KIRA SKOV, Spirit tree, album de collaborations magiques.
Album déjà disponible chez Stunt records.
Nous n’allons pas vous faire trop languir, ce disque est un joyau. Physiquement, l’objet est magnifique, musicalement, il est magique. Ce nouvel album de Kira Skov, Spirit tree, né pendant la pandémie, regroupe en son sein une pléiade de guests, de très haute volée, pour un album folk et pop absolument superbe.
D’un côté vous avez le groupe de Kira Skov (qu l’accompagne régulièrement en tournée et qui est composé de Silas Tinglef (batterie/guitare), Anders « AC » Christensen (basse), Oliver Hoiness (guitare/claviers), Maria Jagd (violon), Nicolai Torp (piano), Tobias Wiklund (trompette), Ned Ferm (saxophone) et Mads Hyhne (trombone), le chant de cette même Kira, et de l’autre des collaborations hallucinantes. Pour faire en sorte que cela soit dit, tant la participation de chacun d’entre eux est lumineuse, à sa manière, nous retrouvons Bonnie « Price » Billy (sur 2 titres), Stine Grøn, Steen Jørgensen, Bill Callahan, Mette Lindberg (sur 2 titres), Mark Lanegan, John Parish (par 2 fois), Jenny Wilson, Marie Fisker (sur 2 titres), Lionel Liminana et Lenny Kaye. Voilà qui est dit.
Comme l’arbre.
Comme la belle couverture de ce petit livre refermant le cd, l’arbre à ici tout une symbolique. À sa base, les racines (symbolisées, au milieu du livret par le groupe qui accompagne la musicienne, la fidélité en quelque sorte), un tronc (Kira Skov, ces compositions, le lien qui réunit), et le feuillage (les collaborations, les amis, les musiciens qui l’ont inspiré et avec qui elle voulait travailler ou retravailler).
De la même manière, à l’image de cet arbre, la musique ici se tourne vers un esprit boisé, celui d’une folk moderne, faisant le pont avec la pop, le rock, en s’en fichant pas mal des différentes chapelles, puisque tout passe par le prisme de compositions qui nous paraissent écrites pour chaque featuring. Autrement dit, nous avons l’impression que Kira Skov s’est efforcée d’écrire à destination de ses guests, des chansons sur mesure tant elles semblent leur coller à la peau. Ainsi, la fragilité dans la voix de Mark Lanegan trouve en Idea of love un écrin où sa sensibilité semble plus brûlante que jamais (alors que ce titre est le seul qui n’ait pas été composé pour l’album), ou bien encore Dusty Kate où la voix de Mette Lindberg joue littéralement le caméléon, tant dans l’intonation que dans la fièvre de l’interprétation.
Durant la pandémie.
Alors que certains restaient à se morfondre, d’autres continuaient à avancer. Et à essayer de trouver un sens à tout ce qui nous arrivait (la première fois, celle qui marque). Ainsi, Kira Skov, musicienne danoise évoluant sur la scène musicale depuis une vingtaine d’années (et diable, pourquoi n’avions nous jamais eu vent d’elle auparavant?) a décidé de faire fi des restrictions sanitaires et de l’éloignement pour réunir sur un disque les artistes qu’elle aime, avec qui elle avait déjà travaillé ou avec ceux avec qui elle rêvait de le faire. Ainsi, coup de fil, mails sont passés, envoyés, pour demander à la somptueuse brochette d’artiste si elle désirait prendre part au projet. Résultat : tous ont accepté.
Kira Skov dit ceci : « J’étais tellement heureuse que tout le monde ait bien voulu participer au projet. L’album est né d’un véritable échange musical : les bandes ont toutes été enregistrées en direct à Coppenhague, j’ai adressé les chansons aux uns et aux autres sous forme de fichiers audio et chacun y a ajouté sa voix au fur et à mesure .»
Évidemment, nous ne sentons nullement la distance dans ces compositions, mais, grâce aux avancées de la technologie, une véritable proximité entre la musique, le chant de Kira Skoov et celui de ses invités. Le résultat est assez bluffant pour tout dire et fonctionne à la perfection. Le mix y est sans doute pour beaucoup, mais c’est tant mieux, car nous nous régalons.
Un univers suspendu.
Spirit tree dégage un univers délicat, qui pourrait se rompre à tout instant. Comme s’il était suspendu à un fil, surplombant un immense ravin, ou comme s’il était suspendu aux lèvres d’une pandémie, d’un changement profond de nos mentalités, fortement impactées par ce qu’il s’est passé ces derniers mois. Pourtant, l’album dégage une forme de force, de résilience, de ce pas en avant que nous nous efforçons tous de faire pour ne pas mourir.
La musique ici semble exempte de tout sentiment négatif. C’est-à-dire que nous sentons une sincérité émaner du plus profond de cet album, qu’il s’agisse de ce que la musique nous évoque de douceur, de tristesse, de joie aussi, mais également de par ce que transportent ces voix parfois éloignées de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres.
Alors les arpèges de guitare suivent la rythmique, la bousculent ou l’accompagnent, toujours avec une chaleur particulière, presque feutrée bien qu’ouverte sur l’extérieur. Les voix, peu ou prou, suivent le même cheminement. La « patronne » n’hésite pas à se mettre en arrière quand il le faut, entre parfois en « conflit » pour faire ressortir la beauté des timbres mélangés. L’apport d’instrument un peu moins courant dans l’univers pop musique ou folk permet d’aller plus loin dans l’exploration, de toucher au plus près les émotions.
Que dire de plus ?
L’artwork de l’album est magnifique (il est de Mette Geisler), il est la porte d’entrée dans cette maison, dans cette famille de chanteurs et chanteuses qui dégage une cohésion d’autant plus étonnante qu’ils ne se trouvaient pas dans les mêmes lieux, ni ne posaient leur voix en même temps. Cette cohésion est comme cet arbre, un bouquet de talent tenu par la main d’une chef d’orchestre qui a su faire ressortir la finesse de chaque invité, pour un disque de très grande beauté, émouvant.
LE titre de Spirit tree.
Chaque titre est une perle. Nous ne voyons, en réalité, aucun titre faible. D’autant plus qu’ils n’ont pas forcément la même essence. Alors vous en citer un nous paraît impossible. Sans perte de rythme ou d’efficacité, le disque est d’une homogénéité folle, ce qui ne cesse de nous étonner malgré les dizaines d’écoutes que nous avons à notre actif. Si vous aimez les spoken world, Lenny’s theme est magnifique, tout comme Deep poetry. Si c’est plutôt les voix féminines que vous aimez, Dusty Kate, Ode to the poets (tous deux avec Mette Lindberg) ou Horses (mais sur celle-ci vous avez aussi John Parish, qui n’est pas vraiment une voix féminine). Enfin, si vous aimez les crooners, In the end ou Idea of love. En fait, tous les morceaux sont riches…. Donc pas de titre de l’album, mais juste un album sans faute de goût, parfait de bout en bout.
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