DOMINIQUE FAURE, Frédéric, instants de grâce.

dominique faure frédéric instants de grâceQuand une rencontre guérit.

Dans Frédéric, instants de grâce paru aux éditions Ex Aequo, collection Vibrato, roman fort, humain, au charme parfois un peu désuet (ce n’est absolument pas un défaut), Dominique Faure s’approche au plus près des blessures des deux personnages pour nous parler de ce qu’une rencontre peut changer dans une vie, de ce que l’amour peut guérir à ce que la haine a installé au plus profond de nous. Avec une écriture qui prend le temps, l’auteur (ou auteure ?) nous installe dans un monde où l’amour irradie, avec une infinie tendresse.

Frédéric et François se rencontrent par hasard lors d’une émission de radio. Tout de suite, entre eux, le courant passe. Coup de foudre ? Quelque chose d’approchant, mais qui, loin de s’apparenter à la seule passion, aura des conséquences sur leur vie et leur psyché. L’un est pianiste de renom, l’autre est auteur. Tous deux trouvent en l’autre son reflet, son complémentaire. Pourtant, tout ne va pas sans heurt.

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Quand les âmes se parlent.

Quand deux êtres se rencontrent, ils ne connaissent rien l’un de l’autre. Un sentiment très fort pourtant peut les lier, une reconnaissance, que rien n’explique, les attirer. Ainsi, Frédéric et François, suite à cette rapide rencontre dans une émission de radio décident de dîner ensemble le soir même. Ils ne le savent pas encore, mais ils se sont trouvés.

Comme toute rencontre, il y a les instants magiques, la complicité. Ici, elle se pare de douceur, de délicatesse, dans un rythme tout à fait particulier, fait non pas de corps à corps synonyme de passion dévorante, mais d’esprit à esprit. Car les deux hommes sont reliés entre eux par bien plus que l’aspect charnel, même si l’attirance s’y trouve malgré tout. Mais ce qui les lie, c’est cette impression de devoir gagner ce corps, d’imposer une confiance qui permettra d’aller « plus loin ».

Tous deux ont souffert. Frédéric est en effet marqué dans ses chairs, a subi la violence, égoïste, de bourreaux comme tant d’autres. Ceux-ci ignorent, ou pire, se moquent, des séquelles qu’ils ont infligées, qu’ils infligent encore 20 ans après. François, lui, ne se remémore que difficilement d’un acte traumatisant remontant encore plus loin, dans sa prime jeunesse. Pourtant, à deux, ils vont avancer vers la guérison, celle de l’âme.

Un rythme.

Tout est histoire de rythme dans Frédéric, instants de grâce. Sans doute parce que le fameux Frédéric est pianiste ? Par petites touches, Dominique Faure nous embarque dans un univers raffiné, où la sensualité installe le décor. Tout sera délicat, de dentelle. L’histoire d’amour se nourrit de ces imperceptibles éléments que ne remarquent que ceux qui s’aiment, la douceur d’un geste, le déroulé d’un mouvement du poignet, une teinte dans les yeux, ce genre de détail qui ne compte véritablement que pour celui ou celle qui tombe profondément amoureux.

C’est le cas de François et Frédéric, mais nous ne suivons tout cela que dans les mots du premier, qui est aussi le narrateur de l’histoire. Comme l’auteur qu’il est, et nous ramenant presque dans une mise en abyme, François ménage ses effets, sans même s’en rendre compte. Tout est fait avec grâce, légèreté, sans urgence, quand bien même la passion dicte des actes que les deux personnages refrènent naturellement, comme sachant que s’ils grillent une étape ils se carboniseront dans les affres d’une douleur et d’une violence qu’ils rejettent tous deux en bloc.

Violence.

Le livre n’est pas fleur bleue, mais il dégage un romantisme troublant, auréolé d’un respect profond, aux antipodes de ce que Frédéric et François ont vécu. Le livre est en effet « dédié à tous les jeunes gens qui, ici ou ailleurs et de tout temps, ont été brutalisés et violés. » Et l’histoire de deux hommes n’est en effet pas exempt de ces violences. Pourtant, Dominique Faure, même si le cœur de ce livre est sur cette « guérison » liée aux blessures d’antan, ne surjoue pas la chose. En effet, l’auteur rentre dans la compréhension de ce qu’ont vécu, et vivent toujours ses personnages.

Les séquelles, les meurtrissures, sont évoquées de manière graduelle, quand les amants se dévoilent plus intimement l’un à l’autre. Il y a de la retenue, de la honte presque à dire ce qu’ils ont vécu. L’auteur est au plus près de l’humain, l’esquisse avec des mots simples mais d’une justesse limpide. Il n’y a jamais de gros effet, jamais de spectaculaire, mais toujours l’art et la manière de dévoiler ce que l’âme renferme au plus profond d’elle-même.

D’un autre temps.

À mille lieues du voyeurisme, à mille lieues de notre époque de grand déballage médiatique sur les réseaux sociaux (alors que les deux protagonistes vivent « aujourd’hui »), Dominique Faure prend le temps de parler de l’être, sans tout le décorum du paraître. Cela marque son roman d’une humanité rayonnante. À l’heure où nous doutons parfois de la sincérité de certaines personnes (autant écrivains qui surfent sur un sujet d’actualité que de certaines fausses victimes cherchant à tirer profit de ce que d’autres ont véritablement souffert), nous voyons dans ce roman toute la sensibilité d’une personne qui voit en l’amour véritable la source d’une guérison miraculeuse.

Car le miracle de l’amour est bien là, trouver en l’autre (et lui donner la même chose en retour) la capacité à panser ses plaies, en totale confiance et respect. En ce sens, Frédéric, instants de grâce, est un roman absolument essentiel.

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Comments (2)

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    Dominique Faure

    Merci infiniment, Patrick Béguinel, d’avoir offert à mon livre cette merveilleuse chronique dans laquelle, bien sûr, j’y retrouve tout ce qui en a fait pour moi le fond et l’écriture. Mes mots ont su vous transmettre l’émotion que j’ai eue, presque à chaque page, à les coucher sur le papier. Votre chronique en témoigne et c’est le plus beau cadeau qu’on puisse me faire. MERCI !

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      Patrick Beguinel

      Merci pour ce mot emplie de gentillesse. Il ressemble fort à vos personnages, à leur savoir-vivre, comme quoi ils vivent véritablement, même en dehors du livre.

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