INNOCENT BUT GUILTY, Still I’m leaving

innocent but guilty

En septembre dernier, le prolifique projet ambient Innocent But Guilty revenait avec cette nouvelle livraison. Profond et aérien, ce Still I’m Leaving est un enchantement.

Du visuel à la musique

Une empreinte dans la neige ? Le premier pas de l’Humanité sur la Lune ? Le visuel de Still I’m Leaving résume à la perfection les presque cent cinq minutes de musique qui attendent auditeurs et auditrices, entre atmosphères éthérées et écrasantes considérations métaphysiques. C’est de cette tension permanente entre deux pôles a priori antagonistes que se nourrit cet album d’ambient filmique.

Le paradoxe, Innocent But Guilty le cultive jusque dans son patronyme. Le vaisseau amiral d’Arnaud Chatelard -par ailleurs à la tête de l’excellent label bordelais Foolish Records et d’une myriade de projets annexes aussi diversifiés que passionnants- croise aussi bien sur les océans déchaînés des envolées lyriques que sur les eaux plus calmes de l’introspection. Composés principalement aux synthétiseurs, les onze titres de l’album s’appuient sur des textures riches et variées, privilégiant les formats étirés à l’intérieur desquels se succèdent de courts mouvements, rarement réitérés.

C’est une musique en mutation permanente que nous propose l’artiste girondin, passant avec une étonnante fluidité de la mélodie à l’abstraction. Nappes et sonorités s’entremêlent dans un canevas complexe qui nécessite un certain engagement de la part de l’auditeur ou de l’auditrice. Il ne s’agit pas, ici, d’écouter d’une oreille distraite.

Images.

Très cinématographiques dans leur approche et dans leur construction, les morceaux de Still I’m Leaving évoquent aussi bien la rencontre entre l’équipage du Nostromo et le célèbre pilote de Hans Rudi Giger (l’extraordinaire et mouvant Baby I’m Back In Town) que le survol d’une mégapole futuriste (Underated). Les inspirations élégiaques (Underated, encore) côtoient les atmosphères mélancoliques (l’excellent Hashtag et ses cordes synthétiques introspectives) conférant à l’ensemble une sensibilité et une gravité qui le rapprochent de la musique sacrée.

Parmi ces titres, émergent deux pièces de résistance, deux léviathans sonores d’un quart d’heure chacun. Tango Charlie nous plonge au coeur de quelque usine fantasmagorique, flirte avec l’indus et la noise, déploie ses tentacules de métal en fusion avant de se dissoudre dans une calme abstraction. Come On Rosie, lui, commence dans les graves puis taille dans le bruit, sculpte des monolithes phoniques cyclopéens à la gravité mélancolique.

Pour conclure.

Si chacun, chacune, selon sa sensibilité, aura ses préférences (on pense aux neuf minutes aériennes de Sicarios ou au précité « Baby I’m Back In Town »), c’est avant tout la grande cohérence de l’ensemble qui interpelle ici. On est bien en présence d’un album pensé comme tel et non d’une simple collection de morceaux. Dans l’idéal, on écoute même le tout d’une seule traite. Il faut juste un peu de temps. Une longue nuit d’hiver s’y prêtera particulièrement.

Retrouver le disque sur Bandcamp

BenBEN

Frontman de Wolf City, impliqué dans des projets aussi divers que The Truth Revealed ou La Vérité Avant-Dernière, Ben a grandi dans le culte d’Elvis Presley, des Kinks et du psychédélisme sixties. Par ailleurs grand amateur de littérature, il voit sa vie bouleversée par l’écoute d’ « A Thousand Leaves » de Sonic Youth qui lui ouvre les portes des musiques avant-gardistes et expérimentales pour lesquelles il se passionne. Ancien rédacteur au sein du webzine montréalais Mes Enceintes Font Défaut, il intègre l’équipe de Litzic en janvier 2022.

Ajoutez un commentaire