[ALBUM] ORDER 89, L’été des corbeaux // mauvais garçons

order 89 l été des corbeauxRentrez dans l’ordre.

Même les mauvais garçons (les filles peuvent être de mauvais garçons aussi) ont des sentiments. Et quand il les exprime, c’est un romantisme forcené qui vient nous percuter de plein fouet. Avec L’été des corbeaux, Order 89 nous livre un album brûlant, incandescent, intense, vivant.

Cueillis à froid par Gangster, la cold wave du combo nous place d’emblée dans un univers duquel nous savons que nous ne pourrons ressortir indemne. Chant hyper stylisé (on aime ou pas, nous on adhère), production old school, c’est un retour dans les années 80 qui s’impose à nous, sans passer par la case départ, sans rafler le pactole. Guitares et claviers froids, cliniques, synthétiques, basse à mi chemin entre disco et punk, batterie/programmation minimale, l’effet est prenant, sans fioritures, plus vrai que nature. Pas besoin de Delorean pour voyager dans le temps, le groupe parvient, en une poignée de secondes à nous rajeunir de près de quarante ans.

Chant arrogant.

Le premier élément qui nous rétame, c’est ce travail sur le chant, les voix. Elles sont ici arrogantes, pleine de morgue, ne prennent pas le temps des courbes mais celui des arêtes saillantes. Hyper stylisées, presque caricaturales, elles permettent à une identification à tous ces groupes se réclamant de The Cure, Joy Division et autres. Mais en français dans le chant. Mais sans aller jusqu’à sonner Indochine (et autant vous le dire, si ça avait été le cas, nous aurions pris un sac à caca pour jeter une telle déjection à la poubelle).

Non, fort heureusement, nous percevons l’envie d’esthétiser à outrance ces lignes de chant. Leur efficacité s’en trouve décuplée, nous prend à témoin, en réveillant le passé, que l’histoire est un éternel recommencement. Mais quitte à recommencer, autant le faire en y mettant les formes, et en le modernisant. Si le clin d’oeil vocal est certain, il en est tout autre pour la musique.

40 ans sont passés par là.

Évidemment, les aspects new wave/cold wave sont flagrants. Néanmoins, le travail de production nous prouve à 100% que nous ne sommes plus dans les années 80, les tics de ceux-ci ayant été en partie gommés. Pas de peaux de batterie détendues à l’extrême, pas de réverb de mauvais goût et un petit apport électro pas déplaisant du tout. De plus, nous trouvons dans les rythmiques un aspect tout à fait récent, qui nous prend aux tripes et nous invite contre toute attente à la danse.

En effet, si l’instrumentation se veut (relativement) froide sur L’été des corbeaux, elle ne laisse pas indifférente au niveau de son impact sur le corps. Sans doute parce que la basse s’en donne à cœur joie. Peut-être parce que les guitares sont plus acérées qu’il n’y paraît. Sans aucun doute parce que la batterie porte un souffle dévastateur. Si elle s’avère relativement minimaliste, sans effets superflus autrement dit, elle est absolument impeccable et décuple le pouvoir de la basse. Parfois secondée par des programmations, elle ravage nos dernières réticences.

Modernité des paroles.

Mais ce qui apparaît en deuxième lecture, derrière ce qui saute littéralement aux oreilles, c’est-à-dire la musique, ce sont les paroles qui nous plongent dans le grand bain des années 2020. Certes, les années 80 surfaient sur les ruines du punk et d’un certain ras-le-bol générationnel, nous sentons ici une urgence folle, et un romantisme qui a décidé de renaître de ses cendres. La poésie d’Order 89 est de celles qui s’imprègnent du bitume, des tours, d’un paysage urbain aseptisé mais qui tend à se diriger vers l’âtre d’une cheminée, dans une maison gothique, peut-être un peu flippante, mais derrière les murs desquels s’assouvissent quelques passions interdites.

L’écriture est au corbeau, euh au cordeau, et ne laisse aucune place à l’approximation. L’accent est autant mis sur le sens des mots que leur rythme (suppléer par le chant, marqué). La poésie est partout, métaphorique, et chacun est libre d’y voir ce qu’il veut en suivant cependant le chemin esquissé par Order 89. L’impression étant que ce disque s’adresse à nous, est écrit pour nous, pour nous amener à réveiller nos pulsions secrètes, nos compréhensions cryptiques. Ainsi, les trois éléments chant/musique/paroles s’imbriquent à la perfection pour nous livrer un album qui laisse tout sauf indifférent, s’auto-nourrit d’énergie et de cette aura magnétique propre à Order 89.

L’été des corbeaux s’avère donc une réussite à la fois stylistique et musicale de laquelle nous ressortons des images plein la tête (et des mélodies à n’en savoir quoi faire). Alors, rejoindrez-vous aussi l’Ordre ?

LE titre de L’été des corbeaux.

Les nuits sauvages. Parce que le morceau est sauvage. Base rythmique pénétrante, peu d’amplitude, tout est ramassé, percutant. Le feu sacré y est, assurément dévastateur. Tout commence dans la foulée de La chasse aux sorcières, avec un climat angoissant. Quelques notes de synthés renforcent l’aspect inquiétant avant qu’un beat électro impose le tempo. Basique. La voix se superpose, grave, sans souffle (une voix de vampire, presque). Adjonction de guitare, de basse, le titre prend de l’ampleur, toujours contenue, nerveuse, brulante comme de l’azote liquide.

Il y a un côté épique. La nuit sauvage les loups hurlent à la lune, se déplacent en meute, sur une mélodie addictive, qui se colle à la peau, qui nous transforme en bête carnivore, avide de vie, de ce qui en fait le sel. Frôler la mort comme pour mieux se sentir vivant, Les nuits sauvages procure ce même sentiment d’urgence et de concrétisation de l’existence. Imparable et dévastateur.

Revoir la vidéo de Gangster 

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