HERMAN DUNE, Santa Cruz Gold + Nuggets
Double dose de plaisir !(disponible chez BB*Island records)
Parfois, le temps joue des tours, prend des détours, et propulse un album composé en 2018 tout droit en 2022. Comme si, comme un pied de nez, la beauté qu’il renferme se devait, comme tout bon vin (français ou californien), de maturer tout doucement pour délivrer tout son bouquet au moment opportun. C’est le cas de ce magnifique Santa Cruz Gold, de Herman Dune, le plus franco-suédois des californiens (ou inversement).
Mais comme si cela ne suffisait pas, ce Grand Monsieur, qui vit le blues et la folk music comme personne (si ce n’est comme une certaine Lisa Li-Lund chroniquée il n’y a pas très longtemps en nos pages, ce qui n’est pas une surprise) nous offre en prime un album bonus, absolument génial lui aussi. Car plus que de bonus au rabais, il s’agit de vraies compositions pour un véritable album, datant de la même époque, qui finissent, avec légèreté, de façonné une œuvre d’une richesse folle.
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De son aveu…
Herman Dune dit ceci : « Ces chansons sont celles d’un juif franco-suédois qui a immigré en Californie. Directement de mon studio à vos oreilles, cet album était censé sortir le 2 décembre 2018 pour Hanoucca. […] J’ai écrit et enregistré à un moment où personne ne me mettait la pression. Je doutais même que quelqu’un s’intéresse à mes chansons. C’était plus un besoin existentiel qu’autre chose,et certainement pas un choix de carrière. »
Que répondre à ça si ce n’est que nous y sentons un artiste peut-être un peu en proie au doute quant à son art, peut-être aussi un peu mal à l’aise avec le cirque médiatico artistique, qui vous presse, dès qu’il sent le bon client, comme un citron provenant d’Orange County. Il n’en demeure pas moins que la sincérité émanant de ces quelques paroles nous montre un être sensible qui ressent le besoin de s’exprimer totalement par sa musique. Et, le faisant sans aucune pression, le résultat s’avère simplement bluffant.
Espace temps (encore).
Ces deux disques ont donc été composés en 2018, voient le jour en 2022, mais auraient tout aussi bien pu être composés fin des 50’s, début 60’s, voire peut-être même un peu avant. De sa musique, nous ne pouvons dire que deux mots : respect et modernité. Le respect, il touche à la fois la musique qui produit Herman Dune car, dans les deux Santa Cruz Gold, nous sentons une véritable connexion avec des racines terriennes, blues, country et folk, d’une americana pure comme l’eau d’un torrent qui dévalerait les flancs escarpés des Appalaches.
Nous y sentons une vérité séculaire, une force d’interprétation où affleure parfois une très légère touche d’humour, par de petites facéties instrumentales, jamais mal dirigées, mais surtout une envie d’exprimer ce que le cœur porte en son sein. Et puis il y a cette touche de modernité. Celle-ci réside dans des touches de boîtes à rythmes, par un esprit do it yourslef (en opposition au travail effectué, dans les fameuses 50’S/60’s, essentiellement en studio), par une production qui ne laisse presque aucun doute de l’époque à laquelle tout a été enregistré.
Néanmoins, à ce sujet, nous décelons un vrai travail d’orfèvre, cherchant à faire sonner ces albums comme des pépites en provenance de Memphis, des studios Sun ou ce genre de chose. La production est chaude, le mix impeccable et les voix (et les choeurs!) sont d’une beauté confondante grâce à un enregistrement de très belle qualité, possédant un peu le charme des productions passées. Les instrumentations sont au diapason, laissant une grande place aux instruments acoustiques, même si des arrangements à la guitare électrique viennent surligner quelques nobles intentions.
Les compositions.
Herman Dune dit donc qu’il a écrit l’album et son nugget sans pression, et cela se sent. Car il est tout sauf tourné vers un quelconque aspect mercantile (même si on espère pour lui que les disques se vendront plus que bien). Les compositions ne répondent à aucune injonction de sonner comme si ou comme ça. Un œil dans le rétro, tourné vers des gens comme Hank Williams par exemple, Herman Dune joue un classicisme de grande classe. Couplet, refrain, pont, structure que d’aucuns croiraient t un poil rigide, trouvent ici une dimension un peu magique, nimbé d’un peu d’esprit de Noël.
