MARTA DEL GRANDI, Until we fossilize (Fire records)
Premier album disponible le 05/11
Until we fossilize, un titre qui évoque le temps qui passe, qui peut être ne laissera rien de nous. Un notion minérale, comme sur la photo de l’album où l’on voit l’artiste italienne en bleu électrique sur fond de carrière, aux pierres blanches, évoquant un peu du marbre. Sa musique, mélange de folk aux arrangements et à la délicatesse jazz, d’électricité contenue, d’un chant aux évoquant une pop qualitative, ne manque pourtant pas d’une certaine forme de chaleur, dans un genre qui n’appartient qu’à elle.
Ainsi, c’est un album que nous découvrons par petites touches, discrètes, comme par peur d’effrayer un oiseau trop farouche, trop épris de liberté pour se faire capturer dans un genre musical quelconque qui lui couperait les ailes.
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Une base folk.
Le premier aspect qui saute aux oreilles, c’est d’avoir affaire à une folk « d’ailleurs », un peu à la manière d’une Agnes Obel. Une beauté froide, en quelque sorte, mais qui pourtant insémine, dès les premières notes de Taller than his shadow, un parfum de sacré, d’indépendance.
L’ambiance y est musicalement oppressante, la voix aérienne. Un contraste entre la furie d’un orage qui pourrait se déclencher sur fond d’un ciel sans aucun nuage. Un peu intimidés, nous pénétrons les lieux sur la pointe des pieds, conscients que la dame possède une aura qui rayonne bien au-delà des note qui s’évanouissent dans un larsen qui s’éteint.
Shy heart nous rapproche d’Agnes Obel, mais sur fond d’arpège de guitare légèrement électrifié, avant que ne survienne rapidement un violoncelle, majestueux, apportant une touche de gravité à un titre qui dégage un romantisme discret (mais bel et bien présent).
Une production à minima.
La production joue sur un nu délicat. Peu d’effets, comme une prise en live de laquelle tous les artifices auraient été bannis. La voix y est pure, techniquement parfaite, émotionnellement pudique. Elle possède pourtant un feu qui brûle lentement, mais un feu captif d’une prison de pierre.
On pense à Jesca Hoop par certains aspects, dont celui de conteuse. Car il y a quelque chose qui tourne autour de ces compositions, quelque chose de l’ordre du conte, une gravité cachée derrière des atours légers. Cette légèreté apparaît par le caractère épuré de la production, mais également par la place laissée libre aux notes pour qu’elles investissent les silences, comme le ferait, dans le noir, une bougie bousculée par le moindre souffle et dont la lumière, fébrilement, trouerait l’obscurité.
Amethyst nous bouleverse, notamment par ce jeu de double voix, par l’intensité qui se dégage, farouche autant que violente. Parce que sur ce titre, l’ombre de la chanteuse nous cache de toute la lumière qui émane du ciel. Paradoxalement, c’est un caractère presque pieux qui s’échappe d’un titre comme Somebody New, comme pour mieux nous contredire et jouer les troubles fêtes..
Un caractère minéral.
Cet album nous donne l’impression d’être massif, une véritable montagne à escalader. Même s’il est aisément accessible, chaque titre est si ardent qu’il demande à être pris séparément des autres, un peu comme si nous gravissions cette fameuse montagne par étapes successives afin de préserver nos forces. En prenant le disque d’un bloc, nous pouvons presque ressentir l’impression de nous encastrer dans un mur. En prenant Until we fossilize titre par titre, c’est la magie intrinsèque de chaque morceau qui s’échappe de ce tout homogène.
Les émotions sont brutes, du moins celles qui nous assaillent. Sans doute parce que Marta Del Grandi réussit à viser juste là où elles sommeillent, quelque part au niveau du plexus solaire, de l’âme. Et puis, en usant du caractère épuré de sa musique (Lullaby Firefly étant minimaliste à l’extrême avec ses percussions à peines audibles et un travail sur les choeurs lui aussi épuré, aux abords d’un chant tribal ou troglodyte), elle nous place aussi face au blanc, aveuglant, de nos pensées qui jamais ne prennent véritablement la lumière du jour.
Comme un catalyseur, la voix de la chanteuse parvient à nous tirer de notre torpeur, à réveiller nos émotions, mais sans jamais nous mettre en danger. Elle rassure autant qu’elle intimide, elle délivre une force monumentale, presque monolithique, alors que nous sentons aussi sa fragilité affleurer des lignes de chant. Ce disque, concentré de paradoxe, nous laisse groggy. Parce qu’il est assurément sincère, parce qu’il s’avère original dans son traitement et qu’il nous fait simplement réaliser à quel point nous sommes fragiles.
LE titre d’Until we fossilize.
Amethyst nous fait une grosse impression, nous l’avons dit, mais le morceau d’ouverture aussi. Il plante le décor, nous indique la teneur de l’univers dans lequel nous allons évoluer durant le temps de l’album. D’ailleurs, nous sentons que ce titre trouve une articulation à mi album avec Somebody New, avant de trouver un point final avec Totally Fine, titre légèrement hispanisant, qui apporte enfin une lumière dénuée de la moindre trace d’orage.