[ ALBUM ] JOHNNY LABELLE, Cold fruit, onde séductrice

Cold fruit par Johnny Labelle (déjà disponible)

Alors que le crooner grec annonce son nouvel album XVIII pour le 4 décembre, nous nous penchons, avec un certain retard, sur son précédent opus, Cold fruit (premier album sorti en mars 2019 et passé hors de nos radars), album de synth pop/dream pop nous évoquant, par certains aspects, le David Bowie de la période berlinoise.

Les ambiances de Cold fruit sont… très cold wave. Ou plutôt d’une wave atmosphérique, empruntant au froid, mais dispersant autour de lui du chaud.. Emplies d’une certaine gravité, elles sont pourtant, ces ambiances, aériennes, légères. La gravité n’est ici présente que dans les sonorités de basses, sourdes mais bien présentes, et dans cette voix grave, presque détachée. Il nous est dur de ne pas faire ici de comparaison avec l’excellent Délage (qui vient de sortir un très bon deuxième album, Twist and doubt).

En effet, ces deux chanteurs possèdent un univers presque similaire, fait de nappe de claviers, de rythmiques 100 % boîtes à rythmes et de guitares alanguies plongées dans une réverb’ onirique.

Un chant profond.

Ici, Johnny Labelle, toujours comme Délage, pose sa voix comme un instrument de séduction massive. Le chant y est impeccable, mais ce sont surtout les lignes de chant qui nous captivent d’entrée de jeu. Le savoir-faire pop est total, ne souffre aucune faiblesse, et permet aux fameuses mélodies chantées de s’incorporer et de magnifier celles émanant des instruments.

En effet, le caractère romantique, de l’un ou de l’autre, puise sa force dans son vis-à-vis. Il en résulte un effet circulaire, comme un serpent qui avalerait sa queue mais qui, plutôt que de s’étouffer avec, la digérerait instantanément, se grandirait, et permettrait que ce cercle n’en finisse jamais de se développer et de nous embarquer dans une spirale ascendante de plaisir.

Calquer sur des mid tempo langoureux, nous nous laissons bercer par Cold fruit.Mais n’allez pas croire pour autant que tout est sirupeux, car des effets surprenants surgissent parfois ici, en arrière-plan, par des dissonances, par une foudre qui viendrait dérégler quelques machines bien huilées. Ainsi, la musique de Johnny Labelle ne souffre jamais de la redite, attise notre curiosité sans cesse, comme pour nous démontrer que les crooners ne sont pas que des machines à faire mouiller mémé.

Cold wave ?

Alors certes, on pense cold wave, pourtant, par l’adjonction d’un saxophone ici et là (joué par Owen Callahan sur Strange affection, Strakes are high et Glass Bees, Pantelis Lykoudis sur Equinox), la banquise en vient vite à fondre. Les coeurs amoureux libèrent les fameux papillons coincés dans le ventre et nous invitent à une sorte de parade nuptiale incoercible. Des images se saisissent dès lors de nous, d’un couple enlacé, dansant lentement en se bécotant.

Peut-être est-il simplement question, dans Cold fruit, d’amour, celui qu’il est si dur de nommer autrement que par des sons et des couleurs. Les deux abondent sur l’album, par une musique vaporeuse, fin brouillard qui plane sur nous, mais loin de nous glacer les sangs, il nous réchauffe l’âme. Si l’on ajoute à ça l’apport de voix féminines, magiques (Marthilia Svarna sur Aye acetes et Rosangelica Cavalucci sur El crimen perfecto), vous obtenez les nuances nécessaires pour vous propulser dans votre propre film.

Hors du temps.

Il survient toujours, tout au long du LP, ce petit truc irrémédiablement séduisant, quelque chose qui fait que Johnny Labelle s’avère un puissant aimant à désirs. Ceux-ci, enfouis au plus profond de nous, ressortent à l’écoute d’un titre comme Stakes are high par exemple. Car l’esprit séducteur du musicien n’est jamais loin de l’âme du rockeur qui sommeille en lui. On pense, nous le reprécisons, à Bowie. Peut-être simplement parce que Labelle est exactement hors courant sans être hors sujet (loin de là). Peut-être moins précurseur que le Thin white Duke, il ne nous laisse pourtant pas indifférents car il touche à l’essence de toute chose, c’est-à-dire à l’émotion viscérale et première qui nous habite.

La richesse des arrangements, il faut le souligner, joue pour lui, tout comme la sobriété de la production qui lie tous les titres de la même aura ensorcelante. Mais indéniablement, outre certains effets vaguement psychédéliques, c’est cette voix qui porte haut et fort l’identité remarquable de Johnny Labelle. Bref, vous l’aurez compris, ce Cold fruit est bien plus chaud qu’il ne veut bien le suggérer. À (re)découvrir. Pour le plaisir (comme disait l’autre).

johnny labelle cold fruit

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