YUDIMAH, All I need (déjà disponible chez Banzaï lab)
Hip-hop sensuel.
Le premier titre du nouvel album de Yudimah met la puce à l’oreille : nous n’aurons pas affaire à un album comme les autres. S’extirpant des clichés actuels du rap hexagonal, le rappeur d’origine bordelaise nous propose un All I need tournée vers l’extérieur, comme pour mieux englober les possibilités mélodiques qui s’offrent à lui. En quelques titres, chargés d’un groove solaire, d’une âme qu’on devine tournée vers les autres, Yudimah nous offre un album hip-hop sensuel.
Sensuel. Pas dans le sens érotique auquel le terme est rattaché à tort, sensuel dans la dimension éveil des sens. Certes, le son, en grande partie inspiré par le rap US, cajole l’oreille, mais l’imaginaire tourne lui aussi à plein régime, en venant à nous imposer des visions de fêtes dans des quartiers populaires, où la couleur pleuvrait, où les anciens danseraient mains dans les mains avec les plus jeunes, où la tolérance ne serait pas qu’un mot, où le partage serait sans frontières.
Nous imaginerions aussi très facilement une grande table où tout le monde prendrait place, dans un sentiment fraternel, un repas à la Astérix, où le barde, Yudimah, serait bien loin de finir suspendu à un arbre et bâillonné. Au contraire, il serait au milieu de l’assemblée, à envoûter l’assistance de son flow/baume réparateur plein d’humanité.
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Altruiste.
Car peut-être est-ce cela qui prédomine dans la musique du MC, une idée de fraternité, d’ouverture à l’autre. Alors, plutôt que de broyer du noir, il étale les couleurs de son rap en arc-en-ciel. On retrouve des influences soul, ce noyau fondamental du hip-hop old school, mêlées à des codes un peu plus actuels. Si quelques rythmiques type trap sont présentes, elles ne sont pas systématiques. L’autre bonne idée ici est de ne pas balancer de l’autothune ad nauseam. Yudimah s’exprime en sa voix, pas celle d’une machine corrigeant les défauts. Honnêteté artistique, crédibilité, on adhère.
La dernière qualité, qui n’est pas la moindre, d’All I need, c’est que nous ne sentons aucune agressivité dans la musique de l’artiste. Pour certains, le rap est une tribune pour cracher un mal-être, pour d’autres, c’est un moyen pour transcender ce que le cœur contient. Inutile de préciser que Yudimah balance sans ambiguïté de ce côté-là. Plutôt d’exacerber les aspects négatifs de l’existence, il fédère en pointant, musicalement, ce qui nous apparaît positif.
Des sonorités, de l’émotion.
Nous trouvons une base old school indéniable dans cet album. Samples inspirés, mettant en avant des cuivres, du piano (ou orgues en fonction des titres), de belles basses, et surtout un travail sur la voix, les chœurs. La sensation qui nous envahit est celle d’une rondeur accueillante, une bulle qui nous inviterait simplement à nous poser, à prendre le temps, que l’on aime ou pas le rap, d’écouter ce son à même de plaire à tous, sans sombrer dans un mainstream réducteur.
Tout ici respire l’intelligence, du travail sur la production, sur le travail des tessitures sonores, sur les arrangements. Tout paraît millimétré, calibré pour procurer un maximum de plaisir. Pourtant, cela ne gomme en rien un caractère qu’on devine aisément spontané, comme si la magie qui règne sur l’album était fruit d’un heureux accident lors des prises de son.
Il n’en est évidemment rien, mais nous pointons ce constat pour montrer qu’être fin technicien n’empêche jamais l’émotion d’exploser à la face de celui qui écoute le texte. Nous sentons parfois une légère pointe de mélancolie affleurer des compositions, mais celle-ci n’entrave jamais cette impression d’un espoir qui napperait la musique du MC.
Bien-être.
La résultante d’All I need, c’est cette sensation de bien-être qui s’empare de nous. Non seulement, nous nous y retrouvons dans cette musique, non seulement nous succombons au flow fluide et bien articulé de Yudimah, mais en plus cette musique nous propulse loin de tout ce qui d’ordinaire nous entrave.
Malgré un chant en anglais, qui forcément ne nous révèle pas tous ses mystères, nous accrochons les propos de l’artiste par le mariage combiné de la musique et des intentions. Original dans sa proposition, évitant les tics que l’on retrouve dans grand nombre de productions actuelles, Yudimah propose un très bon album de rap, comme il ne nous était pas arrivé d’en entendre depuis longtemps. Un plaisir.
LE titre d’All I need.
Nous aurions pu choisir Be good, à la fois pour son titre et pour sa musique, mais le morceau qui nous met les poils, c’est Yeah. Certes, le titre n’est peut-être pas aussi évocateur d’un aller bien comme le suggère Be good, mais on aime ce mid tempo aux voix tourbillonnantes, au groove obsédant, à son travail de production qui lui donne une dimension un peu particulière sur l’album. C’est également, malgré sa brièveté, un titre qui prend son temps. Le chant est léger, tout y est fait par petites touches inspirées, la voix lead est parfaite, expressive, dynamique.
Situé en deuxième position sur l’album, il entérine le début sans faute engendré par Today et indique la teneur globale de l’album. Une confirmation donc de ce qu’annonçait l’album avec le premier titre, car nous savons à l’écoute de Yeah que Yudimah ne nous ment pas sur sa came, tout comme le fait qu’il ne nous prend pas pour des idiots (et que Today n’était pas non plus un accident). C’est donc, pour nous, le titre de cet album.
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