WEEKEND AFFAIR, Quand vient la nuit (Play It Loudly)
Sincère.
Weekend Affair a sorti Quand vient la nuit fin novembre. Cet album, du duo composé de Louis Aguilar et Cyril Debarge, apparaît dans une quasi nudité, celle de ceux qui s’expriment à visage découvert, qui vont chercher au fond d’eux une vérité qui, par la force de mots choisis, par la force des mélodies, vient bouleverser qui y prête véritablement l’oreille.
Il faut tout d’abord se méfier des sonorités électropop. Sans y prendre garde, il est aisé de les trouver légèrement inconsistantes, ou, pire, insipides. Pourtant, elles ne sont ni l’une, ni l’autre. L’électropop est souvent un dépotoir dans lequel les artistes en mal d’inspiration se dispersent, compensant par des beats, par des claviers qui se veulent innovants (ce qu’ils ne sont fatalement pas tant que ça, virant bien souvent cheap). Avec beaucoup de subtilité, Cyril Debarge prouve qu’elle peut être ambitieuse, dépeindre, avec quelques effets judicieusement choisis, ce que les mots expriment avec délicatesse et pudeur.
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Compositions et arrangements.
Tout repose sur des claviers ressemblant à des îles flottantes. Ils sont onctueux, fondent dans l’oreille, ils sont sucrés aussi, mais pas trop, comme pour mieux s’accommoder de l’amertume de certains textes de son acolyte. Sur ces claviers se posent des basses monstrueusement inspirées, pleines d’un groove discret, donnant envie de danser, un peu (ou beaucoup, en fonction des goûts de chacun). Les arrangements sont eux aussi d’une grande finesse, faisant de cette électropop un petit bijou à faire étudier à tous ceux qui, un jour, espèrent atteindre une forme de perfection, celle-ci se situant entre une joie spontanée et dans l’ébauche d’une réflexion plus poussée.
Car l’équilibre se fait là, dans cet élément qui fait que l’oreille se tend aux éléments les plus remuants, mais qu’elle reste scotchée lorsque l’on découvre sa richesse. Autant dire que jamais la lassitude n’intervient, que jamais la suffisance n’apparaît (au détriment d’une exigence sans cesse réitérée). D’ailleurs, la richesse musicale s’accouple à merveille aux textes, leur donne une dimension encore plus folle, plus « concrète ».
Derrière les mots se cache donc l’autre moitié du duo. Louis Aguilar joue avec les mots, les expressions qu’il triture à sa guise, créant des images d’une vérité que nul ne peut contredire. Auréolées d’un léger humour, presque pince sans rire, les paroles décrivent la vie d’un homme, ses petites errances, ses petites désespérances, et puis aussi ses espoirs, plus grands, mais aussi ses espoirs d’une vie simplement plus douce, parce que partagée.
Textes.
Ils sont l’autre versant de la musique. Contrairement à certains disques où la musique est facilement dissociable des textes, ici, il n’en est rien. Les mots nourrissent les notes, les ambiances mélodiques décuplent le spleen des textes, ou leur lumière. Ils sont tellement indissociables qu’il est impossible de savoir lesquels sont venus les premiers (musique ou mots), équation de l’oeuf ou de la poule irrésolvable, et c’est tant mieux.
La voix de Louis Aguilar, de velours, profonde, et portant une émotion palpable, décuple elle aussi le simple pouvoir évocateur de ce qu’elle raconte. Elle attire l’oreille, la flatte (notamment parce qu’elle est très bien mixée, produite, sans effet (électropop ne rime pas encore forcément avec autothune), et nous demande d’éplucher les textes jusqu’à l’os. Ils sont réalistes, mais ne sont pas de la chanson française du même qualificatif, car Weekend Affair parvient à laisser les impressions générées par leur musique (autant celle des instruments que celle des paroles) infuser et répandre autour d’elles leur message subliminal.
Autrement dit, le pouvoir de l’imaginaire, celui qui fait naître des images que seuls les mots frôlent, fonctionne à plein régime et des scènes de vie quotidienne, autant basées sur le vécu du duo que sur celui de qui écoute le disque, naissent bien vite dans notre esprit. Sans douleur, sans contrainte, elles font néanmoins affleurer une mélancolie joyeuse aux abords de notre cœur.
Jamais plombant.
Paradoxe ou non-sens qu’une mélancolie joyeuse, mais comment la décrire autrement ? Elle existe véritablement, cette mélancolie, sur les fins de mots, quand la voix s’étiole, de même qu’elle prend vie par le choix des mots eux-mêmes. Néanmoins, la musique hausse tout cela d’une énergie bienfaisante, d’une énergie de vie, d’un romantisme également, qui contrebalance par la joie une déprime qui aurait pu devenir pesante.
Fond et forme se confondent donc en une seule identité, celle d’un duo soudé, inventif, qui s’est aussi véritablement trouvé. Car sans atomes crochus, pas d’âme à naître d’une musique. Ici, nous en découvrons une élégante, raffinée, mais qui sait ne jamais se vautrer dans le « trop ». Avec intelligence, elle refuse les schémas préétablis pour aller à son essence, celle d’une musique qui vient du cœur.
LE titre de Quand vient la nuit.
Bon, seule certitude vraiment certaine, c’est que le titre de cet album n’est pas J’ai mis mon survêt. Parce que, même si musique et paroles sont encore une fois fortement soudées, elles le sont dans un excès presque dance. On retiendra plus facilement Fini de jouer, Enfants de la fatigue (jouant sur l’air de la Marseillaise, et d’une manière plutôt maligne), le morceau titre qui clôt l’album est également magnifique.
Fini de jouer, qui le démarre cet album, est une excellente mise en bouche. Il annonce la couleur de façon presque discrète mais qui ravit par sa production, par les paroles qui font mouche, et par une musicalité qui déjà montre de belles choses. Ce titre ne donne au final qu’une chose, envie d’écouter ceux qui le suivent. Et ce à chaque nouvelle fois que la galette est placée dans la chaîne hifi, le même effet nous séduit. Pour un identique plaisir à chaque nouvelle écoute.