PLEINE LVNE, Heavy heart, expulser ses démons.

PLEINE_LVNE_Heavy_HeartPremier album disponible le 22/10 (autoproduction).

Avancer, coûte que coûte, braver les tempêtes qui soufflent sous notre crâne, croire en ce chemin que l’on s’est tracé, même si les obstacles le jalonnent, même si c’est dur, même si vos errances se mettent en travers de votre vie. Enregistré seul dans son home studio, Heavy Heart, premier album de Pleine Lvne est le symbole de ce besoin primal d’expression, mais aussi ce besoin d’évacuer, peut-être une bonne fois pour tout, certains de ses démons.

Pleine Lvne, nous vous en avions déjà parlé. Mais depuis, de l’eau a coulé sous les points et le projet d’alors, en duo, s’est mué en projet solo. Seul aux manettes, Nicolas Gasparotto entreprend, début 2020 de mettre en chantier ses envies. Il décide de le faire accompagné d’un ami, mais une grippe violente, puis le confinement lié au covid retarde le processus. Une fois cette période d’enfermement terminée, et après le retrait de l’ami en question du projet, deux options s’offrent à Pleine Lvne : poursuivre ou arrêter. Comme une question de vie ou de mort, la deuxième option est choisie.

Alors, seul, il écrit, enregistre, masterise 7 titres, auxquels s’ajoute un huitième titre, un morceau instrumental qui boucle la boucle. Et le résultat global est bouleversant.

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Post folk ardent.

Ne vous attendez pas à des morceaux épiques, ou pastoraux. Ici, tout est nimbé d’une noirceur épaisse, d’une mélancolie qui vous colle à la peau. Heavy heart est poisseux, écorché, en témoigne à la fois les sonorités de guitares et le travail sur la voix. Nous sentons en effet cette rugosité qui prouve que les compositions sont taillées dans l’os, sculptées au plus près de l’âme du musicien. L’intime se dévoile, dans une nudité hallucinante, qui nous percute comme un train lancé à pleine allure, nous terrasse, et surtout entre en résonance avec ces sentiments qui nous habitent tous, d’une manière plus ou moins consciente, plus ou moins présente.

Nous sommes en présence d’un disque épuré. Pas de chichi, pas de démonstration malsaine d’un moi surgonflé. Juste un homme qui exprime ce qu’il a sur le cœur, dans la tête. Il y exprime ses fêlures, ses gouffres, ses abysses, son mal-être, sa mélancolie, sa tristesse, ses angoisses. Le fond est sombre, comme la chambre d’enfant dans laquelle rôdent de terrifiants monstres une fois la nuit venue. Mais ces monstres existent bel et bien, ils sont ceux qui sont dans notre tête, qui nous habitent, qui cherchent la moindre petite brèche pour s’exfiltrer de notre enveloppe et venir dévaster nos existences.

Lumière.

Pourtant, si l’album est une catharsis pour son auteur, il ne sombre jamais dans le pathos, dans une noirceur sans espoir. Certes, la mélancolie nappe tous les titres (ou presque). La dépression semble avoir tissé une chrysalide autour de Pleine Lvne, dans laquelle il s’est enfermé, longtemps. Le moment venu, celle-ci s’est déchirée pour laisser place à un homme neuf, peut-être moins écorché vif, peut-être moins triste. Comme un disque pieux, sacré, Heavy heart cache une lumière puissante, de celle qui troue l’obscurité, qui nous permet d’effectuer un pas après l’autre, avec la conviction qu’il faut continuer le combat, à la fois contre nous-mêmes, contre ceux qui ne nous veulent pas du bien, et à la fois contre la vie qui veut nous embarquer dans ses travers.

Le travail sur le son aide en cela. Il y a cet effet incroyable sur la guitare. Presque toujours électrifiée (comme pour amplifier ses notes mineures qui symbolisent bien souvent les sentiments les moins joyeux), elle possède un grain particulier, comme si chaque note était roulée dans la poussière, empêtrée dans les toiles d’araignée de notre inconscient, là où jamais nous ne mettons jamais les pieds (c’est là où rôdent les monstres les plus terrifiants en somme). Il en va de même pour la voix. Elle dégage cette sensation que Pleine Lvne s’adresse à nous, sans aucun filtre (même si elle est légèrement trafiquée elle aussi des fois). La pudeur est présente même si elle est exprimée de manière crue, violente.

Solitude.

Pourtant, derrière ce qui saute littéralement aux oreilles pendant les premières écoutes, c’est la sincérité qui ruisselle à chaque morceau.C’est aussi une douceur, de celle d’un « grand frère » qui nous tendrait la main pour nous dire « tu n’es pas seul/seule ». Le contraste entre cette douceur et la noirceur nous donne envie de pleurer, et de nous interroger sur la main qui lui a été tendue, à ce grand frère.

Peut-être que ce qui nous touche tant, c’est cette solitude qui enrobe l’ensemble de Heavy heart. Cette solitude qui peut être un moteur, une force si elle est exploitée correctement. Mais même ainsi, elle reste un fardeau, une croix à porter, qui ne peut trouver de réconfort que dans le partage de ce qui nous est le plus précieux.

Pleine Lvne ose, avec cet album, s’attaquer à ce qu’il couvait en son âme. En le mettant en pleine lumière, il dégage un espoir fou, un point de mire pour tous ceux qui semblent perdus dans leur vie. Ce point de mire, c’est celui d’un ailleurs un peu plus clément, d’un avenir un peu plus serein, un peu moins solitaire, celui qui nous fait nous dire qu’effectivement, nous ne sommes pas seuls.

LE titre de Heavy Heart.

Put your black clothes on nous fait un effet terrible. La guitare y est acoustique, le rythme le plus enlevé de l’album, à la manière des folks songs joyeuses. La seule différence, c’est ce mantra qui le hante à la fin « I was fucking sad / I was fucking down». Le chant est habité, l’effet est terrible sur notre psyché. Cet effet exorcise aussi une part de notre mal-être, de celui de Pleine Lvne aussi. Et il trouve, ce morceau, un baume apaisant dans celui qui le suit, le très doux, tendre, Purple water, morceau apaisé qui nous montre aussi que l’agencement d’un album est une force.

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