On croit savoir que Hanouka tombe en décembre (après vérification, Hanouka est une fête hivernale juive symbolisant une fête des lumières. Hanouka dure 8 jours), et donc on retrouve une espèce de sérénité emprunte d’un peu de la magie de cette période. Certains titres portent carrément cet esprit très américain des chansons de Noël, véritable tradition outre-Atlantique (ce n’est pas Mariah Carey qui s’en plaindra). Pour les autres, nous retrouvons également ce côté décomplexé, sans stress, synonyme de plaisir,de besoin aussi d’exprimer des choses en toute quiétude.
L’atmosphère est donc pleine de recueillement, mais un recueillement presque insouciant, sans doute parce qu’il doit en être ainsi. Cette légèreté, ce presque optimisme, cette chaleur, sont traduits par des mélodies vocales imparables, qui donnent envie de pousser la chansonnette de façon incoercible. Les mélodies instrumentales, si nous y sentons parfois une certaine gravité, ne sont jamais plombantes pour autant. Au contraire, elle imprime sur nous un mouvement vers l’autre, vers une célébration commune, non d’un quelconque Dieu, mais en direction de l’autre (qu’il s’agisse d’un proche ou d’un parfait inconnu), symbole d’une générosité sans limite.
Esprit.
Les arrangements d’harmonica, les passages de cordes (violons notamment), la pedal steel, tout concours à nous élever à un autre niveau d’écoute, porté vers le ciel, comme si, bulles de savon, nous naviguions au gré de vents légers avant de monter tranquillement vers les nuages. Pour le reste, guitare, basse et batterie font le gros du job, avec toujours ce (bon) goût assumé de ne pas singer les aînés, tout en leur montrant un vrai respect, presque une dévotion, laquelle n’annihile en rien l’expression de la personnalité de Herman Dune.
L’intention, plus que louable, aurait pu se solder par un semi-échec si Herman Dune ne possédait pas une telle présence vocale, de celle qui touche directement à notre âme. Claire ou légèrement éraillée, elle transmet une émotions nue, sans oripeaux, mais toujours d’une pudeur infinie. Elle sert indéniablement de vecteur (un vecteur indique une force et une direction) à ce couple d’albums que tout amoureux des belles choses se devrait de posséder. Indémodable, intemporelle Santa Cruz Gold et Santa Cruz Gold Nuggets sont des classiques instantanés, des œuvres d’une grande sensibilité, fait par un amoureux de la musique, pour les amoureux de musique. Et c’est simplement énorme.
LES titres de Santa Cruz Gold.
Les deux albums ne possèdent pas de titres faibles. Tous ne nous touchent pas de la même manière, ni au même moment. C’est-à-dire qu’ils s’adaptent, comme par magie, à nos états d’âmes du jour, de l’heure, pour trouver la faille dans laquelle s’engouffrer pour nous redonner un peu d’énergie, un peu foi, un peu d’amour aussi. Il n’y a donc pas de titre plus fort qu’un autre parce que certains vont nous toucher par des choeurs divins à un moment où la solitude s’abat sur nous. Nous y piochons un peu de réconfort, un peu de ce sentiment qui nous dit que nous avons nous aussi besoin des autres.
À un autre moment, c’est un titre country qui nous rappellera que l’on peut quand même avoir chaud au beau milieu de l’hiver. On appréciera un titre voix guitare pour nous apporter un peu de réconfort, une pause dans le tumulte, et on appréciera un titre un peu plus enlevé au moment du réveil (ou inversement). Cette musique peut s’écouter d’une oreille distraite ou dans un état de profonde concentration, nous ravissant dans un cas comme dans l’autre puisque la note parfaite viendra y accrocher notre oreille et/ou attention.
Au risque de nous répéter, nous dirons encore une fois que cette paire de disques est un must have de toute discothèque. Alors nous ne dirons plus que cela désormais : merci Herman Dune.