[ALBUM] MINA, Rien de spécial // auteur & chanteur

Rien de spécial, album de Mina (avec Heptanes Fraxion dedans).

Brouiller les pistes, faire s’entrechoquer les lignes, la poésie avec un son parfois hargneux, comme pour dérouter le long fleuve tranquille d’une pensée perturbée. Ou bien est-elle saine cette pensée, peut-être même qu’elle ne retranscrit que le monde qui l’entoure, dans sa folie, dans sa beauté cynique. Mina, c’est Rien de spécial, mais c’est déjà beaucoup.

Musique & poésie.

D’autres s’y sont frottés auparavant. Les deux ne font pourtant pas toujours bon ménage, et dur sont les chutes quand certains tentent le challenge un peu fou de les marier. Mais dans le cas présent, ça fonctionne à merveille. Car les mots/maux d’Heptanes Fraxion, couplés à sa voix engagée, pas toujours parfaite, notamment quand il ne déclame pas mais s’essaye au chant (sur Le trou par exemple), font mouche. Ils sont un constat d’existences parfois fracassées, parfois à l’arrêt. Car ces textes sont comme des photos, des instantanés qui prennent vie comme ça, l’espace de 3-4 minutes, ce qui est souvent assez pour dépeindre une vie dans ses moindres détails.

C’est étrange car, que ce soit avec Mina ou en duo avec Cassan sur Ô, la musique est un cri primal, une pulsion obsédante dévastatrice, un cataclysme qui retourne tout, jusqu’à nos certitudes. Boucles perforatrices de carapaces, les motifs se font pénétrants, insistants, ne nous laissent aucun répit, et c’est tant mieux, car cela nous prouve simplement qu’il nous dérange, donc nous fait réagir.

Electro-rock.

Nous retrouvons ici une essence électro-rock, grunge (Rien de spécial), punk (l’ensemble) une onde de choc qui n’est pas faite pour plaire mais pour entraîner un jeu d’action/réaction horizontal. La musique n’est jamais en arrière, jamais non plus tout à fait en avant. Si la voix se distingue bien, elle n’est pas non plus exagérément placée aux avant-postes. L’équilibre existe, il fragilise notre écoute, crée une espèce d’entité d’où nous ne retenons, une fois, que le chant, une fois que la mélodie.

Elle est signée, cette musique, Bleu russe (aka David Litavicki). Si nous sommes dans une musique du corps, elle s’élance parfois dans une sorte de pop proche du psychédélisme (dans le sens premier du terme sur le même Le trou, sur J’aime aussi). L’aspect enchanteur tranche avec des punchlines du type « mieux vaut être enfermé à cause de toi/qu’être enfermé avec toi ». Les guitares, hormis sur ce titre, sont plutôt tranchantes, posées sur des rythmiques massives, puissantes.

Pas de deux.

L’impression générale laissée par cet opus est que musique et texte sont finalement indissociables l’un de l’autre. Plus qu’un poète qui poserait sa voix, plus qu’une musique qui ne voudrait vivre que par elle-même, c’est une forme d’union sacrée qui opère ici. Sous la forme d’une entité noire qui délivrerait son fiel au fur et à mesure de la linéarité d’un morceau, Mina nous hante, nous habite, nous laisse parfois épuisés après son passage.

Mais comme nous l’évoquions, c’est comme pour mieux nous apprendre à vivre, à observer le monde qui nous entoure avec des yeux tout neufs. À, également, tenter de percevoir ce qui ne se voit pas, ne se dit pas, ne s’explique pas. Comme s’il convenait que nous ouvrions un peu plus les yeux, ou que nous les détachions de nos smartphones, pour contempler les nuances qui nous entourent. Ce qu’assurément propose Mina avec presque rien, ou en tout cas avec rien de spécial.

Le titre de Rien de spécial.

Ben Mina. Parce que c’est un des seuls qui n’use pas de la guitare électrique au premier plan, mais d’une guitare folk. Il nous fait un peu penser, comme ça, à un morceau de The delano orchestra, par la rage (musicale) s’exprimant crescendo tandis que la voix reste sur une tonalité relativement neutre. Le contraste apporte une touche abrasive certaine, un décalage intention/résultat qui nous fait bien vibrer comme il faut.

Loin du folk, c’est plus vers une forme de punk que se tourne ce titre qui paradoxalement nous électrise. Et il le fait simplement en nous expliquant qui est Mina. Alors, qui est-elle ?

Mina Haptanes fraxion bleu russe

relire le portrait d’Heptanes Fraxion, auteur du mois de novembre et relire son poème Trampoline des émotions contradictoires. Relire également la chronique d’Errer me muscle, son recueil de poésie, la première partie de son interview et la deuxième partie de son interview

Bandcamp de Mina

Retrouver Litzic sur FB, instagram, twitter

soutenir litzic

Ajoutez un commentaire