[ALBUM] ZEAHORSE, Let’s not (and say we did)

Abrasif.

Et si nous allions du côté de l’Australie. C’est que ça faisait un moment que nous n’avions pas mis les pieds du côté de Sydney notamment. C’est chose désormais réparée puisque nous retrouvons les quatre rockeurs énervés de Zeahorse, pour leur troisième album, Let’s not (and say we did), déjà disponible chez Copper Feast Records, brûlot incandescent noise rock qui remet les choses à leur place.

On ne va pas vous mentir, ce groupe tabasse. Cet album en est une preuve flagrante. Post punk, rock noise, nous naviguons à vue entre ces deux dénominations. C’est qu’il fait du bruit ce disque, tout en distorsions et rythmiques frénétiques. Et puis quand 8 titres s’écoulent en un peu plus de 30 minutes, on se dit qu’il va à l’essentiel. Et c’est pas faux.

Accents punks.

Let’s not (and say we did) possèdent des accents punks. Mais pas que. Si le groupe fait penser à Fugazi, nous lui trouvons aussi des accointances, certes lointaines, avec le Red Hot des débuts, avec Rage aginst the machine (dans le phrasé, pas tout à fait spoken word, mais pas loin, et par certains riffs de guitare). Si cela ne vous convainc pas que Zeahorse est remuant, on ne sait plus quoi vous dire.

Il faut dire que tout va très vite. Le débit des paroles, celui de la musique. Le rouleau compresseur est en route et rien ne semble pouvoir le stopper. Il balance, à la chaîne, des titres homogènes dégageant un esprit années 90 assumé, sans pour autant nous paraître daté. Sans doute parce que le groupe, dont les membres vivent loin les uns des autres, et loin de tout sommes-nous tentés de penser, n’accorde aucune importance aux modes. Et c’est tant mieux !

Disto.

Il y a une tension permanente sur cet album. Elle transparait de la voix lead, des choeurs aussi, qui lui répondent dans une joute verbale d’importance, nous le sentons. Souvent nimbées d’un écho, les voix dégagent un sentiment d’urgence, comme si elle tirait un quelconque signal d’alarme. Les stridences des guitares nous l’évoquent aussi.

Paradoxalement, la lourdeur de la base rythmique ajoute à ce sentiment d’inexorabilité que le groupe nous propose. Sombre, mate, elle appuie, retourne le couteau dans la plaie. Elle flirte presque avec une certaine idée du métal (sur Cut the slack notamment). Pourtant, son apport mélodique ne se dément jamais (ni celui des guitares rassurez-vous). D’ailleurs, c’est l’un des points forts du combo, ne jamais céder aux sirènes de la « brutalité » au détriment de la finesse (certes un peu brute de décoffrage) mélodique.

Les distorsions sont de mises sur l’album. Elles dégagent une puissance forte, qui vient de la terre, comme pour nous permettre de nous élever du sol, et de voir les choses d’un peu plus haut. Comme s’il était temps (il l’est) de prendre la mesure du monde dans lequel nous nous débattons comme des poissons rouges au fond d’un bocal.

Constat.

Avec ce titre ironique, traduisible comme  » Ne le faisons pas (mais disons que nous l’avons fait) », Zeahorse prend la mesure du monde qui est le notre, qu’il soit réel ou virtuel. Les comportements de notre société sont épinglés sur cet album abrasif, qui démange pas mal. Pourquoi nous évertuons-nous à suivre la courbe déviante qui a été tracée pour nous sans nous rendre compte qu’elle mène les rapports humains droit dans le mur ?

Il fallait donc remettre un peu les idées de tout le monde en place. Nous décoller, ne serait-ce que 33 minutes, les yeux de nos écrans fêlés de téléphone. Avec la gifle qu’est Let’s not (and say we did), Zeahorse pointe du doigt le narcissisme ambiant, qui ne conduit nulle part. Et il le fait bien car son album dégage un charme brûlant et vénéneux, urgent et salvateur. Et on en redemande.

LE titre de Let’s not (and say we did).

On aime beaucoup The ladder. D’une part parce que le morceau qui le précède (répondant au doux nom de Guilty, (soit coupable) le place directement sur orbite. Ce dernier, avec une base lourde, un chant presque scandé, possède un côté lancinant plutôt oppressant, comme un goût de reviens-y vers quelque chose de glauque, mais que nous ne pouvons éviter de voir, de ressentir. Quand il s’achève, ce Guilty, The ladder se pointe, déjà auréolé d’un parfum sulfureux.

On retrouve une certaine continuité de la base rythmique, mais avec ce côté plus léger des voix et des guitares. Tout ceci est forcément à nuancer car la légèreté est ici confrontée à une urgence incroyable. Pour nous, cette musique nous évoque certains techno-thrillers, comme Strange Days de Katherine Bigelow, ou d’une certaine façon, la noirceur gothique d’un The crow.

Les guitares, ici, sont spectrales, comme venues d’outre-tombe, elles nous placent sur le qui vive, tandis que la basse se loge au creux de notre estomac. La voix, parlée, dénuée d’effet (celle qui arrive vers 3 minutes) nous évoque un peu le phrasé d’un Eminem flippé. Puis revient le chant collégial qui balance une bonne dose d’adrénaline. Ce morceau est, pour nous la quintessence de l’album, notamment parce que Cut the slack, qui le suit, semble refermer la parenthèse d’un triptyque ne laissant pas vraiment la place à l’optimisme. Magistrale démonstration de force.

zeahorse let's not but say we didOn pense à Squid

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