette femme jeune et dont l’écriture, le pense-t-il surpasse de loin la sienne.

Vainqueur d’un prix, c’est pourtant Charlie qui semble rafler la mise. Le couple déménage dans l’Oregon, à Portland, où il se lie d’amitié avec divers auteurs. L’un d’entre eux à le vent en poupe depuis la parution d’une nouvelle dans le magazine Playboy. Un autre, cambrioleur, suit des cours d’écriture pour s’émanciper de sa vie de larcin et d’une timidité maladive. Tous nous sont décrits avec force amour, mais avec une lucidité pleine de perspicacité et de vérité.

Une écriture flamboyante.

L’écriture de Don Carpenter est simplement sublime. Nous y plongeons sans forcer et il suffit de quelques lignes à peine pour devenir accroc à al simplicité, au concis, et à l’ampleur de la plume de l’auteur. Les descriptions y sont superbes, mais ce qui nous touche autant est sa capacité à nous plonger dans la psychologie, pour le moins fragile, des écrivains et écrivaines. Sans cesse sur le fil de l’émotion, ceux-ci se remettent perpétuellement en question, jugeant sévèrement leurs écrits, quitte à parfois les abandonner totalement.

Nous y voyons leur façon de travailler, les rapports qui les lient évoluer, leur abandon de leur rêves ou au contraire celui de tout ce qui les entoure pour justement parvenir à écrire. Chaque personnage semble être une fraction de l’âme de Don Carpenter (en cela, la postface est à lire absolument pour comprendre un peu qui était cet auteur) qui met dans ce roman une large part de lui-même, sans pour autant qu’il soit un des personnages en particulier.

On devient très vite complice avec les habitants des lieux. Des amis presque. Sans appuyer sur des ressorts de pathos ou des approximations douteuses, Don Carpenter magnifie cette histoire d’hommes et de femmes en proie au doute existentiel.

Mal au cœur.

C’est avec une boule dans la gorge, ou un mal au cœur, que nous quittons cette bande à la fin du livre (laquelle s’avère ouverte à toutes sortes de spéculations). La proximité que l’auteur crée avec ces personnages ne ment pas et s’avère d’une justesse effroyable. Le travail, l’acharnement, y sont décrits à merveille tout comme la culpabilité ou le doute de ne pas réussir à parvenir à la fin d’un roman, comme Charlie avec le sien, nous accable.

L’amour ruisselle tout au long des pages d’Un dernier verre au bar sans nom, amour qui unit les personnages, mais surtout qui lie l’auteur à ses « créatures ». Cette déclaration à la littérature nous laisse sur le cul tant elle reflète la réalité dans ces moindres aspects, tout en y insufflant un romantisme échevelé, jamais cliché. Si jamais photographie de la littérature il y a, c’est bel et bien dans ce roman qu’elle trouve ses plus beaux développements.

Patrick Béguinel.

 

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