SOMEONE, Shapeshifter, un véritable chef-d’oeuvre

someone shapeshifterNouvel album disponible chez Tiny Tiger Records / Warner ADA

Cette chanteuse nous avait déjà offert du très beau et du très bon l’an dernier avec son Orbit II, elle revient avec un shapeshifter lui aussi de toute beauté, peut-être plus beau encore que son précédent album tel que le laissait suggérer son premier single Strange world au titre évocateur. La pop de la musicienne délaisse légèrement l’électricité pour nous proposer des chansons plus acoustiques, où les cordes apparaissent comme par magie et où sa voix fait des merveilles. shapeshifter est une bulle hors du monde où il fait bon se réfugier.

Fort heureusement, l’isolement lié au covid porte ici des fruits éclatants, aux goûts exacerbés par un semblant de liberté (celle de nos mouvements) retrouvée. Là où d’autres auraient ruminé, tourné les affres du confinent planétaire en un maelstrom d’une noirceur abyssale, ou d’autres auraient disjonctés en proposant une musique écervelée, simplement portée par des beats ravageurs pour engager le corps dans une danse tribale débridée, comme pour exorciser ces démons de la claustration, Someone, elle, opte pour un disque fait entre quatre murs, qui nous fait nous y sentir, ou qui, au contraire, y projette un nouveau monde fait de douceur, un horizon de possibles à atteindre.

Il faut dire qu’il est aménagé avec goût ce « entre quatre mur », avec des matériaux nobles, avec un esprit qui invite à s’assoir, à se laisser aller à la dérive légère, sans psychotropes, simplement portés par une boisson qui réchauffe le corps et nous permet une évasion, même fugace, d’un environnement pour le moins anxiogène.

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Du velours.

Alors la dame prend sa guitare, écrit, compose, flirte avec Mr Dylan himself (à la fois avec respect et pertinence), et s’en donne à cœur joie pour nous faire avancer dans ce monde ayant pris un tournant quelque peu surréaliste. Mais ne vous trompez pas, shapeshifter n’est pas mélancolique, il est au contraire mue par une volonté d’aller de l’avant, de ne jamais rester statique, abattu par le poids des événements qui nous entourent.

Il nous montre en effet notre capacité d’adaptation, notre volonté farouche de vivre, et notre capacité à surmonter des défis inimaginables. Ainsi, l’album est comme une vague qui viendrait s’étendre juste devant nous, nous invitant à rejoindre une plus vaste étendue, nous laisser dériver par le courant, en ayant confiance en son aptitude à nous porter là où nous devons nous rendre.

Sans parler d’euphorie, shapeshifter nous rend simplement moins tristes, plus joyeux. Il fait partie de ces œuvres qui éclairent notre route lorsque la nuit commence à éteindre le monde. Nous nous en remettons totalement à Someone pour nous guider, comme si sa présence nous rassurait, comme si elle repoussait loin tous les spectres qui rendent effrayant le monde.

Folk, pop, et spatial.

Nous retrouvons sur cet album des ambiances feutrées, boisées, qui se veulent parfois folk, parfois pop, parfois teintées d’un léger psychédélisme, voire surréalisme. Ces deux caractéristiques se font entendre notamment par le traitement en arrière-plan, par des apports électroniques très discrets, dégageant une profondeur spatiale tout sauf impressionnante, intimidante puisque dans une tonalité proche de celle des instruments acoustiques. Ils s’intègrent donc parfaitement dans l’univers et l’essence harmonieuse de shapeshifter. La basse est ronde, elle est pouls qui bat au niveau de notre tempe, nous rappelant que notre cœur bat au rythme de ces chansons sans âge mais qui évoquent, à l’image de ce titre très fortement inspiré du Blowing in the wind de Dylan (ici Blowin in the wind) des classiques intemporels.

Même sur ce titre fortement connoté, la personnalité de Someone étincelle, supplante celle du troubadour rock, pour imposer sa grâce aérienne, sans forcer le trait. Comme une pluie d’été qui rafraichit la terre, la voix de Tessa Rose Jackson, aux contours de velours, nous entraine dans cet album avec une exquise douceur. Posée, parfois presque timide, elle nous touche par la force de son interprétation. Plutôt que nous tirailler, elle nous offre la possibilité de la rejoindre, avec une sincérité touchante.

Sincère.

Nous sentons en effet que la musicienne y est d’une sincérité confondante. La mise à nu est totale, et propulse ce disque vers des sommets du genre. Nous y retrouvons des qualités rares, tant dans la production absolument sublime, que dans le propos et que dans l’interprétation. Ce disque est une véritable pépite, cohérente, homogène mais qui possède cette qualité primordiale que nous retrouvons dans chaque grand Album, à savoir que chaque titre, pris indépendamment, propose un univers qui lui est propre, sans pour autant, remis dans la globalité du LP, écraser les autres titres.

On rangerait volontiers Someone aux côtés d’une Joan Baez, d’une Joni Mitchelle, d’une Alisson Goldfrapp, d’une Feist, voire de quelques grandes figures du jazz.

shapeshifter peut être qualifier de chef-d’œuvre, sans exagérer. Il nous permet de découvrir son autrice dans sa dimension la plus personnelle, honnête. Elle rejoint avec ce bijou la catégorie des grandes du monde de la musique, assurément.

someone

credit photo : Bibian Bingen

LE titre de shapeshifter.

Choix délicat. Nous ne voyons aucun titre faible qui, forcément en dévoilerait un plus « fort ». La tracklist, parfaitement agencée, évite les moments d’égarement. Si des titres sont plus légers, ils sont intercalés avec ceux qui sont plus introspectifs, le tout formant un cercle où les sentiments, loin d’entrer en collision, forment une spirale de plaisirs s’auto-nourrissant. Nous faut-il réellement choisir un titre en particulier ? Si vous aimez la bossa et si vous aimez Paris alors vous aimerez sera Paris at midnight. Vous aimez les morceaux plus amples ? Vous aimerez celui qui donne son nom à l’album. Si vous aimez être touché en plein cœur vous apprécierez fortement Strange world, One by one, I’m not leaving. Enfin, si vous aimiez Orbit II, vous aimerez y retrouver un peu de cette ambiance sur Health, Empathy et Nothin really mather.

Au risque de nous répéter, ce disque est un chef-d’œuvre. Or, d’une telle pièce, nous ne pouvons rien retirer de peur qu’elle s’effondre sur elle-même. Ce disque se savoure donc dans son intégralité, quoi que vous en pensiez. Magnifique.

La musicienne sera le 03 novembre en concert au Pop-up du label. Une belle occasion pour découvrir son univers !

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