NICOLE FAUX NAIV, Moon Rally

Nicole faux naiv moon rally1er album disponible le 08 avril (Pias/Bronzerat records)

Les premières secondes d’un album sont absolument primordiales car elles en disent déjà beaucoup sur ce que le disque va montrer. Moon rally, premier album de Nicole Faux Naiv, mais également morceau qui ouvre l’opus, ne fait pas exception à la règle. En à peine 10 secondes, nous découvrons un univers fait de multiples éléments qui, comme un puzzle venant d’être sorti de sa boîte, se retrouve éparpillé aux quatre vents. Il convient de tout remettre dans le bon ordre pour obtenir le motif escompté.

Tout commence par un lieu, un endroit où l’on se pose. Pour Nicole Faux Naiv, il s’agit de l’Allemagne, de Berlin. Si elle est native du pays, ses parents sont, eux, soviétiques, faisant que très vite, la jeune fille parle les deux langues. Et comme beaucoup de ces enfants nés entre deux cultures, elle se forge une identité rien qu’à elle, en puisant dans l’une et dans l’autre pour se faire sa propre personnalité.

Empruntant à des codes soviétiques (celle de vieux films d’animation, du cinéma, des musiques aussi), et à ceux plus occidentaux, elle ne tarde pas à élaborer sa propre musique, qui navigue entre chant en russe et chant en anglais, dans une atmosphère n’appartenant qu’à elle, entre douce nostalgie, légère mélancolie évanescente, et quelque chose de plus intime faisant tout le charme de cet album à part.

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Le bonheur d’une voix.

Le premier élément qui nous touche dans la musique de Nicole Faux Naiv, c’est ce chant, qui ne ressemble pas vraiment à celui d’autres chanteuses pop. La voix de l’artiste y est douce, porte en elle encore un peu d’enfance, notamment décelable lorsqu’elle s’attaque à des parties un peu plus a capela. On y décèle une petite imperfection hyper craquante, comme on pouvait par exemple la retrouver dans le Lemon incest de Gainsbourg avec Charlotte, ce genre d’instantané vocal impossible à reproduire et qui pourtant montre tout d’une âme.

Ainsi, ce chant, est plein de personnalité, et celle de Nicole Faux Naiv semble regorger d’une forme de légère timidité, de manque d’assurance, de ce petit truc échappé de l’enfance et qu’elle aurait su garder précieusement au chaud, près de son cœur. Ce chant évoque aussi, par certains aspects, notamment sur un titre comme Tomorrow was a summer day in 2001, certains dessins animés de notre enfance. Ce n’est pas totalement improbable puisque la musicienne s’est en partie inspirée, pour cet album.

De la même manière, ses lignes de chant dégagent elles aussi cette capacité à être fredonné en boucle dès la première écoute. Simple, évidentes, elles ne sont pourtant pas téléphonées. Au contraire, Nicole faux Naiv ne s’épargne pas, va au-devant des difficultés qu’elle brave avec une grâce insolente.

Pop lunaire.

Cette voix se pose sur une pop lunaire, faite de nappe de claviers ressemblant parfois à des accordéons (sur le morceau Moon Rally par exemple), définissant sa bedroom pop avec une douceur liquide. La basse et la batterie sont souvent plus mordantes, imposent le cadre dans lequel la jeune femme peut s’amuser. Les guitares, un peu comme les claviers, nous donnent l’impression de se diluer dans les morceaux, leur confèrent des teintes gris bleuté, un rendu concret. Cependant, les contours un peu gommés par cette production sucrée rendent leur présence étrangement spectrale (à l’image de certains choeurs en arrière-plan). L’effet obtenu est celui qui nous amène à penser que l’artiste cherche, d’une façon ou d’une autre, à ressusciter une part perdue de son enfance.

Par nostalgie ? Parce que « avant, c’était mieux ? ». Impossible de le savoir, mais les jours heureux de l’enfance, ceux d’une totale insouciance, transparaissent dans la plupart des compositions. Avec une pointe de mélancolie. Pourtant, le disque n’est pas triste, il dégage au contraire une forme de gaieté bien particulière, n’appartenant qu’à lui, un parfum de barbe à papa ou de pomme d’amour, de bobo sur le genou et de bisous qui guérissent, sans pour autant que, jamais, la qualité de musique ne laisse à penser que c’est une enfant qui s’est attaquée à un tel ouvrage.

Sur les murs de cette chambre fantasmée se projettent des ombres nées de la clarté de la lune. Une part de rêve y est accrochés. Nicole Faux Naiv fait revivre, pour nous tous, ce parfum des petites choses qui nous sont chères, un parfum différent pour chacun de nous mais universel dans sa teneur même : celui d’un paradis perdu.

La grande classe.

Les compositions sont ambitieuses, mais nous sentons qu’elles n’ont pas été faites dans ce but, qu’il en découle une logique propre. Certains arrangements nous laissent admiratifs tant ils font ressortir, en quelques touches, des sentiments diffus, très difficilement explicables, mais pourtant primordiaux pour expliquer la réussite de l’album. Il en va de même avec les lignes de chant qui par moments se montrent un peu blasées, un peu lasses. Comme si se souvenir puisait une bonne part d’énergie chez la musicienne.

Pourtant, jamais Moon rally ne marque le pas. Jamais il ne s’essouffle, toujours il parvient à capter cette étincelle de vie, ce battement de cœur qui refuse d’abdiquer. Et nous puisons dans cette énergie discrète pour partir à l’assaut d’une nouvelle journée faite d’inconnu, de petites victoires, de joies puissantes. Cet album, c’est un peu tout ça, mais c’est aussi tellement plus.

LE titre de Moon Rally.

Étonnamment, les deux titres en russe (et A cry from the backyard qui est intercalé entre) sont d’une beauté incroyable et rappellent la splendeur de ce peuple fier. Nous y sentons l’artiste totalement dans ce qu’elle désire exprimer de cette part d’enfance qu’elle voulait capturer et figer sur le disque. Mais pour nous, le titre de l’album est le magnifique Sunday’s Child, le plus bref du disque. Sa concision, loin d’être un défaut (il fait tout de même presque 3 minutes) est un atout majeur. Sa mélodie douce, son rythme mélancolique, tout concourt à nous embarquer dans une comptine nostalgique et romantique.

La douceur, mais aussi une blessure que l’on imagine mal soignée y sont très présentes. Elles font de ce titre, sans pathos, un terrible tire larme, sans doute car nous y sentons une sincérité nue en jaillir comme un lapin sortant du chapeau d’un magicien. Même si c’est attendu, on reste pourtant émerveillé. Mis également en valeur par les morceaux qui l’entourent, Empty Summer et In the stairwell, Sunday’s child éblouit par sa simplicité et sa pudeur et marque une deuxième moitié d’album d’une insolente beauté.

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