MESKEREM MEES, Julius (déjà disponible chez Mayway records)

meskerem mees juliusOriginelle.

Il y a des disques qui s’écoutent d’une oreille distraite. Il y ceux qui ne s’écoutent pas du tout. Et puis il y a ceux qui ne nous lâchent pas d’une semelle, comme si nos tympans étaient directement soudés aux microsillons d’un vinyle au son craquant comme le feu dans l’âtre de la cheminée. Un disque qu’il fait bon écouter quand la tempête gronde, quand la chaleur quitte nos membres, quand tout semble avoir le même goût fade, insipide. Avec la lumière de sa voix, et celle de sa six cordes, Meskerem Mees, et son Julius, font partie de cette dernière catégorie, de façon certaine.

Pourtant, il n’y a pas grand-chose dans cet album. Juste une voix, une guitare, quelques cordes, parfois, et c’est tout. Oui, mais quelle présence ! Quelle chaleur ! Ici, impossible de laisser vaquer son oreille à une autre occupation que l’écoute assidue de ces 13 pièces d’orfèvrerie folk, à l’ancienne, c’est-à-dire sans ajouts numériques, sans production surtravaillée (même si le son est d’une pureté absolue). Non, tout réside dans ce feu sacré qui semble s’échapper de l’être même de Meskerem Mees.

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Un blues ancestral

Meskerem Mees, elle est belge, or la Belgique n’est pas le pays du folk tel que nous l’entendons. On imagine plus un monde peuplé de cow-boys, d’indiens, ou pourquoi pas de clochards célestes. Mais si elle est belge, elle a des racines éthiopiennes. Et cela, en fait, ne change rien, si ce n’est peut-être qu’elle porte, au fond de ses gênes, un peu du blues de ce pays d’Afrique où la musique est une richesse ancestrale.

Quoi qu’il en soit, la magie opère dès l’entame du disque. Seasons shift ouvre le bal, presque timidement. La voix en avant, la guitare folk légèrement derrière, un petit effet de réverbération sur les cordes vocales, rien d’autre, si ce n’est un violoncelle. L’émotion jaillit de la sobriété de l’ensemble, de la passion de la voix, de mots qui sont ici contés avec une délicatesse aérienne, même si nous sentons bien que tout ici à rapport avec cette terre que nous foulons jours après jours.

La voix étincelle, elle vibre comme nulle autre, pareillement à celle de grandes dames de la chose folk. Sa personnalité réside dans sa beauté première, celle qui surgit lorsque le propos est sincère, jamais corrompu par le besoin de se mettre en avant pour autre chose que le propos que l’on sert. Cette sincérité ressort de toutes les compositions.

Lassitude aux abonnées absentes.

Si la base musicale est épurée, laissant craindre par moments que nous puissions sombrer dans une passivité de mauvais aloi, il n’en est fort heureusement rien. Les arpèges sont inspirés, les compositions, répondant aux codes de la musique folk, n’en restent pas moins modernes, alternant les rythmiques, jouant parfois sur quelques silences, comme pour porter aux nues une vérité sans âge et une émotion que nous sentons communicative.

Mais avant tout, ce sont les mélodies vocales, les lignes de chant qui font mouche. Avec une élégance rare, Meskerem Mees nous intègre à ses histoires, nous ramène sur les terres africaines qui sont celles de ses aïeux par quelques motifs qui ne trompent pas (Blue and white). Pourtant, si ce titre par exemple semble effectivement inspiré par l’Afrique, les quelques notes de piano à la toute fin ramènent le tout en pays occidental. Queen bee, qui lui donne immédiatement suite, nous propulse direction les États-Unis avec un presque rock, cordes grattées, qui fait office d’exutoire.

Une certaine idée de joie.

Même si nous sentons parfois surgir une légère pointe de mélancolie, Julius est avant tout un disque qui fait du bien, car justement il repousse cette sensation un peu triste grâce à la puissance de la chanteuse, un chant qui repousse les nuages par sa seule conviction. De la même manière,nous ressentons une artiste qui mène sa barque comme d’autres mènent un combat, c’est-à-dire avec force et intelligence.

Julius nous fait donc un effet terrible, nous happe véritablement, nous englobe dans la pureté absolue qui s’en écoule avec une presque « lenteur » (ce qui n’a rien de péjoratif) totalement à contre-courant de la frénésie ambiante. Et cette voix, cette chanteuse, cette compositrice aussi, à même de nous émouvoir avec si peu d’artifice, avec une pudeur incroyable, démontre un énorme talent. L’avenir s’avère donc plus que prometteur, Meskerem Mees étant déjà, à ne pas s’y méprendre, un grand nom de la scène folk.

LE titre de Julius.

Nous aimons beaucoup Where I’m from, pour son mélange de tension/relâchement, pour l’apport d’une flûte aussi, jusque-là jamais entendu sur l’album (le titre est en avant-dernière position), pour ce pont qui une fois évanoui laisse place à une rythmique trépidante, voix+choeur qui apportent une dimension à la fois légèrement dramatique mais aussi une énergie vive. L’émotion gagne par la densité de ce titre, le moins minimal de l’album, le plus « jazzy » aussi.

Pour nous, il dégage presque une atmosphère gospel par sa charge émotionnelle. Il est intense, mais son pont alangui, qui nous berce, en trompe l’oeil si l’on connaît la suite, montre aussi un art de la composition plus poussé qu’il n’y paraît. Du coup, à la seconde écoute de l’album, puis de celles qui suivent, nous y prêtons plus attention encore, à ces compositions qui n’ont rien de répétitives ou de si classiques qu’il n’y paraît.

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