L’EFFONDRAS, Anabasis, post rock crépusculaire.

l'effondras anabasis3é album disponible le 21 mai chez Medication Time, Araki, Kervinou et 98dB

Nous avions eu vent de L’Effondras à travers son deuxième album, Les Flavescences, album que nous avions d’ailleurs chroniqué en d’autres lieux (mais comme l’album vaut amplement le détour, il n’est pas impossible que nous vous repostions le papier quelque part). Le trio, composé de Pierre Lejeune, Raoul Vignal et Nicolas Bernollin nous propose une musique 100% instrumentale, aux lueurs crépusculaires et post apocalyptiques du post rock le plus viscéral qui soit. Anabasis, son nouvel album, s’apprête à sortir, et nous ne pouvions décemment pas faire l’impasse dessus.

L’effondras s’inspire de groupe comme Mogwai, notamment dans ses sonorités de guitare et cette façon de poser ses arpèges, bouffées d’oxygène dans le caractère parfois (souvent) oppressant des compositions. Ceux-ci dispensent en effet un peu de douceur, un peu de légèreté là où la batterie, les distorsions et une basse monolithique imposent, elles, des contours âpres, parfois étouffants. Car tout repose ici sur les ambiances, camaïeux de noirs, gris foncés, avec des pointes bleues marines, bleues nuit profondes et insondables, ou pourpres abyssaux. La musique du groupe est un trou noir, qui absorbe notre énergie, qui se mélange à son sang, sans jamais nous le restituer complètement.

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Massif.

Ainsi, le premier pas dans l’univers d’Anabasis s’avère une chute sans espoir de retour. En sommes-nous conscient ? Oui, trois fois oui ! Franchissons-nous ce pas ? Assurément. Le regrettons-nous ? Pas du tout ! Plonger dans la musique de L’effondras, c’est avoir conscience que nos sens vont être rudoyés, que notre cœur va battre un peu plus vite, un peu trop fort. C’est également savoir que nous allons nous sentir vivants. Car la musique du trio possède cette force, celle d’éveiller les sens endormis, bercés par trop de complaisance, de bienpensance, de bienséance, de politiquement correct et de joies commerciales qu’on nous débite à longueur de temps comme seul vecteurs possibles pour atteindre le bonheur (ou une quelconque forme s’en approchant).

Ici, rien de tout ça. La musique vrille les nerfs, se fait indomptable, absconse et poétique, cryptique/christique, parle à autre chose qu’aux oreilles, à autre chose qu’à la raison. En passant de la douceur à la fureur, dans des montées fulgurantes d’adrénaline, ou des poussées de fièvre, le groupe nous malmène, pour notre plus grand bien. Ne pas rester dans l’attente, déjouer les pronostics, casser la routine des morceaux longs en proposant un éventail de possible, voilà ce que le groupe sait faire, voilà ce qu’il nous propose.

Ainsi, jamais statique, il est est en constante progression et Anabasis propose à nos yeux ébahis une multitude de paysages, auditifs, mais pas que puisque de nombreuses images s’imposent à nous. C’est un peu comme un voyage en train qui laisserait entrevoir des environnements changeant, passant de la campagne au bord de mer (où celle-ci serait déchainée par exemple) en un changement de cap osé et maitrisé.

Une production précise.

Pour accompagner les instruments, leur conférer leur attaque, leur assise, leur personnalité aussi, il fallait une production calibrée, capable d’être rugueuse et soyeuse, et surtout de passer de l’une à l’autre sans que cela s’entende. Avec une réussite insolente, L’Effondras réussit ce tour de passe-passe sans que nous ayons l’impression qu’il force la chose. Les aspects post rock s’enchainent alors aux aspects post-punk, voir légèrement cold wave avec brio et surtout sans perdre ni en cohérence ni en personnalité.

L’effet dégage une puissance monstrueuse, paradoxalement jamais écrasante. Pourtant, nous la sentons peser de tout son corps sur nous, visitant nos entrailles comme pour mieux en extraire un cancer. Ça remue, ça implique le corps et la tête, le cœur aussi, surtout, puisque l’émotion y est palpable, explosive, enveloppante, séparément ou ensemble. Les compositions, bien que 100% instrumentales, possèdent toutes des spécificités leur étant propre, et même si toutes peuvent s’écouter enchainées les unes aux autres, elles peuvent également l’être de façon isolée. Ces deux façons d’écouter l’album sont également propices aux doubles niveaux de lecture, ce qui n’est absolument pas pour nous déplaire.

Sans compromis

Nous suivons en effet des états de consciences propre à chaque morceau dans une écoute fragmentée, tandis que l’écoute liée nous dévoilerait l’état d’évolution d’une pensée, celle d’un narrateur imaginaire qui dévoilerait une part de sa psyché, tourmentée, en prise au doute, à la colère, mais aussi à une forme de contemplation (parfois morbide et violente). Saisissant.

Ce nouvel album s’avère particulièrement réussi. Peut-être parce que ces titres sont plus concis que le précédent. Le groupe y gagne en clarté, en efficacité, et démontre des trésors mélodiques qui ne manquent pas de nous prendre aux tripes. Voir son évolution, sans qu’il y perde en aura, ni qu’il revoit ses ambitions à la baisse est une joie sans nom. Nous aimons quand les artistes développent leur univers, contre vents et marées, en faisant fi des quand dira-t-on. Et L’Effondras fait partie de ceux-ci. Alors on va continuer à garder un œil sur sa carrière, parce que sa musique persiste à nous toucher en plein cœur. Eh ouais !

Le titre d’Anabasis.

Ce que révèle l’éclipse, assurément. Sans doute parce qu’il s’étire au-delà des dix minutes, ce qui nous laisse le temps d’être adopté en son sein, et d’y découvrir les richesses de sa composition. Oubliez les lignes droites, prenez les courbes à-bras-le-corps, et laissez vous guider par ce mélange de tension/relâchement propre au groupe. Comme l’éclipse, jadis génératrice de peurs infondées, ce titre provoque un sentiment de désarroi, celui d’être bousculé dans des retranchements auxquels nous n’avions jamais songé, avant de trouver une forme de réponse dans l’astre qui réapparaît dans sa globalité. Les ténèbres en plein jour font alors la lumière sur ce que révèle notre âme, nos pensées, et nous permet de voir le renouveau de l’existence sous un éclairage neuf et inédit.

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