[ ALBUM ] JEREMY IVEY, Waiting out the storm//classique instantané

Waiting out the storm, nouvel album de Jeremy Ivey (déjà disponible chez Anti- records)

Cet album n’est pas un coup de foudre. Ce n’est pas non plus un coup de coeur. Alors, en partant de ce postulat, pourquoi en parlons-nous ? Simplement parce que Waiting out the storm de Jeremy Ivey fait parti de ces disques qui ne se démodent jamais et qui, à chaque écoute, que l’on aille bien ou pas, fait plaisir à entendre. Mieux : il s’inscrit dans la catégorie des disques que nous écouterons toute notre vie, sans jamais ressentir de lassitude.

Contrairement à ces disques coup de coeur, qui marquent souvent de leur empreinte un moment donné de notre existence, et dont le souvenir ému nous revient à chaque fois, il ne passera jamais de mode. Les disques « coup de coeur », passé l’emballement initial, peuvent retourner à une certaine forme d’oubli. Mais les vrais bons disques nous accompagnant tout au long de notre vie ne sont pas légion. Ils ne sont même pas tous des chefs d’oeuvre reconnus aux yeux des experts. Néanmoins, à vos yeux, ils le sont, et ça, quoiqu’on en dise, ça fait d’eux des incontournables absolus.

Une production carrée.

Premier élément de ce qui constitue un bon disque, la production. Ici, elle est d’une redoutable efficacité, tout en étant paradoxalement d’une sobriété pertinente. Pas de gros effets, de grosses ficelles, simplement des touches qui rehaussent, par exemple, l’entame d’un refrain, ou savent venir en appui de la voix pour apporter une dimension plus percutante à une émotion. Ni chaude, ni froide, elle se calque sur la musique de Jeremy Ivey, mélange de rock, pop, country folk, le tout à la sauce américaine. C’est net, sans bavure, permet une insertion directe dans l’univers d’Ivey, comme si, finalement, nous avions toujours connus à la fois ce disque et son auteur.

Pourtant, cette production sobre se voit au service d’arrangements pointilleux, d’une musicalité toujours portée aux nues. Là aussi, nous ne sommes pas dans le clinquant, mais dans la justesse. Ces arrangements ne sont pas là pour prendre le dessus, mais pour servir, à la perfection, des compositions solides et inspirées. C’est-à-dire que, plus qu’un ego d’artiste à satisfaire, nous avons l’impression que les musiques de Waiting out the storm créent elles-mêmes leurs propres besoins, qu’elles nourrissent l’envie d’y apporter une touche de clavier aérienne, un peu d’onirisme, ou contrebalancer un titre country pur pour le façonner en balade pop folk.

Classic rock ?

La première impression que nous avions en écoutant Waiting out the storm était que nous étions en présence d’un album classic rock. Et ce n’est pas fondamentalement faux, sauf que ça l’est tout de même. Parce que, subtilement, Ivey y introduit, presque sans que nous le remarquions, des touches d’une modernité totalement dans l’air du temps. L’esprit « classic » réside donc dans le simple fait que cet album nous paraisse immédiatement familier, comme si nous étions en présence d’un disque rassurant.

N’attendez donc pas d’expérimentations sonores, de sorties de pistes psychédéliques ou d’envolées électroniques, contentez-vous d’avoir, sous les oreilles de vraies bonnes chansons, superbement mises en valeur par une voix magnifique. Car elle l’est, cette voix, magnifique, belle et irréprochable de justesse, pas tant dans son champ que dans son implication. Jeremy Ivey y excelle, donne à ses titres l’emphase nécessaire pour nous électriser les sens.

Manque de fantaisie ?

Certains pourraient penser ce disque trop sage, trop balisé, manquant de ce grain de folie qui nous fait vibrer d’une façon inédite, mais tel n’est pas le propos dans ce LP. Son propos est celui de servir une musique qui a pour vocation à rester, pas à se démarquer ostensiblement. Si elle se démarque, c’est uniquement par le soin apporté à chaque titre, à chaque sonorité et à chaque aspérité des compositions.

Tout paraît réglé au millimètre, pourtant cela n’entrave en rien la vie qui circule d’un bout à l’autre des dix titres. Il n’y a effectivement rien de figé et surtout pas ce flux magnétique qui nous rend vite accroc au disque. Pour preuve, cela fait plus d’un mois que le disque revient, tel un boomerang, sur la platine pour une session de 5-6 écoutes successives. Puis on passe à un autre artiste avant d’inexorablement reposer la galette de Jeremy Ivey dans son lecteur, pour une nouvelle session de 5-6 écoutes. Et le meilleur, dans tout ça, c’est que nous sommes sûrs que cet état de fait perdurera bien après que cette chronique soit tombée dans l’oubli. Ce qui en fait un disque essentiel de toute bonne discothèque.

LE titre de Waiting out the storm.

Nous avons une tendresse toute particulière pour Someone else’s problem. Pourquoi ? Parce qu’il dégage une sorte de groove discret, basé sur un des tempo les plus lent de l’album. Les sonorités de clavier s’y font chaudes, enveloppante, tandis que Jeremy Ivey s’y fait presque crooner. Nous dirions plutôt qu’il s’y fait conteur, qu’il nous inclut dans son récit, nous prend à partie comme pour nous montrer la véracité de ses dires.

Ce titre dégage une finesse toute particulière, genre de balade qui tue sans en être réellement une. C’est presque une parenthèse dans ce disque, une pause, ou une introduction à la dernière partie du disque (Someone else’s problem est la piste 7 de l’album). Il donne à celui-ci comme un second souffle, une seconde inspiration, qui fait que, justement, Waiting out the storm ne s’essouffle pas, jamais, et qu’il maintient son standing sur la durée.

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