Syd Kult // Damnatio Memoriae — La Mémoire Dans La Peau

syd kult damnatio memoriaeTroisième album déjà disponible chez M.A.D/PIAS

“Tant que les lapins n’auront pas d’historiens, l’histoire sera racontée par les chasseurs”. Cette phrase tirée du livre Une Histoire Populaire des Etats-Unis d’Howard Zinn met en évidence un manque d’objectivité de l’histoire américaine, considérant que celle-ci est écrite à partir d’un seul point de vue. Celui de ceux qui ont le pouvoir. Le cas des Etats-Unis n’est pas unique, bien au contraire. La déformation, la fabrication de l’Histoire a toujours existé quelle que soient les époques, les pays, les civilisations. Dans le passé, l’Empire Romain, sans aucun scrupule, allait jusqu’à faire disparaître, et effacer de la mémoire collective les gouvernants impopulaires. Anéantissement, décapitation des statues à l’effigie de la personne condamnée, suppression de son nom sur les inscriptions et pièces de monnaie, voilà en quoi consistait l’ultime punition. Cette pratique post mortem, poussant les individus dans l’oubli, se nomme Damnatio Memoriae (La Damnation de la mémoire). C’est également ainsi que s’intitule le dernier album de Syd Kult.

Un appel à l’insurrection

Syd Kult voit le jour en 2013 sous l’impulsion de Cyril Delaunay, auteur/compositeur. En tant que chef d’orchestre du projet, nous le retrouvons au chant, à la guitare et aux claviers. Il s’entoure de Frédéric Scipion à la batterie, Julien Larminier à la basse et de Gaëlle Durand au violon et à l’alto. Syd Kult nous avait offert un premier ep comprenant deux reprises aux antipodes l’une de l’autre. D’un côté, While My Guitar Gently Weeps des Beatles et écrite par Georges Harrison et de l’autre The Nobodies (morceau que nous adorons) du très controversé Brian Hugh Warner aka Marilyn Manson. S’ensuit deux albums, Syd Kult (2017) et Weltschmerz (2018). Sur ce dernier, des titres comme My Own God et Empire Of The Sun, pour ne citer qu’eux, nous ont subjugués.

C’est avec les dix titres rock de Damnatio Memoriae que Cyril et sa clique viennent agrémenter leur discographie et ainsi ajouter une pierre à leur édifice. Ce dernier album de Syd Kult est un appel à l’insurrection, à la révolte contre les différentes menaces qui nous entourent. Nous sommes certainement présomptueux de dire qu’une certaine couleur politique (pour laquelle nous ne sommes pas forcément insensibles) ressort des textes de Cyril Delaunay. Avec Ragged Flag, Syd Kult déroule un riff de guitare qui sans mot dire nous embarque dans un tourbillon sonore, nous sommes prêts à battre le rappel à l’instar du tableau d’Eugène Delacroix, que vous avez certainement déjà vu, celui de La Liberté Guidant Le Peuple. Avec cette femme coiffée du bonnet phrygien et agitant notre drapeau tricolore.

La liberté par la connaissance

Sur le titre Where We Belong à la fois nerveux et lourd, nous retrouvons cette idée d’insoumission. Il est question d’esclave, d’obéissance, de chaînes et par conséquent de liberté!!! La liberté par la connaissance comme écrira le sociologue Pierre Bourdieu. Et non pas la servitude par l’ignorance comme le laisse entendre le fulminant Unleash The Dogs. De tout temps, des orateurs fielleux, malveillants ont su profiter de nos faiblesses, parfois de notre ignorance, pour jouer sur nos peurs et attiser la haine entre les individus. Theorie du complot, terrorismes religieux et politiques, pour ne citer que ceux là, sont les verrues de la bassesse humaine. Ici pas de mot mais des maux avec le sublime titre instrumental March Of The Tyrants, un cérémonial martial, insaisissable dans le temps, entre cordes et clavier dont le titre nous rappelle les œuvres de George Orwell, 1984 ou encore La Ferme aux Animaux.

Avec Alpha Orionis Supernova, deuxième instrumental de l’album, nous imaginons Thomas Pesquet et le Major Tom en train de nous regarder de là haut, en se disant que nous sommes des vrais crétins, à faire brûler à petit feu cette belle planète bleue. Nous plongeons dans des pensées pessimistes mais existentielles avec Deaf Call, l’ambiance est tendue, nous sommes sur la corde raide. Le titre commence comme il se termine, nous sommes torturés, tourmentés. Torturé(s) donc. Cet état de tension, de nervosité, nous le retrouvons avec le morceau Invisible Walls, doux euphémisme pour traiter d’un sujet qui laisse trop de victimes ignorées, à savoir les violences sur les enfants. Nous pouvons extrapoler ce morceau sur tous les types de sévices (conjugales ou autres) qui peuvent survenir chez le voisin une fois la porte fermée. Puis cette fameuse phrase jusqu’au jour où… “Tout le monde savait, mais personne ne disait rien”.

Un vrai rollercoaster infernal

Tourmenté(s) donc. Bittersweet. Un amour doux et amer. Agréable et déplaisant. Cyril Delaunay nous livre un morceau digne des plus belles chansons d’amour que le rock peut offrir. Entre adoration et désolation. La voix de Cyril nous transcende et nous sublime. L’amour peut nous faire perdre la raison, cependant il peut également nous faire déplacer des montagnes, aller jusqu’au bout de nos rêves. Avec le single All Along The Way, un vrai rollercoaster infernal, Syd Kult nous balance de tout côté. Départ tranquille au rythme de la batterie avant le lâcher prise. Puis nous retrouvons la raison avant l’emballement de la guitare en guise de bouquet final! L’album s’achève sur le titre Damnatio Memoriae, 7’05” de mystère, la voix nous apostrophe, nous y ressentons de la souffrance. Des âmes damnées errent autour de nous, nous frôlent. Puis soudain le sentiment d’angoisse prend une autre forme, le morceau se métamorphose en Péplum, et nous nous retrouvons dans l’arène, le glaive à la main pour l’ultime combat!

Syd Kult livre un album imposant et épique, à la fois énervé et révolté. Et quelle voix! Douce, posée. Jamais criarde. Elle nous prend aux tripes. Bref, Damnatio Memoriae n’est pas près de tomber dans l’oubli, Syd Kult continue d’écrire son histoire de façon irréprochable et nous en sommes les témoins.

LGH

LGH
(Le Gosse hélicoptère) j’adore découvrir de nouveaux artistes encore inconnus du grand public
et chercher ceux qui dans le passé ont fait ce qu’est la musique aujourd’hui.
La musique m’accompagne en permanence et tient une place primordiale dans ma vie.
Mon maître-mot est l’éclectisme même si mon cœur balance pour le rock sous toutes
ces formes. J’affectionne également la littérature et plus particulièrement la littérature
anglo-américaine (Bret Easton Ellis, Don Delillo, Jonathan Franzen,…).

Relire la chronique de Deap Vally

 

 

 

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