[ ALBUM ] SUTJA GUTIERREZ, Philax society

Philax society, nouvel album de Sutja Gutierrez (disponible chez Lumière noire)

Philax society est un album prenant. Ou plutôt un album qui vous prend et ne vous lâche plus. Pourtant, Sutja Gutierrez ne fait rien pour le rendre particulièrement abordable puisqu’il ne transige pas avec ses exigences, avec la vision artistique qui est la sienne. Et c’est justement et paradoxalement cela qui rend son album si particulier et addictif.

Car ici, tout suit une route tracée dans les plus infimes détails. Qu’il s’agisse de l’architecture propre de chaque morceau, du calcul de ses sonorités, des expérimentations sur les passages chantés/parlés, tout concorde pour rendre l’électro pop lofi de Sutja Gutierrez étrange, rugueuse, aventureuse, charmeuse, vénéneuse, dansante, inventive (et on en oublie).

Les sonorités de Philax society.

Premier point, et non des moindres : les sonorités de cet objet relativement inclassable. Forcément, ou pas d’ailleurs, la musique de Sutja Gutierrez nous évoque celle des Chemical Brothers, notamment par ses côtés répétitifs jusqu’à l’aliénation, laissant à penser à la consommation massive de choses qui ne devraient pas l’être (la drogue, c’est caca). Bon, nous disons cela mais aucune certitude à ce niveau-là, nous ne parlons que d’un ressenti, de l’effet à la fois planant, addictif et lysergique de la musique qui éclair cet opus.

Ce qui nous frappe, c’est le côté « métallique » de celle-ci. Un côté électrique, d’où est extrait la chaleur et la rondeur des graves. Certes, une basse est présente, mais elle nous paraît froide, comme désincarnée. Les claviers dégagent une impression parfois proche de la piété (autrement dit, nous entrevoyons là des orgues d’églises plus que des objets de musique populaire suaves et ronds). Le tout repose également sur une production non pas revêche mais plutôt exposée dans des teintes virant sur le bleu (électrique forcément) ou le gris, pâle. Est-ce grave docteur ? Pas du tout, bien au contraire puisque ça sert le propos !

Les architectures.

Pourquoi ? Parce que tout s’harmonise dans cet album. Si les sonorités sont froides, c’est pour mieux se claquer sur un esprit aventureux, expérimental, où les instruments analogiques se disputent les honneurs avec les instruments numériques. Le tout s’effectue dans un ballet fluctuant, où les structures évolutives et surprenantes des morceaux ne cessent d’irriguer notre cerveau d’informations contradictoires et/ou complémentaires. C’est-à-dire que rien ne se déroule comme nous nous y attendions, les routes qu’empruntent Sutja Gutierrez sont escarpées, cabossées, anguleuses, mais aussi, parfois, déroulent un tapis vert sans la moindre anicroche sur lequel les mélodies se posent avec grâce (et une sincérité évidente).

Osant l’expérimentation, les morceaux ne déroulent leur linéarité que de façon aléatoire. Les mesures s’étirent, se déforment, se contorsionnent, comme dans une danse trépidante. C’est d’ailleurs l’effet obtenu, celui de nous amener à danser, à nous faire perdre nos repères, c’est-à-dire à lâcher totalement prise. Nous oublions dès lors l’extérieur, nous trouvons projeter au sein de notre propre intériorité, celle où nous sommes complètement nous-même.

Les expérimentations.

Point fort de ce Philax society, quoique potentiellement déroutant, les expérimentations. Souvent effectuées sur les voix, elles s’amusent à les déformer, à les noyer sous des effets, parfois psychédéliques, parfois tendant à les rendre fantastiques, inquiétantes ou rassurantes, c’est selon. Il s’agit aussi de collage/découpage, rendant les propos parfois hachés, souvent incompréhensibles. Néanmoins, l’effet est efficace puisqu’il dégage un sentiment proche de l’exaltation tant les chemins empruntés sont loin de ceux qui sont trop souvent arpentés.

Mais les expérimentations visent aussi à rendre inédites certaines sonorités, à nous plonger dans un univers parfois évocateur de la science-fiction ou d’un certain cinéma fantastique. Pourtant, tout s’intègre à merveille dans un groove permanent, indestructible, pour ne pas dire imparable. Il se saisit de vous, ne cesse de vous irriter, de vous conduire à la frontière d’une certaine folie (dans laquelle, nous l’avouons, nous aimons nous réfugier).

En ne transitant sur rien, Sutja Gutierrez produit un album formidable. Il se trouve à l’exacte croisée des fameux Chemical Brothers mais également de Trentmoller. Pourtant, il est simplement et uniquement l’oeuvre de Sutja Guiterrez, un musicien à part, novateur et à l’univers d’une richesse dingue.

LE titre de Philax society.

Pour nous, il ne fait aucun doute qu’il est très difficile d’en citer un seul. Néanmoins, c’est notre job que de devoir vous fournir cette information purement subjective. Alors nous devons trancher et optons pour Rainbow. Parce que, comme l’arc-en-ciel, il possède plusieurs couleurs, qu’il est toujours magique (on ne sait jamais véritablement quand il va surgir d’un ciel pluvieux), et qu’il y a, paraît-il, un trésor à ses pieds.

Ici, le trésor se trouve à la fois en lui et autour de lui. La cohésion et l’homogénéité du disque font en effet qu’il est très dur d’extraire un seul morceau du tout que constitue Philax society. Donc, de part et d’autre de Rainbow, ce sont autant de pépite qui jalonnent son parcours vert, indigo, bleu, rouge, orange, jaune et rose.

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