ROSIE MARIE, Egon, nouvel EP

rose marie egonSortir des mauvais sentiers.

Nous entrons presque sur la pointe des pieds dans ce nouvel EP de Rosie Marie. Egon nous donne en effet l’impression de pénétrer dans l’intimité de l’artiste, d’être en quelque sorte voyeurs involontaires d’une scène que nous ne devrions pas voir. Pourtant, sans exhibitionnisme aucun, la musique de la chanteuse dépeint au contraire, à travers des aspects pop autant que chanson française, la banalité de relations amoureuses chaotiques.

Là où la chanson française « réaliste » a tendance à pas mal nous irriter, Rosie Marie rétorque avec une musicalité qui lorgne une pop raffinée. Arrangements, effets discrets, qualité d’enregistrement, toute l’enveloppe sert à merveille une voix, douce, expressive, rehaussée de choeurs célestes. Piano, batterie (pas d’électropop ici, merci!), claviers, basse inspirée aussi, tout concourt à porter les textes vers l’avant.

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Texte « chanson ».

Si l’aspect chanson française nous tape aux tympans, nous devons admettre que Rosie Marie nous propose des textes très travaillés qui ne manquent pas de nous séduire par le choix du vocabulaire qu’ils emploient. Nous ne sommes pas dans des textes plats, creux, vides de sens, ni, par opposition dans des textes qui cherchent à en imposer. Ils sont à la fois simples, directs, mais également riches, usant d’un vocabulaire que l’on ne retrouve guère chez la concurrence. Plus exactement, il n’y a aucune facilité, aucune suffisance, au contraire une exigence à imposer une patte faite de délicatesse.

Cela apporte une sorte de distanciation qui agit comme un aimant. Nous voulons décrypter chaque mot, ouvrir chaque tiroir qu’il entrouvre, pour voir ce qui se cache tout au fond. Les lignes de chant portent à leur tour le frêle édifice avec une grâce aérienne, mais aussi sensiblement viscérale. Si l’idée d’émancipation de la femme y est évoquée, elle ne l’est jamais par les prismes ostentatoires, un peu bas du front que l’on a l’habitude d’entendre lorsqu’on allume la radio.

En deux mots, Rosie Marie fait dans la dentelle, pas dans la toile de jute.

Mélancolie joyeuse.

Même si les thèmes sont plutôt graves, enfin toutes proportions gardées, la mélancolie semble y être à peine présente, remplacée par un esprit combatif, insoumis. Mieux, Je pleure le dimanche, titre où la mélancolie est évoquée dans le refrain, repose sur une base disco des plus convaincantes, comme si d’un revers de la main son autrice décidait d’assumer cette part de tristesse, avec l’idée en tête que demain rayonnera de mille feux.

Si les blessures sont exposées, elles semblent toutes en voie de cicatrisation. Nous sommes dans un disque de « l’après », un disque de « celle qui s’en est sorti » et qui permet à la reconstruction. Il est synonyme à notre sens, d’un cri d’espoir, de celui qui dirait « ce n’est pas parce que aujourd’hui la fenêtre s’ouvre sur un mur de brique que demain rien ne fera tomber ce qui nous gâche la vue ». Autrement dit, il part d’une situation concrète, pas forcément heureuse, qui a été laissée derrière. Si l’avenir s’avère incertain, il est en revanche débarrassé de ce poids.

Et après ?

Justement, après, tout est possible. À la fois de se reconstruire, de retrouver une essence et une confiance en soi que l’on avait oubliées. Et musicalement, cela peut donner l’occasion à Rosie Marie de continuer à avancer dans le sillage qu’elle a créé, celle d’une pop qui a préféré d’être intelligente que vide de sens, autant musicalement que textuellement.

Nous n’avons aucun doute sur le fait que, même si les thèmes évoluent, changent, elle saura trouver à chaque fois les mots justes pour exprimer ce qui parfois ne l’est pas (ou du moins qui reste difficile). On attend donc déjà la suite, même si cet Egon et ses 6 titres peuvent nous faire patienter de longs mois par la richesse qui le caractérise.

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