[ALBUM] TERRENOIRE, Les forces contraires
Premier album de Terrenoire, Les forces contraires bousculent les repères.
L’album est déjà disponible depuis quelques temps. Nous souhaitions revenir dessus parce qu’à dire la vérité, il nous a mis K.O. Les forces contraires, de Terrenoire, possède ce pouvoir un peu magique de faire vaciller un toutes les certitudes, de bousculer les genres pour en faire quelque chose de très personnel. Cette capacité donne ici naissance à un album à nul autre pareil.
Antagonismes.
10 titres pour nous mettre à terre. Pas plus bas que terre, juste nous rétamer, par la puissance de la langue, par l’originalité d’un propos, par le mélange de musicalité. C’est vrai, aujourd’hui, les productions musicales pleuvent, simple bien de consommation comme tant d’autres. Mais il arrive que nous tombons parfois (enfin relativement souvent nous l’espérons), sur des albums que nous voulons garder précieusement au chaud, près de nous. Les forces contraires en fait indubitablement partie.
Son titre, à lui seul, en dit déjà long. En tout cas bien plus long qu’un long laïus que nous allons nous efforcer de ne pas tenir. Il évoque, forcément, des forces contraires, des antagonismes puissants, la vie/la mort, joie/peine. Il est aussi question d’amour , de filiation, des fondations de chaque être humain, d’espoir, de résilience, de résurrection. Musicalement, nous sommes aussi dans un (presque) antagonisme, entre pop urbaine, pop indé, hip-hop et variété. Mais ce genre de variété riche, celle qui possède des lettres de noblesse. Ces antagonismes déploient leurs ailes, nous entourent, nous protègent, nous mettent à nu au fur et à mesure que les frères se déshabillent.
Une talent d’écriture.
Car il s’agit d’une fratrie, qui officie derrière le nom de Terrenoire (un quartier de Saint-Étienne). Et elle écrit très bien. Prenons le titre Derrière le soleil par exemple (notre gros coup de coeur du disque). Le duo réussi à poser un texte court qui dit tout de la déchirure de perdre un proche (ici, un père). Le choix du vocabulaire est plus que pertinent, l’utilisation du mot papa ramène ces deux adultes à ce qu’ils sont, foncièrement, à savoir les enfants de leurs parents.
« Vilain cancer à dévoré papa ». Simple, percutant, une ligne de chant évoquant une comptine d’enfant. La mise à nu est totale, sans barrière, mais avec une infinie pudeur. Ce titre démontre le talent d’écriture de Terrenoire, que nous ne cessons d’essayer d’analyser. Nous ne sommes pas là pour le faire, néanmoins, des titres comme Baise-moi, Le temps de revenir à la vie, La fin du monde, Jusqu’à mon dernier souffle laissent quoi qu’il en soit une impression de précision diaboliquement efficace.
Et la musique ?
Bien évidemment, il faut que tout repose sur une musique qui fait sens. Tout n’est pas parfait, lorgnant justement du côté de la variété par des sonorités très tendance par moments (Margaux dansait sur moi, sans doute le titre le plus faible musicalement de l’album). En revanche, quand Terrenoire se fait plus intimiste, sa musique se met au diapason, avec un certain minimalisme, des arrangements très précis, parfois très surprenants (par exemple sur revenir à la vie, le traitement sur les voix lorsque les frères chantent « et la famille me pousse à revenir, et les amis me poussent à revenir »).
Les choeurs, dès qu’ils apparaissent, sont d’une pertinence absolue. Quelques accent « world », disséminé ici où là donnent une teinte particulière à certains titres, tout comme la présence d’une voix féminine adoucissant les contours déjà doux des voix masculines.
L’usage du piano, en contraste avec des bidouilles électroniques, donne une nouvelle fois une force, une puissance à cet album surprenant. Les rythmiques, parfois très urbaines (genre trap) ne dénaturent jamais le propos, lui confère au contraire une assise très terrienne (mais si l’analogique laisse place, ici, au numérique).
Entre intimité, mise à nu, universalité du propos, Terrenoire impose un style, une façon de faire de la musique originale, des plus intéressantes. Si on excepte quelques petits défauts (rien de méchant néanmoins), Les forces contraires est riche d’enseignements et nous laisse espérer une très belle carrière pour les deux frères.
LE titre de Les forces contraires.
Nous vous l’avons dit plus haut, il s’agit de Derrière les nuages. Nous notons cependant que les trois premiers titres de l’album nous entraînent à leur suite sans que nous ayons envie de ressortir des murs. De la même façon, les trois qui referment ce disque permettent de ressortir du disque sans regrets (mais avec une grosse envie d’y revenir tout de même). Nous apposons enfin une mention très bien au morceau La fin du monde également, d’une force peu commune et hélas d’actualité.
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